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Les mesures conservatoires : protéger vos créances avant qu’il ne soit trop tard

Table des matières

Lorsqu’un débiteur tarde à payer, le temps joue rarement en faveur du créancier. Entre le moment où une créance devient exigible et celui où un titre exécutoire peut être obtenu, le patrimoine du débiteur risque de s’évaporer. Les mesures conservatoires constituent alors un outil juridique efficace pour préserver ses chances de recouvrement.

Qu’est-ce qu’une mesure conservatoire ?

Définition et objectifs

Une mesure conservatoire permet de rendre indisponibles certains biens d’un débiteur pour garantir le paiement futur d’une créance. L’article L. 511-1 du Code des procédures civiles d’exécution (CPCE) la définit comme une mesure destinée à empêcher que « le recouvrement de la créance ne soit mis en péril. »

Cette mesure peut prendre deux formes :

  • La saisie conservatoire : elle rend indisponibles les biens mobiliers corporels ou incorporels du débiteur
  • La sûreté judiciaire : elle confère un droit de préférence sur certains biens sans les rendre indisponibles

Distinction avec les mesures d’exécution

Contrairement aux mesures d’exécution qui permettent le transfert forcé de la propriété d’un bien, les mesures conservatoires ne font que geler temporairement la situation.

La Cour de cassation a clairement marqué cette distinction dans un arrêt du 3 octobre 2018 : « à la différence de la saisie conservatoire du droit français qui a pour but de garantir le recouvrement des créances, l’injonction Mareva ne rend pas les biens concernés juridiquement indisponibles » (Civ. 2e, 3 oct. 2018, n° 17-20.296).

Cette nuance est capitale. Une mesure conservatoire n’a pas vocation à satisfaire immédiatement le créancier, mais à préserver ses droits jusqu’à l’obtention d’un titre exécutoire.

Les conditions pour obtenir une mesure conservatoire

Une créance paraissant fondée en son principe

La première condition tient à la créance elle-même. L’article L. 511-1 du CPCE exige que celle-ci paraisse « fondée en son principe ». Il ne s’agit pas d’une exigence de certitude absolue.

Contrairement aux mesures d’exécution, la créance n’a pas besoin d’être :

  • Certaine
  • Liquide
  • Exigible

Une simple apparence de créance suffit. La jurisprudence a confirmé cette souplesse : « Une apparence de créance est suffisante pour justifier une mesure conservatoire sans qu’il soit exigé que la créance soit certaine, ni même non sérieusement contestable, et exigible » (Paris, 16 nov. 2017, RG n° 16/20739).

Des factures impayées, un rapport d’expertise judiciaire ou même une lettre d’intention peuvent constituer cette apparence de droit.

Des circonstances menaçant le recouvrement

La seconde condition est l’existence d’une menace pesant sur le recouvrement de la créance. Cette condition est évaluée souverainement par le juge.

La menace peut résulter de différentes situations :

  • La situation financière précaire du débiteur
  • Des tentatives d’organisation d’insolvabilité
  • Des retards de paiement répétés
  • L’absence de réponse aux mises en demeure

Le juge se montre attentif aux éléments concrets. Dans un arrêt du 6 septembre 2018, la Cour de cassation a rappelé que cette appréciation relève du pouvoir souverain des juges du fond (Civ. 2e, 6 sept. 2018, n° 17-16.187).

Attention toutefois : le simple refus de payer ne suffit pas à caractériser une menace. La Cour d’appel de Paris a ainsi jugé que « le refus de payer la somme réclamée ne suffit pas à caractériser une menace dans son recouvrement » (Paris, 16 nov. 2017, RG n° 16/20739).

La procédure d’obtention d’une mesure conservatoire

L’autorisation judiciaire : quand est-elle nécessaire ?

En principe, obtenir une mesure conservatoire nécessite l’autorisation du juge de l’exécution. L’article R. 511-1 du CPCE prévoit que la demande est formée par requête.

Cette requête doit comporter :

  • L’exposé des motifs justifiant la demande
  • Le montant de la créance
  • Les biens visés par la mesure
  • Des pièces justificatives

Le juge statue sans débat contradictoire, pour préserver l’effet de surprise. Il détermine le montant des sommes pour lesquelles la mesure est autorisée et précise les biens sur lesquels elle porte (art. R. 511-4 CPCE).

Les cas de dispense d’autorisation

L’article L. 511-2 du CPCE prévoit des cas où le créancier peut pratiquer une mesure conservatoire sans autorisation judiciaire :

  1. Lorsqu’il dispose d’un titre exécutoire
  2. Lorsqu’il bénéficie d’une décision de justice qui n’a pas encore force exécutoire
  3. En cas de défaut de paiement d’une lettre de change acceptée
  4. En cas de défaut de paiement d’un billet à ordre
  5. En cas de défaut de paiement d’un chèque
  6. En cas de loyers impayés résultant d’un contrat écrit de louage d’immeubles

Ces dispenses participent à la valorisation du titre exécutoire et à l’accélération des procédures. Elles ne dispensent cependant pas le créancier de prouver que les conditions de fond sont réunies.

Dans un arrêt du 12 mai 2011, la Cour de cassation a rappelé que même en cas de dispense d’autorisation, le créancier doit justifier de circonstances menaçant le recouvrement (Civ. 1re, 12 mai 2011, n° 10-15.700).

Les recours du débiteur contre la mesure conservatoire

La demande de mainlevée

Le débiteur n’est pas démuni face à une mesure conservatoire. Il peut en demander la mainlevée devant le juge de l’exécution du lieu de son domicile (art. R. 512-1 CPCE).

Cette demande peut être fondée sur :

  • L’absence de créance fondée en son principe
  • L’absence de menace dans le recouvrement
  • Des irrégularités de procédure

La demande de mainlevée est possible « à tout moment », comme le précise l’article R. 512-1 du CPCE. Elle ouvre un débat contradictoire où le créancier pourra défendre sa position.

La charge de la preuve

Point crucial pour la défense du débiteur : c’est au créancier qu’incombe la charge de prouver que les conditions de la mesure conservatoire sont réunies.

L’article R. 512-1, alinéa 2, du CPCE énonce clairement ce principe : « Le juge peut à tout moment, sur la demande du débiteur, modifier ou rétracter son ordonnance, même si le créancier a exercé une voie de recours. La preuve est à la charge du créancier. »

Cette inversion de la charge de la preuve a été confirmée par la Cour de cassation dans un arrêt du 6 octobre 2005 (Civ. 2e, 6 oct. 2005, n° 04-12.063). Elle a censuré une cour d’appel qui avait fait peser la charge de la preuve sur le débiteur.

Si le créancier échoue à démontrer que les conditions sont réunies, la mainlevée de la mesure sera ordonnée. Le juge peut également condamner le créancier à des dommages-intérêts si la mesure conservatoire a causé un préjudice au débiteur (art. L. 512-2 CPCE).

Sources

  • Code des procédures civiles d’exécution, articles L. 511-1 à L. 512-2 et R. 511-1 à R. 512-3
  • Cour de cassation, 2e chambre civile, 3 octobre 2018, n° 17-20.296
  • Cour d’appel de Paris, 16 novembre 2017, RG n° 16/20739
  • Cour de cassation, 2e chambre civile, 6 septembre 2018, n° 17-16.187
  • Cour de cassation, 1re chambre civile, 12 mai 2011, n° 10-15.700
  • Cour de cassation, 2e chambre civile, 6 octobre 2005, n° 04-12.063

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