Les prérogatives du commissaire de justice : des pouvoirs encadrés mais étendus

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« Ouvrez, c’est le commissaire de justice ! » Cette sommation peut glacer le sang. Mais que peut réellement cet officier ministériel ? Entre droit de pénétrer dans un domicile et accès aux données bancaires, ses prérogatives impressionnent. Ces pouvoirs sont d’ailleurs essentiels à ses missions monopolistiques. Elles restent toutefois strictement encadrées par la loi.

La recherche d’informations : un pouvoir d’investigation étendu

Le commissaire de justice dispose d’un arsenal juridique pour obtenir des informations sur un débiteur. Ces pouvoirs, définis aux articles L.152-1 et suivants du Code des procédures civiles d’exécution, lui permettent d’agir quand le créancier ne peut fournir les renseignements nécessaires.

Auprès de quels organismes ?

Le commissaire de justice peut interroger :

  • Les administrations de l’État, des régions, des départements et des communes
  • Les entreprises concédées ou contrôlées par ces collectivités
  • Les établissements publics
  • Les établissements bancaires (article L.152-2 du CPCE)

Un arrêt de la Cour de cassation du 11 janvier 2023 (n° 20-23.679) a cependant rappelé les limites de ce pouvoir : un commissaire ne peut exiger d’un notaire, protégé par le secret professionnel, qu’il communique l’adresse d’un client sans ordonnance l’y autorisant.

Quelles informations ?

Les informations accessibles sont limitées à :

  • L’adresse du débiteur
  • L’identité et l’adresse de son employeur
  • L’identité des tiers débiteurs
  • La composition du patrimoine immobilier

La Cour de cassation a posé une règle stricte dans son arrêt du 22 mars 2012 (n° 10-25.811) : « les renseignements obtenus par l’huissier de justice sont couverts par le secret professionnel, même à l’égard du mandant ». Le commissaire ne peut donc pas communiquer au créancier les détails des comptes bancaires qu’il a découverts.

La réquisition de la force publique : un pouvoir sous contrôle

Le commissaire peut rencontrer des difficultés dans l’exécution d’un titre exécutoire. L’article L.153-1 du CPCE impose alors à l’État de prêter son concours.

Comment obtenir l’assistance des forces de l’ordre ?

Pour requérir la force publique, le commissaire adresse une demande au préfet, accompagnée :

  • Du dispositif du titre exécutoire
  • D’un exposé des diligences accomplies
  • D’un procès-verbal détaillant les difficultés rencontrées

Un droit qui n’est pas absolu

Le préfet peut refuser cette assistance pour des motifs d’ordre public. Dans ce cas :

  • Le refus doit être motivé
  • L’absence de réponse dans un délai de deux mois vaut refus
  • Le commissaire informe le créancier de ce refus

La jurisprudence Couitéas (CE, 30 novembre 1923) a posé un principe important : l’État peut refuser son concours pour des motifs d’ordre public, mais doit alors indemniser le créancier pour rupture d’égalité devant les charges publiques.

En matière d’expulsion, l’article L.431-2 du CPCE impose désormais l’utilisation de la plateforme électronique EXPLOC pour toute réquisition.

Protection de la fonction et accès spécifiques

Une protection pénale renforcée

L’exercice des fonctions de commissaire de justice, encadré par une organisation professionnelle et des règles de discipline rigoureuses, implique notamment une protection pénale particulière :

  • Les menaces à son encontre sont punies de 3 ans d’emprisonnement et 45 000 € d’amende (article 433-3 du Code pénal)
  • L’outrage est sanctionné d’un an d’emprisonnement et 15 000 € d’amende (article 433-5 du Code pénal)
  • La rébellion est punie de deux ans d’emprisonnement et 30 000 € d’amende (articles 433-6 et 433-7 du Code pénal)

Ces protections s’appliquent lorsque le commissaire agit dans l’exercice de ses fonctions et que sa qualité est apparente ou connue de l’auteur.

Un accès privilégié aux immeubles

L’article L.126-14 du Code de la construction et de l’habitation oblige les propriétaires ou syndics à permettre l’accès des commissaires aux parties communes des immeubles d’habitation.

La procédure est simple mais formelle :

  1. Le commissaire adresse une demande d’accès
  2. Il justifie de son identité et de sa mission
  3. Le propriétaire ou syndic doit lui remettre les moyens d’accès dans un délai de 5 jours ouvrables
  4. Le commissaire restitue ce moyen d’accès après sa mission

De plus, les commissaires ont accès aux boîtes aux lettres dans les mêmes conditions que les agents de distribution du courrier.

Votre commissaire de justice a-t-il dépassé ses prérogatives ? A-t-il manqué à ses obligations de confidentialité ? Notre cabinet d’avocats analyse votre dossier pour identifier les éventuelles irrégularités. Nous pouvons contester les actes abusifs et protéger vos droits.

Sources

  • Ordonnance n° 2016-728 du 2 juin 2016 relative au statut de commissaire de justice, article 1er
  • Code des procédures civiles d’exécution, articles L.152-1 à L.152-3 et L.153-1 à L.153-2
  • Cour de cassation, 1ère chambre civile, 22 mars 2012, n° 10-25.811
  • Cour de cassation, 1ère chambre civile, 11 janvier 2023, n° 20-23.679
  • Code de la construction et de l’habitation, article L.126-14
  • Code pénal, articles 433-3, 433-5, 433-6 et 433-7
  • Conseil d’État, 30 novembre 1923, Couitéas, req. n° 38284

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