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Le cautionnement a subi une transformation majeure avec l’ordonnance n° 2021-1192 du 15 septembre 2021. Cette réforme, entrée en vigueur le 1er janvier 2022, répond à un besoin de clarification d’un droit devenu complexe et parfois incohérent. Elle modifie en profondeur cette sûreté personnelle qui permet à un créancier d’obtenir l’engagement d’un tiers (la caution) pour garantir la dette d’un débiteur.
I. La réforme par l’ordonnance du 15 septembre 2021
L’intégration dans le code civil
La réforme a rapatrié dans le code civil des règles qui étaient éparpillées dans divers codes, notamment le code de la consommation. Ce mouvement de centralisation rend le droit du cautionnement plus lisible.
L’article 2297 du code civil introduit un formalisme unifié. Désormais, la caution personne physique doit apposer une mention exprimant la nature et l’étendue de son engagement. Finie l’exigence d’une mention manuscrite stricte qui générait un contentieux massif sur des questions de virgule ou de majuscule.
La fin de la distinction entre exceptions
L’article 2298 du code civil a mis fin à une distinction jurisprudentielle critiquée entre exceptions « inhérentes à la dette » et exceptions « personnelles au débiteur ». La caution peut maintenant opposer au créancier toutes les exceptions qui appartiennent au débiteur, quelle que soit leur nature.
Cette simplification met fin à un contentieux abondant où la caution tentait de qualifier telle ou telle exception d’inhérente à la dette pour s’en prévaloir. Seule l’incapacité du débiteur principal reste inopposable par la caution.
La réforme de l’exigence de proportionnalité
L’article 2300 du code civil a refondu l’exigence de proportionnalité. Si l’engagement de la caution personne physique était manifestement disproportionné à ses revenus et son patrimoine lors de sa conclusion, il est désormais réduit au montant que la caution pouvait raisonnablement assumer.
La sanction a donc changé : il ne s’agit plus d’une déchéance totale mais d’une réduction. Cette solution plus équilibrée protège la caution sans priver totalement le créancier de sa garantie.
II. Les nouveautés sur l’obligation de couverture et de règlement
Obligation de couverture et terme extinctif
L’article 2316 du code civil consacre la distinction entre obligation de couverture et obligation de règlement. La première concerne les dettes futures et prend fin à l’arrivée du terme ou lors de la résiliation du cautionnement. La seconde survit pour les dettes nées avant ce terme.
Dans le cas d’un compte courant, l’article 2319 précise que la caution ne peut plus être poursuivie cinq ans après la fin du cautionnement, ce qui évite des situations d’engagement perpétuel.
Le décès de la caution
L’article 2317 confirme que le décès de la caution met fin à son obligation de couverture. Les héritiers ne sont donc tenus que des dettes nées avant le décès, même si elles ne sont pas encore exigibles. Toute clause contraire est réputée non écrite.
L’impact des fusions d’entreprises
L’article 2318 traite des conséquences des opérations de restructuration. En cas de fusion ou scission, la caution ne garantit que les dettes nées avant l’opposabilité de l’opération aux tiers, sauf si elle a expressément accepté de garantir les dettes postérieures.
III. Le renforcement de la protection des cautions
L’obligation de mise en garde unifiée
L’article 2299 consacre l’obligation de mise en garde du créancier professionnel. Il doit alerter la caution personne physique sur l’inadaptation de l’engagement du débiteur principal à ses capacités financières.
Cette obligation bénéficie désormais à toutes les cautions personnes physiques, même averties. Le défaut de mise en garde entraîne la déchéance du droit contre la caution à hauteur du préjudice subi.
Le « reste à vivre » protégé
L’article 2307 instaure un « reste à vivre » pour la caution personne physique. L’action du créancier ne peut pas priver la caution du minimum de ressources fixé à l’article L. 731-2 du code de la consommation (équivalent au RSA). Cette protection s’applique à tous les créanciers, même non professionnels.
Les recours de la caution après paiement
Les articles 2308 et 2309 maintiennent les deux recours de la caution qui a payé le créancier : un recours personnel contre le débiteur et un recours subrogatoire. Le premier permet d’obtenir le remboursement des sommes payées, des intérêts et des frais, voire des dommages-intérêts. Le second fait bénéficier la caution des sûretés dont jouissait le créancier.
La suppression des recours avant paiement
La réforme a supprimé les recours avant paiement de la caution, jugés désuets. Deux palliatifs existent néanmoins : en cas de prorogation du terme, l’article 2320 permet à la caution de payer ou de solliciter une sûreté judiciaire; en cas de procédure collective, l’article L. 622-34 du code de commerce autorise la caution à déclarer sa créance même avant d’avoir payé.
IV. Les évolutions jurisprudentielles majeures
Le revirement sur l’opposabilité des exceptions
La Cour de cassation a anticipé la réforme en admettant que la prescription biennale du code de la consommation constituait une exception inhérente à la dette que la caution pouvait opposer (Civ. 1re, 20 avril 2022). Ce revirement aligne la jurisprudence sur la solution retenue par l’ordonnance.
La jurisprudence sur le bénéfice de subrogation
L’article 2314 maintient le bénéfice de subrogation. La caution est déchargée si, par la faute du créancier, elle ne peut plus être subrogée dans un droit préférentiel. La jurisprudence a précisé que le créancier qui se garantit par un cautionnement et une autre sûreté s’oblige à rendre cette sûreté définitive et efficace.
L’impact des procédures collectives
La réforme du droit des entreprises en difficulté (ordonnance n° 2021-1193) a étendu le bénéfice du plan de redressement aux cautions personnes physiques, alors qu’il était auparavant limité au plan de sauvegarde. Cette évolution affaiblit l’efficacité du cautionnement en cas de procédure collective.
V. Conséquences pratiques pour les différents acteurs
Pour les établissements de crédit
Les banques doivent revoir leurs formulaires de cautionnement pour se conformer au nouveau formalisme. Elles doivent également mettre en place des procédures permettant d’évaluer plus précisément la proportionnalité des engagements souscrits par les cautions.
L’obligation de mise en garde s’étend à toutes les cautions personnes physiques, ce qui impose une vigilance accrue sur l’information communiquée.
Pour les cautions personnes physiques
Les cautions personnes physiques bénéficient d’une protection renforcée. Le nouveau formalisme est plus souple mais toujours protecteur. La caution peut opposer toutes les exceptions appartenant au débiteur principal, ce qui élargit ses possibilités de défense.
Pour les cautions dirigeantes d’entreprise
Les dirigeants cautions de leur société voient leur situation clarifiée. Ils bénéficient désormais expressément de l’obligation de mise en garde, quelles que soient leurs compétences. En cas de fusion ou de scission de leur société, leur engagement est limité aux dettes antérieures à l’opération, sauf consentement exprès.
La réforme du cautionnement modernise cette sûreté au bénéfice de la sécurité juridique. Elle maintient l’équilibre entre l’efficacité de la garantie pour les créanciers et la protection nécessaire des cautions personnes physiques. Elle met fin à un contentieux abondant sur les mentions manuscrites et sur l’opposabilité des exceptions. Pour une analyse juridique pointue de ces nouvelles dispositions ou pour une défense efficace, n’hésitez pas à consulter nos avocats spécialisés en droit du cautionnement.
Sources
- Ordonnance n° 2021-1192 du 15 septembre 2021 portant réforme du droit des sûretés
- Code civil, articles 2288 à 2320
- Cour de cassation, 1re chambre civile, 20 avril 2022, n° 20-22.866
- Document « Répertoire Civil – Cautionnement » de Gaël PIETTE, Professeur à l’Université de Bordeaux, février 2022
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