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Les suites de la saisie-contrefaçon et l’action au fond

Table des matières

La saisie-contrefaçon ne constitue qu’une étape préliminaire dans la lutte contre la contrefaçon. Cette procédure, qui permet de collecter des preuves, doit impérativement être suivie d’une action au fond. Le législateur a strictement encadré cette obligation afin d’éviter tout abus.

L’obligation de se pourvoir au fond

Des délais stricts à respecter

Le Code de la propriété intellectuelle impose des délais précis. L’action au fond doit être introduite dans un délai de « vingt jours ouvrables ou de trente-et-un jours civils si ce délai est plus long, à compter du jour où est intervenue la saisie ou la description » (art. R. 332-2, R. 332-3, R. 332-4, R. 343-1, R. 521-4, R. 615-3, R. 716-4 et R. 722-4 du CPI).

Ce délai a subi plusieurs modifications. D’abord fixé à huit jours, il est passé à quinze jours en 1969, puis aux délais actuels depuis 2008. Notez cette particularité : pour les certificats d’obtentions végétales, le délai court à compter « de la date de l’ordonnance » et non de la saisie (art. R. 623-50-1 du CPI).

Le calcul se fait à partir du jour du procès-verbal de saisie, le délai débutant le lendemain des opérations.

Formes de l’action

  • La délivrance d’une assignation
  • Une citation
  • Une plainte avec constitution de partie civile

La Chambre criminelle de la Cour de cassation a validé cette dernière voie dans un arrêt du 29 février 2000 (n° 99-82.048).

L’assignation à elle seule suffit, sans nécessité de dénoncer la saisie-contrefaçon, bien que cette pratique soit courante.

Un point technique souvent négligé : si une ordonnance autorise plusieurs saisies exécutées à des dates différentes, chacune conditionne un délai spécifique pour se pourvoir (Com. 3 juin 2003, n° 01-14.214).

La saisie-contrefaçon en cours de procédure

Il arrive qu’une saisie-contrefaçon intervienne après l’introduction de l’action au fond. Dans ce cas, point besoin d’une nouvelle assignation.

La Chambre commerciale l’a clairement établi dans un arrêt du 26 octobre 1993 (n° 91-18.049). Toutefois, un arrêt plus récent (Com. 26 mars 2008, n° 05-19.782) précise que, lorsqu’une juridiction est déjà saisie, la demande de saisie-contrefaçon doit être présentée au juge en charge de l’affaire, conformément à l’article 812, alinéa 3 du Code de procédure civile.

Les conséquences du défaut d’action au fond

Nullité de la saisie

Le non-respect de l’obligation d’agir au fond entraîne des conséquences radicales.

Tous les textes du Code de la propriété intellectuelle sont unanimes : « À défaut pour le demandeur de s’être pourvu au fond, par la voie civile ou pénale, dans un délai fixé par voie réglementaire, l’intégralité de la saisie, y compris la description, est annulée à la demande du saisi, sans que celui-ci ait à motiver sa demande et sans préjudice des dommages et intérêts qui peuvent être réclamés. » (art. L. 332-4, L. 521-4, L. 615-5, L. 623-27-1, L. 716-4-7, L. 722-4 du CPI).

Cette nullité s’applique sur simple constat de l’absence d’assignation ou du non-respect du délai. Le saisi n’a pas à prouver l’existence d’un grief (Com. 3 juin 2003, n° 01-14.214).

Dans un arrêt récent (Civ. 1re, 26 mai 2011, n° 10-14.495), la Cour de cassation a précisé que cette nullité de fond n’est pas subordonnée à la preuve d’un grief.

Un régime particulier pour les bases de données

Un régime hybride persiste pour les bases de données. L’article L. 343-1 du CPI renvoie aux articles L. 332-2 et L. 332-3. Or, si le second prévoit la nullité à défaut d’action au fond, le premier laisse subsister une possibilité de mainlevée.

Cette ambiguïté provient d’un hiatus dans les textes et provoque une situation juridique incertaine pour les titulaires de droits sur des bases de données.

La confidentialité des informations recueillies

Protection des renseignements confidentiels

La saisie-contrefaçon peut révéler des informations confidentielles. Cette question sensible trouve un équilibre dans la jurisprudence.

Les Accords ADPIC (art. 39) prévoient que « les membres protégeront les renseignements non divulgués » et fixent les critères du secret commercial. Mais cette confidentialité ne peut faire échec à la saisie-contrefaçon.

Le tribunal de grande instance de Lyon l’a clairement établi (TGI Lyon, réf., 24 nov. 1988) : l’huissier peut saisir et décrire des éléments confidentiels.

Mesures judiciaires de préservation

  • Un accord entre les parties (Lyon, 23 sept. 1999)
  • La conservation sous pli cacheté (Paris, 16 janv. 1998)
  • L’intervention d’un expert pour trier les documents (TGI Paris, 6 déc. 1996)

La loi n° 2018-670 du 30 juillet 2018 relative à la protection du secret des affaires a clarifié la situation. Si ce secret n’est pas opposable aux autorités juridictionnelles (C. com., art. L. 151-7), le saisi peut demander la mise sous scellés des éléments saisis.

Le cas particulier du secret défense

L’article L. 615-10, alinéa 2 du CPI impose à l’huissier de « surseoir à la saisie, à la description et à toute recherche dans les archives et documents de l’entreprise, si le contrat d’études ou de fabrication comporte une classification de sécurité de défense. »

La Cour de cassation l’a confirmé (Civ. 1re, 21 mars 2006, n° 05-13.302) : l’huissier doit surseoir aux opérations dès lors que le saisi prouve qu’il bénéficie d’une habilitation au confidentiel défense.

Le sort des biens saisis

Conservation des preuves

Le sort des biens saisis varie selon les situations. Généralement, l’huissier conserve les échantillons sous scellés (Com. 19 nov. 2002, n° 00-15.203).

Une pratique répandue consiste à prélever deux échantillons : l’un conservé par l’huissier, l’autre remis au requérant. Cette remise doit cependant être expressément autorisée par l’ordonnance (TGI Évreux, 19 juin 1998).

Restitution ou destruction

En l’absence de contrefaçon avérée, les biens appréhendés peuvent être restitués, même si leur prix a été payé.

En revanche, si la contrefaçon est établie, les biens deviennent propriété du requérant et peuvent être détruits.

La valeur probante du procès-verbal de saisie-contrefaçon reste essentielle. Ce document authentique fait foi jusqu’à inscription de faux (Nancy, 12 mars 1991) et peut être utilisé dans tout contentieux ultérieur, y compris pour établir le préjudice (TGI Paris, 30 avr. 1997).

Sources

  • Code de la propriété intellectuelle : articles L. 332-1 à L. 332-4, L. 343-1, L. 521-4, L. 615-5, L. 623-27-1, L. 716-4-7, L. 722-4, R. 332-2, R. 332-3, R. 332-4, R. 343-1, R. 521-4, R. 615-3, R. 716-4, R. 722-4, R. 623-50-1 et L. 615-10
  • Cour de cassation, chambre commerciale, 3 juin 2003, n° 01-14.214
  • Cour de cassation, chambre criminelle, 29 février 2000, n° 99-82.048
  • Cour de cassation, chambre commerciale, 26 octobre 1993, n° 91-18.049
  • Cour de cassation, chambre commerciale, 26 mars 2008, n° 05-19.782
  • Cour de cassation, 1re chambre civile, 26 mai 2011, n° 10-14.495
  • Cour de cassation, 1re chambre civile, 21 mars 2006, n° 05-13.302
  • Tribunal de grande instance de Lyon, référé, 24 novembre 1988
  • Loi n° 2018-670 du 30 juillet 2018 relative à la protection du secret des affaires
  • Accords ADPIC, article 39
  • Xavier DAVERAT, « Saisie-contrefaçon », Répertoire de procédure civile, mars 2020

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