La loi n°2011-850 du 20 juillet 2011 a profondément transformé le régime des ventes aux enchères de marchandises neuves en France. Auparavant largement restreintes, ces ventes sont désormais autorisées sous conditions. Cette évolution marque la fin d’un principe séculaire inscrit dans la loi du 25 juin 1841 qui interdisait de « faire des enchères publiques un procédé habituel de l’exercice de son commerce. »
L’encadrement juridique de ces ventes obéit à des règles précises. Un non-respect peut entraîner des conséquences graves tant pour le vendeur que pour l’opérateur de vente.
1. La libéralisation des ventes de marchandises neuves
L’article L.321-1 du Code de commerce dispose désormais que « les ventes volontaires de meubles aux enchères publiques peuvent porter sur des biens neufs ou sur des biens d’occasion. » Cette ouverture s’accompagne d’une définition légale des biens considérés comme « d’occasion » : ceux qui « à un stade quelconque de la production ou de la distribution, sont entrés en la possession d’une personne pour son usage propre, par l’effet de tout acte à titre onéreux ou à titre gratuit, ou ont subi des altérations qui ne permettent pas leur mise en vente comme neufs. »
La jurisprudence avait déjà précisé cette notion. Un arrêt de la Chambre criminelle de la Cour de cassation du 10 juillet 1990 (n°89-86.619) considère comme neuves « les marchandises qui ne sont jamais entrées en la possession d’un consommateur », indépendamment de leur état (démodées, défraîchies ou même avec des vices de fabrication).
Une distinction fondamentale est opérée entre les ventes au détail et les ventes en gros. Ces dernières concernent « des lots suffisamment importants pour ne pas être considérés comme tenus à la portée du consommateur. »
2. Ventes aux enchères publiques de marchandises en gros
Définition juridique de la vente en gros
Avant la réforme de 2011, la jurisprudence avait dû délimiter les contours de la notion de vente en gros. La Cour de cassation, dans un arrêt du 17 janvier 1939, avait défini la vente en gros comme celle portant sur « des lots qui ne peuvent être considérés comme tenus à la portée du consommateur. »
Le législateur a consacré cette approche dans l’article L.321-1 du Code de commerce qui précise que la vente en gros concerne des « lots suffisamment importants pour ne pas être considérés comme tenus à la portée du consommateur. » Ce critère relève de l’appréciation souveraine des juges du fond.
Une restriction importante subsiste : les ventes en gros ne peuvent porter que sur « des biens neufs issus du stock d’une entreprise. »
Ventes volontaires : conditions et procédure
Depuis 2011, le monopole des courtiers de marchandises assermentés pour les ventes volontaires en gros a disparu. Ces ventes relèvent désormais du droit commun des ventes volontaires de meubles aux enchères publiques.
L’article L.321-2 du Code de commerce stipule que ces ventes sont organisées par des opérateurs de ventes volontaires déclarés. Une seule restriction demeure : les ventes volontaires d’armes et munitions en gros nécessitent l’autorisation préalable du tribunal de commerce (article L.322-8 du Code de commerce).
La procédure répond aux règles classiques des ventes volontaires. Elle requiert :
- La déclaration de l’opérateur auprès du Conseil des ventes volontaires
- L’établissement d’un mandat écrit entre le vendeur et l’opérateur
- La publicité de la vente
- La rédaction d’un procès-verbal
L’article 871 du Code général des impôts rappelle que ces ventes ne peuvent être effectuées que par des personnes habilitées : « les meubles, effets, marchandises, bois, fruits, récoltes et tous autres objets mobiliers ne peuvent être vendus publiquement et par enchères qu’en présence et par le ministère d’officiers publics […] ou des opérateurs de ventes volontaires de meubles aux enchères publiques déclarés. »
Ventes judiciaires : domaine et régime
Les ventes judiciaires en gros concernent principalement :
- Les ventes après liquidation judiciaire (articles L.322-2 et L.642-19 du Code de commerce)
- Les ventes après décès ou cessation de commerce (article L.322-14)
- Les ventes de marchandises saisies (article L.131-29)
Un monopole subsiste ici pour les courtiers de marchandises assermentés. L’article L.322-4 du Code de commerce précise que « les ventes aux enchères publiques de marchandises en gros faites en application de la loi ou ordonnées par décision de justice sont confiées à un courtier de marchandises assermenté. »
La rémunération de ces professionnels est fixe. Selon l’article L.131-31 du Code, « en cas de ventes aux enchères publiques judiciaires ou forcées, la rémunération des courtiers de marchandises assermentés est fixée par application du tarif des commissaires-priseurs judiciaires. »
3. Ventes aux enchères publiques de marchandises au détail
Ventes judiciaires forcées
Les ventes judiciaires forcées concernent les marchandises vendues après décès ou par autorité de justice. L’article L.322-1 du Code de commerce indique qu’elles « sont faites selon les formes prescrites et par les officiers ministériels préposés pour la vente forcée du mobilier. »
Ces ventes sont de la compétence des commissaires-priseurs judiciaires, des notaires ou des huissiers de justice. Les courtiers de marchandises assermentés en sont exclus.
La procédure obéit aux règles de droit commun des ventes forcées mobilières prévues dans le Code des procédures civiles d’exécution. Notamment, l’agent habilité doit arrêter la vente dès que le prix atteint couvre les créances des saisissants et opposants (article L.221-4 du CPCE).
Ventes judiciaires volontaires
Ces ventes concernent les cas de cessation de commerce ou d’autres situations nécessitant l’autorisation du tribunal de commerce. Elles sont régies par l’article L.322-3 du Code de commerce.
Le tribunal doit constater la situation justifiant la vente dans son jugement. Il peut aussi ordonner la vente par lots dont il fixe l’importance. Il désigne l’officier ministériel chargé de la vente.
Une restriction territoriale existe : l’autorisation ne peut être accordée qu’à un « marchand sédentaire, ayant fixé depuis un an au moins son domicile réel dans l’arrondissement où la vente doit être opérée » (article L.322-3, alinéa 4).
Des mesures de publicité sont imposées : des affiches mentionnant le jugement d’autorisation doivent être apposées à la porte du lieu de vente.
4. Les sanctions du non-respect des formalités légales
Sanctions civiles
L’article L.322-5 du Code de commerce prévoit des dommages-intérêts pour toute infraction aux règles régissant ces ventes. La jurisprudence a précisé que l’officier ministériel compétent peut réclamer réparation à l’encontre de celui qui aurait indûment réalisé la vente à sa place.
Dans certains cas, la vente peut être annulée. La Cour de cassation a jugé qu’une vente effectuée par une personne incompétente peut être annulée pour non-respect d’une règle d’ordre public (Civ. 1re, 27 février 1996, n°93-16.368).
Sanctions pénales
L’article L.322-5 du Code commerce prévoit la confiscation des marchandises et une amende de 3 750 €, prononcée solidairement contre le vendeur et l’officier public ou le courtier l’ayant assisté.
L’article L.322-6 étend ces sanctions en cas de vente de marchandises neuves ne faisant pas partie du fonds ou du mobilier mis en vente dans le cadre des ventes judiciaires.
Sanctions disciplinaires
Les courtiers de marchandises assermentés encourent des sanctions disciplinaires. L’article L.131-32 du Code de commerce prévoit que « tout manquement aux lois et règlements relatifs à sa profession ou à ses fonctions de courtier assermenté et tout manquement à la probité ou à l’honneur » expose le courtier à des poursuites.
Les sanctions vont de l’avertissement à la radiation avec privation définitive du droit à une nouvelle assermentation. Les poursuites sont exercées par le procureur de la République devant le tribunal judiciaire.
5. Les particularités des ventes aux enchères de marchandises neuves
- L’obligation d’information : lorsque des biens neufs sont mis en vente par le commerçant ou l’artisan qui les a produits, il doit en être fait mention dans les documents et publicités annonçant la vente (article L.321-1 du Code de commerce).
- La procédure de réitération des enchères (folle enchère) : en cas de défaut de paiement par l’adjudicataire, cette procédure permet une nouvelle mise aux enchères. L’adjudicataire défaillant est tenu de payer la différence entre son enchère et le prix de la revente si celui-ci est moindre.
- L’absence de garantie des vices cachés : dans les ventes judiciaires, l’article 1649 du Code civil écarte expressément cette garantie.
- La contestation des ventes : les litiges relatifs aux ventes volontaires de marchandises en gros sont portés devant les tribunaux de commerce (article L.321-37 du Code de commerce).
Une connaissance précise de cette réglementation est indispensable pour tous les acteurs économiques souhaitant organiser ou participer à une vente aux enchères de marchandises neuves. Le non-respect des conditions légales expose à des sanctions graves. Un accompagnement juridique spécialisé permet d’éviter ces écueils et de sécuriser les opérations.
Vous envisagez d’organiser une vente aux enchères de marchandises neuves ou d’y participer ? N’hésitez pas à nous contacter pour une analyse détaillée de votre situation.
Sources
- Code de commerce, articles L.321-1, L.321-2, L.321-37, L.322-2, L.322-3, L.322-4, L.322-5, L.322-6, L.322-8, L.322-14, L.131-29, L.131-31, L.131-32
- Code général des impôts, article 871
- Code des procédures civiles d’exécution, article L.221-4
- Code civil, article 1649
- Loi n°2011-850 du 20 juillet 2011 de libéralisation des ventes volontaires de meubles aux enchères publiques
- Jurisprudence : Cass. crim., 10 juillet 1990, n°89-86.619 ; Cass. req., 17 janvier 1939 ; Cass. civ. 1re, 27 février 1996, n°93-16.368