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L’exercice de l’artisanat au quotidien : qualifications, formation et statut des proches

Table des matières

Une fois l’entreprise artisanale créée et immatriculée, l’aventure entrepreneuriale commence véritablement. Mais l’exercice quotidien d’une activité artisanale ne se résume pas à la production ou à la prestation de services. Il soulève des questions juridiques importantes concernant la reconnaissance des compétences, la transmission du savoir-faire et le statut des personnes qui gravitent autour de l’artisan, des éléments qui contribuent directement à la valeur et à la pérennité de votre fonds artisanal.

Comment valoriser officiellement son expertise ? Quelles sont les règles encadrant la formation des jeunes apprentis, si essentielle à la pérennité des métiers d’art et d’artisanat ? Et quel statut choisir pour le conjoint qui participe régulièrement à l’activité ? Cet article explore ces aspects pratiques et cruciaux de la vie de l’entreprise artisanale.

Les qualifications professionnelles de l’artisan : reconnaissance et valorisation

Posséder un savoir-faire est une chose, pouvoir le faire reconnaître officiellement en est une autre. La loi française distingue l’entreprise artisanale (celle qui est immatriculée au Répertoire des métiers) de la qualité personnelle d’ »artisan », qui, elle, est réservée aux professionnels pouvant justifier d’une compétence spécifique, dont les fondements sont détaillés dans la définition du statut d’artisan.

La qualité d’ »Artisan » : plus qu’une simple immatriculation

Depuis la loi Pinel de 2014, pour pouvoir se prévaloir de la qualité d’ »artisan » (et utiliser ce terme dans sa communication), le chef d’entreprise (personne physique ou dirigeant social d’une personne morale) immatriculé au RM doit justifier (et non plus simplement déclarer) :

  • Soit d’un diplôme de niveau CAP ou BEP (ou supérieur) dans le métier exercé ou un métier connexe.
  • Soit d’un titre homologué équivalent enregistré au Répertoire National des Certifications Professionnelles (RNCP).
  • Soit d’une immatriculation dans le métier concerné pendant au moins 3 ans (ce délai était de 6 ans avant une modification récente, à vérifier avec les textes les plus à jour).

Cette exigence vise à garantir un niveau de compétence et à valoriser les qualifications. Un chef d’entreprise immatriculé au RM mais ne remplissant pas ces conditions est « seulement » un chef d’entreprise artisanale, sans pouvoir revendiquer la qualité personnelle d’artisan.

Les titres spécifiques : Artisan d’Art et Maître Artisan

Pour valoriser davantage l’excellence et certains savoir-faire spécifiques, d’autres reconnaissances existent :

  • Artisan d’Art : Ce titre est réservé aux artisans (remplissant donc les conditions ci-dessus) qui exercent une activité relevant de la liste officielle des métiers d’art. Cette liste, fixée par arrêté ministériel, couvre des activités de production, création, restauration du patrimoine caractérisées par la maîtrise de gestes et techniques spécifiques et un apport artistique (ébéniste, bijoutier, céramiste, etc.).
  • Maître Artisan (et Maître Artisan en métier d’art) : Ce titre prestigieux, attribué à titre viager, reconnaît un haut niveau de qualification et d’expérience. Il peut être obtenu par les artisans immatriculés :
    • Titulaires du Brevet de Maîtrise (BM) dans le métier exercé (ou connexe) après 2 ans de pratique.
    • Titulaires d’un diplôme au moins équivalent au BM, après 2 ans de pratique, et justifiant de connaissances en gestion et pédagogie.
    • Sans diplôme spécifique, mais immatriculés depuis au moins 10 ans et justifiant d’un savoir-faire reconnu (promotion de l’artisanat, participation à la formation…).

L’attribution est faite soit par le président de la CMA, soit par une Commission régionale des qualifications.

Autres reconnaissances et usage des titres

Il faut aussi mentionner le diplôme d’État de Meilleur Ouvrier de France (MOF), qui sanctionne l’excellence dans un métier donné après un concours très sélectif. La loi prévoit également des mécanismes de reconnaissance pour les qualifications acquises dans d’autres États membres de l’Union Européenne. Enfin, les conjoints collaborateurs ou associés participant personnellement à l’activité peuvent également obtenir ces qualités ou titres s’ils remplissent les conditions de diplôme ou d’expérience requises.

L’utilisation des termes « artisan », « artisanal », « maître artisan » et de leurs dérivés, ainsi que des logos officiels associés, est strictement réglementée. Seules les personnes détenant la qualité ou le titre correspondant peuvent les utiliser pour leur entreprise, leurs produits ou leur publicité. L’usurpation de ces titres est non seulement passible de sanctions pénales (amendes, voire fermeture d’établissement) mais peut aussi constituer une faute civile (concurrence déloyale, publicité trompeuse) engageant la responsabilité de l’entreprise.

La formation par l’apprentissage : un pilier de l’artisanat

La transmission des savoir-faire est au cœur de l’artisanat. L’apprentissage, défini par le Code du travail comme une formation alternée entre entreprise et Centre de Formation d’Apprentis (CFA) visant une qualification professionnelle, y joue un rôle fondamental.

Le contrat d’apprentissage

C’est un contrat de travail écrit, mais d’un type particulier, conclu entre l’apprenti (ou son représentant légal) et l’employeur artisan. L’employeur s’engage à former l’apprenti et à lui verser un salaire ; l’apprenti s’engage à travailler et à suivre la formation.

  • Conditions : L’apprenti doit avoir entre 16 et 29 ans révolus (avec des dérogations possibles, notamment pour les jeunes de 15 ans sortant de 3ème, les personnes handicapées, les créateurs d’entreprise…). L’employeur doit déclarer être en mesure d’organiser l’apprentissage et garantir des conditions de travail, de sécurité et des compétences pédagogiques suffisantes (via le maître d’apprentissage). Les CMA peuvent limiter le nombre d’apprentis par entreprise.
  • Durée : Le contrat peut être à durée limitée (CDL), généralement de 1 à 3 ans correspondant au cycle de formation, ou à durée indéterminée (CDI), commençant par la période d’apprentissage. La durée peut être adaptée au niveau initial de l’apprenti.
  • Formalisme : Le contrat doit être écrit en 3 exemplaires, préciser le maître d’apprentissage, le diplôme visé, le salaire, et être enregistré auprès de l’organisme consulaire (la CMA pour les artisans). Un refus d’enregistrement empêche l’exécution du contrat.

Droits et obligations

  • Apprenti : Il bénéficie du statut de salarié (protection sociale, congés payés…). Le temps passé au CFA est du temps de travail effectif. La durée du travail est réglementée (particulièrement pour les mineurs : pas de travail de nuit en principe, durée limitée). Le salaire est un pourcentage du SMIC variant avec l’âge et l’année de formation. Il a l’obligation de suivre la formation avec assiduité et de se présenter à l’examen.
  • Employeur : Il doit assurer la formation pratique en entreprise, confier des tâches en lien avec le diplôme, inscrire l’apprenti au CFA et lui permettre de suivre les cours. Il doit veiller à la sécurité de l’apprenti (interdiction de travaux dangereux). Un congé spécifique de 5 jours ouvrables doit être accordé pour la préparation directe des épreuves.
  • Maître d’apprentissage : Désigné dans le contrat, il est directement responsable de la formation en entreprise. Il doit posséder les compétences professionnelles et pédagogiques requises. Le Code de l’artisanat fixe des conditions d’âge et de qualification (souvent le Brevet de Maîtrise ou une expérience significative autorisée par la CMA).

Rupture du contrat

La rupture est libre pour les deux parties durant les 45 premiers jours (consécutifs ou non) de formation pratique en entreprise. Au-delà, elle ne peut intervenir que par accord écrit des deux parties, ou, à défaut, par décision du Conseil de prud’hommes en cas de faute grave, manquements répétés, ou inaptitude de l’apprenti au métier visé. Une rupture administrative par l’inspection du travail est aussi possible en cas de risque pour l’apprenti ou de manquements graves de l’employeur.

Responsabilité de l’artisan

L’article 1242 alinéa 6 du Code civil prévoit une responsabilité spécifique des artisans pour les dommages causés par leurs apprentis « pendant le temps qu’ils sont sous leur surveillance ». Le régime exact de cette responsabilité (présomption de faute ? responsabilité de plein droit ?) est débattu, mais elle souligne l’importance de l’encadrement de l’apprenti.

Le statut du conjoint de l’artisan : choisir pour protéger

Lorsque le conjoint (marié ou pacsé – le concubinage n’est pas visé) de l’artisan participe régulièrement à l’activité professionnelle, la loi impose depuis 2005 de choisir un statut officiel. Cette obligation vise à mettre fin aux situations de « non-droit » où le conjoint travaillait sans protection sociale ni reconnaissance. Trois options sont prévues par l’article L. 121-4 du Code de commerce :

1. Le statut de conjoint collaborateur

C’est souvent le statut privilégié dans les petites structures.

  • Conditions : Le conjoint doit exercer une activité professionnelle régulière dans l’entreprise, sans percevoir de rémunération directe et sans être associé. En société (SARL/SELARL), ce statut n’est ouvert qu’au conjoint du gérant associé unique ou majoritaire, et si l’entreprise compte moins de 20 salariés. Une activité salariée extérieure importante présume l’absence de collaboration régulière.
  • Droits sociaux : Le conjoint collaborateur est personnellement affilié aux régimes d’assurance vieillesse (base et complémentaire) et invalidité-décès des artisans. Il bénéficie aussi d’indemnités maternité/paternité.
  • Rémunération : Par définition, il n’y a pas de salaire. Cependant, en cas de décès de l’artisan exploitant, le conjoint survivant ayant collaboré au moins 10 ans sans rémunération ni association aux bénéfices peut prétendre à une créance de salaire différé sur la succession (limitée à 3 fois le SMIC annuel et 25% de l’actif).
  • Pouvoirs : Le conjoint collaborateur est réputé avoir reçu un mandat du chef d’entreprise pour accomplir les actes d’administration nécessaires à l’activité. Il engage donc le chef d’entreprise, mais pas personnellement (sauf faute de sa part).
  • Protection spécifique : L’article L. 121-5 du Code de commerce impose le consentement exprès du conjoint collaborateur pour que l’artisan puisse aliéner ou grever de droits réels les éléments essentiels du fonds dépendant de la communauté, ou donner le fonds en location-gérance.

2. Le statut de conjoint salarié

Il s’agit ici de conclure un véritable contrat de travail entre l’artisan et son conjoint.

  • Avantages : Le conjoint bénéficie de l’ensemble de la protection sociale des salariés (maladie, chômage, retraite…). Le salaire versé est une charge déductible pour l’entreprise (sous conditions, notamment le versement effectif des cotisations sociales, avec une déduction fiscale plafonnée sauf adhésion à un Centre de Gestion Agréé).
  • Inconvénients : Implique un lien de subordination juridique (qui doit être réel), représente un coût pour l’entreprise (salaire + charges), et le conjoint n’a pas de pouvoir de gestion en propre.

3. Le statut de conjoint associé

Cette option n’est possible que si l’entreprise est exploitée sous forme de société (SARL, SAS…).

  • Droits : Le conjoint détient des parts sociales ou actions, lui donnant droit aux dividendes (selon les résultats et la politique de distribution) et au droit de vote en assemblée.
  • Protection sociale : Le conjoint associé relève généralement du régime social des travailleurs non-salariés (TNS), similaire à celui de l’artisan lui-même, sauf cas particulier (gérant minoritaire salarié…).
  • Risques : Implique une participation aux bénéfices comme aux pertes. La structure du capital (ex: 50/50) peut poser des problèmes de blocage en cas de désaccord.

Le choix entre ces trois statuts dépend de nombreux facteurs : la taille de l’entreprise, la nature de l’implication du conjoint, les objectifs patrimoniaux et sociaux du couple, le régime matrimonial… C’est une décision importante qui mérite réflexion.

Le statut de votre conjoint ou l’accueil d’un apprenti ont des implications juridiques, sociales et fiscales non négligeables. Contactez notre cabinet pour choisir les options les plus adaptées à votre situation et sécuriser vos relations de travail et familiales au sein de l’entreprise.

Sources

  • Loi n° 96-603 du 5 juillet 1996 (Art. 16, 19, 20, 21, 24)
  • Décret n° 98-247 du 2 avril 1998 (Art. 1, 2, 3, 6, 14)
  • Code de l’artisanat (Art. 38, 40, 44, 45, 47, 52)
  • Code du travail (Art. L.1224-1, L.6211-1 et s. à L.6225-6, L.8221-6)
  • Code civil (Art. 812 et s., 1242 al.6)
  • Code de commerce (Art. L.121-4, L.121-5, L.121-8, R.121-1 à R.121-6)
  • Code de l’éducation (Dispositions relatives aux diplômes et titres)
  • Code de la sécurité sociale (Art. L.622-8, L.635-1)
  • Loi n° 2005-882 du 2 août 2005 en faveur des PME
  • Loi n° 89-1008 du 31 décembre 1989 (Créance de salaire différé)
  • Code général des impôts (Art. 154)

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