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L’injonction de faire : efficacité, pratique et conseils

Table des matières

Un client refuse de terminer les travaux pour lesquels vous l’avez payé ? Un vendeur ne livre pas l’objet commandé ? L’injonction de faire pourrait être la solution. Créée dans les années 80 pour faciliter l’exécution des obligations contractuelles, cette procédure reste méconnue. Pourtant, elle offre une alternative rapide aux procédures classiques.

Bilan pratique de l’injonction de faire

Une procédure sous-utilisée

Malgré les attentes qu’elle avait suscitées, l’injonction de faire n’a pas rencontré le succès escompté. Selon une étude d’Infostat Justice, le taux d’exécution volontaire de l’ordonnance s’élevait à 54% au début des années 1990. Les requêtes sont rares en pratique (Laher, 2020).

Le professeur Rudy Laher souligne dans son étude que « malgré les attentes qu’elle avait suscitées, le résultat fut très rapidement décrié ». Certains auteurs ont même prôné sa suppression, notamment Jean-Marie Coulon dans son rapport officiel de 1997.

Domaines d’application

L’injonction de faire est particulièrement adaptée à certains types de litiges :

  • Livraison d’objets commandés en ligne
  • Restitution d’objets remis en dépôt
  • Délivrance de documents contractuels (quittances de loyer)
  • Exécution de travaux à domicile

Elle a contribué à l’augmentation des procédures diligentées par les particuliers en matière de baux et de prestations de services (Pronier, 1993). Cependant, de nombreux praticiens préfèrent les procédures de référé prévues par l’article 835 du Code de procédure civile.

Avantages et limites de la procédure

Points forts de l’injonction de faire

La procédure présente plusieurs avantages notables :

  1. Rapidité : contrairement aux procédures traditionnelles, elle permet d’obtenir une décision de justice sans audience préalable.
  2. Économie : la procédure est peu coûteuse, notamment parce que les notifications sont faites par le greffe (art. 1425-5 CPC).
  3. Effet psychologique : l’injonction agit comme une mise en demeure judiciaire qui incite souvent le débiteur à s’exécuter volontairement.
  4. Souplesse : le demandeur peut choisir entre la juridiction du lieu où demeure le défendeur ou celle du lieu d’exécution de l’obligation (art. 1425-2 CPC).

Limites et inconvénients

Les faiblesses de la procédure expliquent en partie son faible succès :

  1. Absence de force exécutoire : contrairement à l’injonction de payer, l’ordonnance d’injonction de faire ne peut jamais produire les effets d’un jugement contradictoire.
  2. Champ d’application limité : seules les obligations contractuelles de faire d’une valeur inférieure à 10 000 € sont concernées.
  3. Exigence de précision : la nature de l’obligation doit être définie avec une grande précision dans la requête.
  4. Procédure inachevée : en cas d’inexécution, une audience contradictoire sera nécessaire, rallongeant finalement la procédure.

Cette procédure souffre d’une « excessive prudence » selon le professeur Laher, ce qui lui donne « un aspect moins énergique » que l’injonction de payer.

Conseils pratiques pour les créanciers

Rédiger efficacement la requête

Pour maximiser vos chances de succès :

  • Décrivez avec précision l’obligation dont vous demandez l’exécution (art. 1425-3 CPC)
  • Joignez le contrat et tous documents pertinents
  • Évaluez clairement la valeur de la prestation (moins de 10 000 €)
  • Précisez le lieu d’exécution et les délais souhaités

L’absence de description complète constitue l’une des principales causes de rejet des requêtes. Pour une livraison de marchandise, indiquez lieu, type et quantité. Pour des travaux, décrivez précisément leur nature et leur localisation.

Anticiper les demandes alternatives

Toujours formuler une demande subsidiaire de dommages-intérêts en cas d’inexécution (art. 1425-3 CPC). Cela présente deux avantages majeurs :

  1. Renforcer le caractère comminatoire de l’injonction
  2. Éviter un nouveau procès en cas d’inexécution

Cette demande, bien que facultative, mérite d’être systématiquement formulée. Elle sera notifiée avec l’ordonnance et respectera ainsi les exigences du contradictoire (art. 14 et 15 CPC).

Suivi et réaction adaptée

Différentes situations peuvent survenir après la notification :

  • Exécution volontaire : informez le greffe pour retirer l’affaire du rôle (art. 1425-7 CPC)
  • Exécution partielle : présentez-vous à l’audience et formulez des demandes précises
  • Inexécution totale : comparaissez ou faites-vous représenter à l’audience

En cas d’inexécution, préparez vos arguments pour l’audience contradictoire. Le tribunal statuera sur le fond et pourra assortir sa décision d’une astreinte.

N’oubliez pas : si vous ne vous présentez pas à l’audience, la procédure sera déclarée caduque (art. 1425-7 CPC).

Évolutions et perspectives

Maintien malgré les critiques

Malgré ses faiblesses, la procédure d’injonction de faire a été maintenue par la loi du 23 mars 2019 de réforme pour la justice. Sa charge a été expressément confiée au juge des contentieux de la protection et au tribunal judiciaire.

Cette persistance s’explique par un « renouveau des injonctions de faire » observé depuis une vingtaine d’années (Zeindenberg, 2001). La reconnaissance du droit du créancier à forcer l’exécution en nature par l’ordonnance du 10 février 2016 lui a donné une légitimité nouvelle.

Améliorations possibles

  1. Force exécutoire : permettre à l’ordonnance de devenir un titre exécutoire en l’absence d’opposition, comme pour l’injonction de payer
  2. Champ d’application : étendre la procédure aux obligations statutaires, comme c’est le cas pour l’injonction de payer (art. 1405 CPC)
  3. Simplification procédurale : alléger le formalisme de la requête et clarifier les conditions d’application

Cette procédure reste un outil intéressant pour obtenir l’exécution en nature d’une obligation contractuelle de faire. Dans certaines situations, notamment les litiges de consommation, elle peut constituer une voie efficace pour contraindre un professionnel à honorer ses engagements.

Le choix de cette procédure doit être mûrement réfléchi. Sa réussite dépend largement de la qualité de la requête et de la stratégie adoptée en cas d’inexécution.

Notre cabinet peut vous accompagner dans l’évaluation de votre situation et la mise en œuvre de la procédure la plus adaptée à votre cas. Nous offrons des consultations dédiées aux problématiques d’exécution contractuelle. Contactez-nous pour étudier la faisabilité d’une injonction de faire dans votre situation particulière.

Sources

  • Laher, R. (2020). Injonction de faire. Répertoire de procédure civile, Dalloz.
  • Pronier, D. (1993). Le juge d’instance dans la société française. Economica, p. 95.
  • Choppin Haudry de Janvry, S. (1991). L’injonction de faire, bilan d’une réforme. Gazette du Palais, 1991.1, Doctrine 73.
  • Zeindenberg, S. (2001). Le renouveau des injonctions de faire. Droit et patrimoine, 11/2001, p. 74.
  • Code de procédure civile, articles 1425-1 à 1425-9.
  • Loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice.
  • Ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats.

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