Méconnue du grand public, l’opposition en procédure civile constitue pourtant un rouage essentiel dans notre système juridique. Cette voie de recours permet à une partie absente lors d’un jugement de demander sa rétractation. Son champ d’application, restreint au fil des réformes, mérite d’être exploré.
Définition technique de l’opposition
L’article 571 du Code de procédure civile définit l’opposition comme la voie de recours « qui tend à faire rétracter une décision rendue par défaut ». Elle n’est ouverte qu’au défaillant – celui qui était absent lors du jugement.
Cette définition technique distingue l’opposition d’autres mécanismes juridiques portant le même nom. Parmi eux :
- L’opposition à mariage (articles 66 et suivants du Code civil)
- L’opposition au paiement par chèque (article L.131-35 du Code monétaire et financier)
- L’opposition à injonction de payer
Cette dernière, bien que proche, ne constitue pas une voie de recours identique mais plutôt « un procédé de liaison d’une procédure contentieuse » selon Solus et Perrot dans leur Traité de droit judiciaire privé.
Nature juridique : entre voie ordinaire et rétractation
L’opposition présente une double caractéristique juridique. Elle est :
- Une voie de recours ordinaire régie par les articles 571 à 578 du Code de procédure civile et par les dispositions communes aux voies ordinaires (articles 528 à 537).
- Une voie de rétractation, contrairement à l’appel qui est une voie de réformation. Elle ramène l’affaire devant le même juge qui a rendu la décision contestée.
Cette nature hybride suscite débat. Certains auteurs, dont Cadiet et Jeuland, considèrent que l’opposition devrait être qualifiée de voie extraordinaire car elle n’est ouverte que dans des cas limités. Mais le législateur l’a classée parmi les voies ordinaires, notamment en raison de son effet suspensif.
Une histoire marquée par des restrictions successives
L’opposition a connu une évolution en dents de scie depuis sa première réglementation par l’ordonnance d’avril 1667.
Le Code de procédure civile de 1806 l’avait généreusement étendue à tous les jugements rendus par défaut, qu’ils soient en premier ou dernier ressort. Cette largesse fut critiquée pour favoriser les manœuvres dilatoires.
Le décret-loi du 30 octobre 1935 a marqué un tournant restrictif en supprimant l’opposition contre les jugements par défaut faute de conclure.
Le décret n°58-1289 du 22 décembre 1958 a poursuivi cette restriction en limitant la catégorie des décisions attaquables par cette voie. Seules les décisions rendues en dernier ressort, lorsque le défendeur non-comparant n’avait pu être assigné à personne, restaient concernées.
Les décrets ultérieurs (décret n°65-1006 du 26 novembre 1965, décret n°72-788 du 28 août 1972, décret n°84-618 du 13 juillet 1984) ont apporté des modifications techniques sans inverser cette tendance restrictive.
Position actuelle dans le système des voies de recours
Aujourd’hui, l’opposition occupe une place singulière, distincte de l’appel par plusieurs aspects :
- Son champ d’application est désormais très limité aux jugements rendus par défaut (définis à l’article 473 du CPC).
- Elle présente un effet dévolutif spécifique : l’affaire revient devant la même juridiction, contrairement à l’appel qui la porte devant une juridiction supérieure.
- Elle vise à rétablir le débat contradictoire qui n’avait pu avoir lieu.
Le Code de procédure civile de 1972 a consacré cette spécificité en séparant pour la première fois les dispositions relatives aux jugements par défaut (articles 467 à 479) de celles concernant l’opposition (articles 571 à 578).
Cette voie de recours, autrefois largement ouverte, a donc vu son domaine considérablement réduit. Elle demeure néanmoins un outil précieux pour garantir le respect du contradictoire dans des situations spécifiques.
Cette restriction progressive soulève des questions d’accès au droit. Vous envisagez de contester un jugement rendu en votre absence ? Une analyse préalable s’impose pour déterminer si l’opposition est recevable ou si d’autres voies doivent être privilégiées. Notre cabinet se tient à votre disposition pour évaluer votre situation et identifier la stratégie la plus adaptée.
Sources
- Code de procédure civile, articles 571 à 578
- Répertoire de procédure civile, Marie-Emma BOURSIER et Élisabeth BOTREL, « Opposition », mars 2014, Dalloz
- SOLUS et PERROT, Traité de droit judiciaire privé, t. 3, Procédure de première instance, 1991, Sirey
- CADIET et JEULAND, Droit judiciaire privé, 8e éd., 2013, LexisNexis
- Décret n°58-1289 du 22 décembre 1958, JO 23 décembre
- Décret n°65-1006 du 26 novembre 1965, JO 2 décembre
- Décret n°72-788 du 28 août 1972, JO 30 août