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Nantissement de fonds de commerce : sécuriser le financement des entreprises et fonds artisanaux/ruraux

Table des matières

Obtenir un financement est une étape fréquente et souvent indispensable dans la vie d’une entreprise. Pour les banques et autres créanciers, prêter de l’argent implique de s’assurer du remboursement futur. Le nantissement du fonds de commerce est l’une des garanties les plus courantes et les plus efficaces pour sécuriser un crédit professionnel. Cette sûreté permet au commerçant de garantir sa dette avec son outil de travail, sans pour autant en être dépossédé et pouvoir ainsi poursuivre son activité. C’est un mécanisme juridique puissant mais dont la mise en œuvre est encadrée par des règles strictes. Comprendre son fonctionnement, son étendue et ses conséquences est essentiel pour tout dirigeant d’entreprise, artisan ou exploitant agricole. Ce mécanisme est une application particulière des principes fondamentaux du nantissement en droit français, adapté aux réalités de la vie des affaires.

Le nantissement du fonds de commerce : une garantie clé pour l’activité

Le nantissement de fonds de commerce est un contrat par lequel le propriétaire d’un fonds (le débiteur) l’affecte en garantie du paiement d’une dette au profit de son créancier. Introduit par une loi fondatrice du 17 mars 1909, aujourd’hui codifié aux articles L. 142-1 et suivants du Code de commerce, ce dispositif a été conçu pour concilier deux impératifs : offrir une garantie solide au prêteur et permettre à l’emprunteur de continuer à exploiter son fonds pour générer les revenus nécessaires au remboursement.

La particularité de cette sûreté réside dans l’absence de dépossession. Contrairement à un gage classique où le bien est remis physiquement au créancier, le commerçant conserve ici la pleine jouissance de son fonds de commerce. Le créancier, appelé « créancier nanti », n’acquiert pas la propriété du fonds mais un ensemble de droits qui le protègent en cas de non-paiement. Cette sûreté est donc purement juridique et repose sur un système de publicité pour être opposable aux autres créanciers et aux éventuels acquéreurs du fonds.

L’intérêt pour le créancier est d’obtenir une garantie assise sur le principal actif de son débiteur. Pour le commerçant, c’est un moyen d’accéder au crédit sans paralyser son activité. Il peut continuer à utiliser son matériel, accueillir sa clientèle et exploiter sa marque, éléments qui, ensemble, constituent la valeur de son entreprise.

Les éléments constitutifs du fonds de commerce pouvant être nantis

L’un des points de vigilance dans la constitution d’un nantissement de fonds de commerce réside dans la détermination précise de son assiette, c’est-à-dire des éléments qui seront effectivement couverts par la garantie. Le Code de commerce établit une liste d’éléments qui peuvent être inclus, tout en en excluant d’autres par défaut.

Éléments corporels et incorporels : l’assiette légale du nantissement

Sauf désignation expresse et précise dans l’acte de nantissement, la garantie ne porte que sur les éléments incorporels énumérés par la loi. L’article L. 142-2 du Code de commerce vise ainsi : le nom commercial et l’enseigne, le droit au bail, la clientèle et l’achalandage. Ces composantes forment le cœur de la valeur du fonds.

Les parties peuvent toutefois convenir d’étendre conventionnellement l’assiette du nantissement à d’autres éléments. Il est possible d’y inclure les droits de propriété industrielle comme les brevets d’invention, les marques de fabrique et les dessins et modèles. De même, le matériel et l’outillage servant à l’exploitation du fonds peuvent être intégrés à la garantie, à condition d’être listés de manière détaillée dans l’acte. Cette précision est capitale pour éviter toute contestation ultérieure. Il faut noter que certains actifs incorporels, comme les droits sur des films ou des logiciels, peuvent faire l’objet de nantissements très spécifiques qui obéissent à des régimes autonomes.

En revanche, certains éléments sont systématiquement exclus de l’assiette du nantissement du fonds de commerce. C’est le cas des marchandises. Le stock est destiné à être vendu dans le cadre de l’activité normale de l’entreprise et ne peut donc constituer une garantie stable. Les immeubles, même s’ils sont la propriété du commerçant et servent à l’exploitation, sont également exclus car ils relèvent du régime des sûretés immobilières, comme l’hypothèque. Enfin, les créances et les dettes du commerçant ne font pas partie du fonds de commerce et ne sont donc pas incluses dans le nantissement.

La notion de fonds artisanal et fonds rural : extensions du régime

Le succès et la pertinence du mécanisme de nantissement du fonds de commerce ont conduit le législateur à l’étendre à d’autres formes d’activités économiques. La loi du 5 juillet 1996 a ainsi créé le fonds artisanal, qui peut faire l’objet d’un nantissement dans des conditions quasi identiques à celles du fonds de commerce. Cela permet aux artisans de bénéficier des mêmes facilités de crédit en offrant leur outil de travail en garantie.

Plus récemment, la loi d’orientation agricole du 5 janvier 2006 a institué le fonds agricole, défini à l’article L. 311-3 du Code rural et de la pêche maritime. Ce fonds peut également être nanti pour garantir des dettes. Son assiette comprend des éléments spécifiques au monde agricole, comme le cheptel mort et vif, les stocks, ou encore les droits à paiement et les droits de plantation. Là encore, le régime est largement calqué sur celui du fonds de commerce, avec un système de publicité adapté pour assurer la sécurité des créanciers.

Formalités de constitution et publicité du nantissement du fonds

Pour être valable et produire ses effets, notamment à l’égard des tiers, le nantissement du fonds de commerce doit respecter un formalisme précis. L’omission de l’une de ces étapes peut entraîner la nullité de la garantie, avec des conséquences potentiellement désastreuses pour le créancier.

L’acte de nantissement : une condition de validité et d’opposabilité

La constitution du nantissement doit impérativement faire l’objet d’un acte écrit. La loi impose, à peine de nullité, que cet acte soit soit un acte authentique, c’est-à-dire rédigé par un notaire, soit un acte sous seing privé qui a été enregistré auprès du service des impôts. Cet écrit est la pierre angulaire de la sûreté. Il doit désigner avec précision le créancier, le débiteur, le montant de la créance garantie (en principal, intérêts et accessoires) et, bien sûr, décrire les éléments du fonds qui sont nantis.

L’exigence d’un écrit et de son enregistrement a pour but d’assurer la sécurité juridique de l’opération. Elle permet de donner une date certaine à l’acte et de prévenir les fraudes. Un acte mal rédigé ou incomplet pourrait être remis en cause, privant le créancier de sa garantie au moment où il en aurait le plus besoin.

L’inscription au registre spécial : rang et opposabilité

L’acte ne suffit pas. Pour que le nantissement soit opposable aux tiers, c’est-à-dire pour qu’il produise ses effets à l’égard des autres créanciers ou d’un éventuel acheteur du fonds, il doit être publié. Cette publicité prend la forme d’une inscription sur un registre spécial tenu au greffe du tribunal de commerce dans le ressort duquel le fonds est exploité.

Cette inscription doit être réalisée dans un délai de trente jours à compter de la date de l’acte de nantissement. Le respect de ce délai est fondamental : une inscription tardive rendrait le nantissement nul. L’inscription conserve le privilège du créancier pendant dix ans et doit être renouvelée avant son expiration pour ne pas perdre ses effets. C’est la date de cette inscription qui détermine le rang du créancier nanti par rapport aux autres créanciers qui auraient également une garantie sur le même fonds. Le principe est simple : premier inscrit, premier servi.

Les effets du nantissement du fonds de commerce : droits du créancier nanti

Une fois valablement constitué et publié, le nantissement confère au créancier un ensemble de prérogatives destinées à protéger sa créance. Ces droits, bien que puissants, sont spécifiquement définis et limités par la loi.

Droit de préférence : classement face aux autres privilèges

Le droit de préférence est le principal avantage du créancier nanti. Il lui permet d’être payé en priorité sur le prix de vente du fonds de commerce en cas de réalisation forcée. Si le débiteur ne parvient pas à rembourser sa dette et que le fonds est vendu, le créancier nanti pourra récupérer sa créance sur le produit de la vente avant les créanciers chirographaires (ceux qui ne disposent d’aucune garantie particulière).

Toutefois, ce droit de préférence n’est pas absolu. Le créancier nanti peut être primé par d’autres créanciers considérés comme prioritaires par la loi. Il s’agit notamment des créanciers de salaires (le « superprivilège des salaires »), du Trésor public pour certaines impositions, et des frais de justice engagés pour parvenir à la vente du fonds. Le rang du créancier nanti est donc un élément clé à analyser dans toute situation de recouvrement.

Droit de suite et procédure de purge

Le droit de suite est le corollaire indispensable du droit de préférence. Il signifie que la garantie « suit » le fonds, même si celui-ci est vendu à un tiers. Le créancier peut ainsi faire valoir ses droits sur le fonds entre les mains de n’importe quel acquéreur successif. Autrement dit, vendre le fonds ne fait pas disparaître le nantissement.

Pour l’acquéreur d’un fonds de commerce, l’existence d’un nantissement constitue un risque majeur. C’est pourquoi la loi a prévu une procédure de « purge » des inscriptions. L’acquéreur peut se libérer du droit de suite des créanciers nantis en leur proposant de leur payer directement le prix d’acquisition. Les créanciers peuvent accepter cette offre ou, s’ils estiment le prix insuffisant, demander la mise aux enchères publiques du fonds en offrant de se porter acquéreur pour un prix supérieur d’un dixième. Cette procédure complexe nécessite l’assistance d’un avocat pour sécuriser l’opération.

Absence de droit de rétention et d’attribution judiciaire

Il est important de souligner deux droits que le créancier nanti ne possède pas. D’abord, il ne dispose d’aucun droit de rétention. Comme il n’y a pas de dépossession, il ne peut évidemment pas retenir le fonds jusqu’au paiement. Ensuite, et c’est une différence majeure avec d’autres sûretés, il ne peut pas demander l’attribution judiciaire du fonds en paiement de sa créance. La seule voie de réalisation est la vente forcée aux enchères.

Réalisation du nantissement et procédures collectives

La finalité d’une garantie est de pouvoir être mise en œuvre lorsque le débiteur est défaillant. Les modalités de cette « réalisation » sont strictement encadrées, et la situation se complexifie davantage lorsque l’entreprise entre en procédure collective.

Mise en œuvre de la sûreté : vente forcée du fonds

En cas de non-paiement de la dette à son échéance, le créancier nanti peut engager la réalisation de sa garantie. La procédure commence par une mise en demeure de payer adressée au débiteur. Si cette mise en demeure reste sans effet pendant huit jours, le créancier peut saisir le tribunal de commerce pour demander la vente forcée du fonds de commerce.

Le tribunal ordonnera alors la vente aux enchères publiques. Le produit de cette vente sera réparti entre les créanciers selon leur rang, le créancier nanti exerçant son droit de préférence sur le prix obtenu, après paiement des éventuels créanciers qui le priment.

Le nantissement en cas de procédure collective : sort du privilège

L’ouverture d’une procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire à l’encontre du débiteur a des conséquences directes sur les droits du créancier nanti. Dès le jugement d’ouverture, le créancier ne peut plus engager de poursuites individuelles pour obtenir le paiement de sa créance ou la vente du fonds. Il doit déclarer sa créance et son privilège de nantissement auprès du mandataire judiciaire.

Dans le cadre d’un plan de redressement, le paiement de sa créance sera soumis aux délais et remises imposés par le tribunal. En cas de liquidation judiciaire, son droit de préférence s’exercera sur le prix de vente du fonds, mais toujours après les créanciers privilégiés de la procédure (frais de justice, salaires, créances postérieures « utiles »). Le droit de suite est également paralysé pendant la procédure. La gestion d’une créance nantie dans un contexte de difficultés de l’entreprise est technique et requiert une parfaite maîtrise des interactions entre le droit des sûretés et le droit des procédures collectives.

La constitution et la gestion d’un nantissement de fonds de commerce, artisanal ou agricole sont des actes juridiques aux conséquences importantes. Pour sécuriser vos financements ou défendre vos droits en tant que créancier, une rédaction précise et une analyse experte sont indispensables. Notre équipe d’avocats compétents en sûretés et garanties se tient à votre disposition pour vous accompagner.

Sources

  • Code de commerce, notamment les articles L. 142-1 et suivants
  • Code civil
  • Code rural et de la pêche maritime, notamment l’article L. 311-3
  • Code de la propriété intellectuelle

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