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Publicité trompeuse : définition, éléments constitutifs et sanctions

Table des matières

Dans un environnement commercial concurrentiel, la publicité est un outil indispensable pour les entreprises souhaitant promouvoir leurs produits ou services. Toutefois, cette communication doit respecter des règles strictes pour garantir une information loyale et transparente au consommateur. La frontière entre une présentation avantageuse et une affirmation mensongère peut parfois être ténue, exposant l’annonceur à des sanctions pour pratique commerciale trompeuse. Comprendre les contours de la publicité trompeuse est donc essentiel pour toute entreprise soucieuse de sa réputation et de sa conformité légale. Cet article détaille ce que recouvre cette notion, comment elle est caractérisée et quelles en sont les conséquences. Pour une vue d’ensemble de la réglementation, n’hésitez pas à consulter notre article dédié au cadre juridique de la publicité en France.

Qu’est-ce qu’une pratique commerciale trompeuse par la publicité ?

La notion de publicité trompeuse est intégrée dans le concept plus large de « pratiques commerciales déloyales », interdit par le Code de la consommation. Ces pratiques sont définies comme celles qui sont contraires aux exigences de la diligence professionnelle et qui altèrent, ou sont susceptibles d’altérer de manière substantielle, le comportement économique du consommateur normalement informé et raisonnablement attentif et avisé.  

Définition légale (Code de la consommation, L. 121-2 et suivants)

Le Code de la consommation, aux articles L. 121-2 et suivants, définit précisément les pratiques commerciales trompeuses. Une pratique est considérée comme trompeuse si elle est commise dans l’une des deux circonstances suivantes :

  1. Lorsqu’elle crée une confusion avec un autre bien ou service, une marque, un nom commercial, ou un autre signe distinctif d’un concurrent.  
  2. Lorsqu’elle repose sur des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur le consommateur moyen. C’est cette seconde catégorie qui englobe directement la publicité trompeuse.  

L’article L. 121-2 détaille une liste non exhaustive d’éléments sur lesquels la tromperie peut porter : existence, nature, composition, qualités substantielles, origine, quantité, mode et date de fabrication, prix, conditions de vente, service après-vente, portée des engagements de l’annonceur, identité et qualités de ce dernier, traitement des réclamations, etc. Une pratique peut également être trompeuse par omission, c’est-à-dire si elle dissimule une information substantielle dont le consommateur moyen a besoin pour prendre une décision commerciale en connaissance de cause (article L. 121-3 du Code de la consommation).  

Distinction entre publicité fausse et publicité de nature à induire en erreur

La loi vise donc deux types de comportements distincts mais aux conséquences similaires :

  • La publicité contenant des informations fausses : Il s’agit ici d’une affirmation positivement erronée, d’un mensonge direct sur les caractéristiques du produit, son prix, l’origine, etc. L’annonceur affirme quelque chose qui n’est pas vrai. La fausseté doit pouvoir être objectivement constatée.
  • La publicité de nature à induire en erreur : Cette catégorie est plus subtile. L’information n’est pas nécessairement fausse en elle-même, mais elle est présentée de telle manière (par sa formulation, son ambiguïté, ses omissions, son contexte) qu’elle risque de donner une impression erronée au consommateur moyen et d’influencer sa décision d’achat. L’appréciation se fait in concreto, en tenant compte du public visé et de sa perception probable du message. Il peut s’agir d’une présentation ambiguë, d’une omission volontaire d’un élément essentiel, ou d’une mise en avant disproportionnée d’un avantage mineur.

La distinction est importante car elle élargit considérablement le champ de l’interdiction. Il n’est pas nécessaire de prouver un mensonge caractérisé ; une simple suggestion fallacieuse ou une omission calculée peuvent suffire à qualifier la pratique de trompeuse.

L’élément matériel : quand la publicité dérape-t-elle ?

Pour qu’une publicité soit qualifiée de trompeuse, il faut d’abord établir son élément matériel, c’est-à-dire la réalité du décalage entre le message publicitaire et la vérité. Ce décalage peut prendre la forme d’affirmations fausses ou d’une présentation propre à induire en erreur.  

Les allégations, indications ou présentations fausses

L’article L. 121-2 du Code de la consommation énumère les principaux aspects sur lesquels peuvent porter ces affirmations fausses. Il est important de noter que cette liste n’est pas exhaustive.  

  • Sur l’existence, la nature, la composition, les qualités substantielles… : Cela concerne les caractéristiques intrinsèques du bien ou du service. Par exemple, vanter un produit comme étant « 100% naturel » alors qu’il contient des additifs synthétiques, ou attribuer à un appareil des performances qu’il n’atteint pas. Les « qualités substantielles » renvoient aux caractéristiques principales attendues par le consommateur pour ce type de produit (durabilité, efficacité, sécurité…).
  • Sur l’origine, la quantité, le mode et la date de fabrication… : L’origine géographique (« Made in France » pour un produit fabriqué ailleurs), la quantité réelle (un conditionnement annoncé comme contenant 1L mais n’en faisant que 90cl), le procédé de fabrication (artisanal vs industriel) ou encore la fraîcheur (« pêché du jour » pour du poisson surgelé) sont des éléments dont la fausseté peut constituer une tromperie.
  • Sur le prix, les conditions de vente, les procédés de vente… : Annoncer un prix barré gonflé artificiellement pour faire croire à une promotion exceptionnelle, masquer des frais supplémentaires obligatoires, présenter une vente comme « exclusive » alors qu’elle est largement diffusée, ou utiliser des termes comme « gratuit » alors que l’obtention du produit est conditionnée à un achat préalable sont des exemples fréquents. Les conditions de paiement ou de livraison peuvent aussi être visées.
  • Sur la portée des engagements, l’identité, les qualités de l’annonceur… : Mentir sur l’étendue d’une garantie, sur les qualifications professionnelles de l’entreprise (« artisan certifié » sans l’être), sur son expérience ou ses références, ou encore utiliser abusivement un label de qualité ou une récompense non obtenue relève de la publicité trompeuse.

Dans tous ces cas, la fausseté doit être appréciée objectivement. La simple exagération publicitaire (« le meilleur café du monde ») n’est généralement pas sanctionnée si elle relève du boniment habituel et n’est pas susceptible d’être prise au pied de la lettre par un consommateur normalement avisé.

La publicité de nature à induire en erreur : la subtilité du message

Ici, l’infraction réside moins dans la fausseté intrinsèque de l’information que dans l’impression globale créée par la publicité, qui risque de fausser le jugement du consommateur.

  • L’appréciation par rapport au consommateur moyen : L’évaluation se fait en se plaçant du point de vue d’un consommateur « normalement informé et raisonnablement attentif et avisé », compte tenu des facteurs sociaux, culturels et linguistiques. Il ne s’agit ni du consommateur particulièrement crédule, ni de l’expert averti. Si ce consommateur moyen est susceptible d’être trompé par la présentation, l’infraction peut être constituée, même si certaines informations exactes sont présentes mais noyées dans un message globalement trompeur.  
  • L’omission d’informations substantielles : L’article L. 121-3 du Code de la consommation sanctionne le fait de dissimuler ou de fournir de manière inintelligible, ambiguë ou tardive une information substantielle. Une information est substantielle si le consommateur moyen en a besoin pour prendre une décision commerciale en connaissance de cause. Omettre de mentionner qu’un prix affiché est hors taxes, que l’utilisation d’un service nécessite un abonnement coûteux, ou que des limitations importantes s’appliquent à une offre promotionnelle peut constituer une omission trompeuse. La manière dont l’information est présentée (taille des caractères, emplacement, clarté) est également prise en compte.  

La publicité comparative, par exemple, doit être particulièrement vigilante pour ne pas induire en erreur en omettant des caractéristiques essentielles ou en présentant la comparaison de manière biaisée. Pour en savoir plus sur les conditions spécifiques, vous pouvez consulter notre article sur la publicité comparative.

L’élément moral : intention ou négligence ?

Pour que l’infraction de pratique commerciale trompeuse soit constituée, il faut, en plus de l’élément matériel (le caractère trompeur de la publicité), un élément moral. Il s’agit de l’attitude psychologique de l’auteur de la publicité au moment des faits.

Le délit intentionnel : la volonté de tromper

En principe, la publicité trompeuse est un délit intentionnel. Cela signifie que pour être condamné, l’auteur (l’annonceur, l’agence…) doit avoir eu conscience du caractère faux ou trompeur de sa publicité et avoir eu la volonté de la diffuser malgré tout. La preuve de cette intention peut être difficile à rapporter directement. Cependant, les tribunaux la déduisent souvent des circonstances : l’énormité du mensonge, la répétition des faits, le caractère professionnel de l’auteur (qui est censé connaître la réglementation et les caractéristiques de ses produits), ou encore l’absence de vérifications préalables sérieuses. La mauvaise foi est souvent présumée lorsque les faits sont manifestes.  

La possible non-intentionnalité : quand l’erreur devient faute

Toutefois, la jurisprudence et la loi ont assoupli l’exigence d’une intention de nuire caractérisée. Même en l’absence d’une volonté délibérée de tromper, la responsabilité peut être engagée. Le délit peut être constitué par une simple négligence, une imprudence ou une ignorance coupable. L’annonceur professionnel ne peut pas se réfugier derrière une simple erreur s’il n’a pas pris toutes les précautions raisonnables pour vérifier la véracité et la clarté de ses messages publicitaires. Le manque de diligence, l’absence de contrôle interne, ou le fait de diffuser des informations fournies par un tiers sans les vérifier peuvent suffire à caractériser l’élément moral.  

En pratique, un professionnel ne peut donc invoquer son ignorance ou une simple erreur pour échapper à sa responsabilité s’il est démontré qu’il aurait dû, par des vérifications normales relevant de sa compétence, connaître le caractère trompeur de la publicité. La charge de la preuve de la véracité des allégations pèse d’ailleurs souvent sur le professionnel (article L. 121-5 du Code de la consommation).  

Qui peut être visé par l’infraction ?

La responsabilité en matière de publicité trompeuse ne pèse pas uniquement sur l’entreprise qui vend le produit ou le service. Plusieurs acteurs de la chaîne publicitaire peuvent voir leur responsabilité engagée.

L’annonceur : principal responsable

L’annonceur est celui pour le compte duquel la publicité est diffusée. Il s’agit le plus souvent de l’entreprise qui commercialise le bien ou le service promu. C’est lui qui est considéré comme le principal responsable de la véracité et de la loyauté du message publicitaire. Même si la création de la publicité a été déléguée à une agence, l’annonceur conserve l’obligation de contrôler le contenu diffusé et de s’assurer qu’il est conforme à la loi et à la réalité de son offre. Il ne peut généralement pas s’exonérer en rejetant la faute sur ses prestataires. Sa connaissance des produits ou services qu’il propose le place en première ligne.  

L’agence de publicité et le support de diffusion : quelle responsabilité ?

L’agence de publicité qui a conçu ou réalisé la campagne peut également être tenue pour responsable si elle a participé sciemment à la diffusion d’un message trompeur ou si elle a manqué à son devoir de conseil et de diligence en ne vérifiant pas les informations fournies par l’annonceur ou en proposant une création fallacieuse. Sa responsabilité sera appréciée en fonction de son rôle et de sa marge de manœuvre dans le processus créatif et de validation.  

Quant aux supports de diffusion (journaux, chaînes de télévision, sites internet, plateformes en ligne…), leur responsabilité est plus rarement engagée, sauf s’ils avaient connaissance du caractère manifestement illicite de la publicité avant sa diffusion et n’ont rien fait pour l’empêcher. Ils ont une obligation de vigilance, mais ne sont pas tenus de vérifier systématiquement la véracité de chaque allégation publicitaire qu’ils hébergent, sauf cas évidents.  

En cas de litige, il est fréquent que plusieurs acteurs soient poursuivis conjointement, chacun pouvant être condamné en fonction de son degré d’implication et de sa faute.

Les sanctions applicables à la publicité trompeuse

Lorsqu’une pratique commerciale trompeuse est avérée, les auteurs s’exposent à diverses sanctions, qui peuvent se cumuler. Ces sanctions visent à la fois à punir le comportement déloyal, à réparer le préjudice subi par les consommateurs et les concurrents, et à prévenir la récidive.

Sanctions pénales (amendes, emprisonnement)

La publicité trompeuse constitue un délit pénal. L’article L. 132-2 du Code de la consommation prévoit des sanctions pouvant aller jusqu’à :

  • Deux ans d’emprisonnement.
  • Une amende de 300 000 euros pour les personnes physiques.

Le montant de l’amende peut être porté, de manière proportionnée aux avantages tirés du délit, à 10 % du chiffre d’affaires moyen annuel (calculé sur les trois derniers chiffres d’affaires annuels connus à la date des faits) ou à 50 % des dépenses engagées pour la réalisation de la publicité ou de la pratique constituant le délit. Pour les personnes morales (sociétés), l’amende peut atteindre 1 500 000 euros (le quintuple de l’amende prévue pour les personnes physiques) ou le pourcentage du chiffre d’affaires ou des dépenses publicitaires mentionné ci-dessus. Des peines complémentaires peuvent également être prononcées, comme l’interdiction d’exercer une activité professionnelle ou commerciale.  

Sanctions civiles (cessation de la publicité, publication du jugement, dommages-intérêts)

Sur le plan civil, plusieurs actions sont possibles :

  • Action en cessation : Le juge peut ordonner la cessation de la publicité ou de la pratique illicite, éventuellement sous astreinte (pénalité financière par jour de retard).
  • Publication du jugement : Pour informer le public et restaurer une concurrence loyale, le tribunal peut ordonner la publication de la décision de condamnation dans des journaux ou sur d’autres supports, aux frais du condamné. C’est une sanction souvent redoutée pour son impact sur l’image de l’entreprise.  
  • Dommages-intérêts : Les consommateurs ou les associations de consommateurs agréées, ainsi que les concurrents qui estiment avoir subi un préjudice du fait de la publicité trompeuse, peuvent demander réparation devant les tribunaux civils. Le préjudice peut être économique (perte de clientèle, perte de chance) ou moral (atteinte à l’image de marque).

Sanctions administratives (DGCCRF)

La Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes (DGCCRF) dispose également de pouvoirs propres. Ses agents peuvent enquêter, constater les infractions et prononcer des sanctions administratives :

  • Injonction de cesser la pratique : La DGCCRF peut ordonner à l’entreprise de mettre fin à la pratique trompeuse.
  • Amende administrative : En cas de manquement constaté, l’autorité administrative peut infliger une amende dont le montant maximal est de 3 000 euros pour une personne physique et 15 000 euros pour une personne morale.  
  • Mesures correctives : La DGCCRF peut ordonner la publication d’un communiqué informant les consommateurs ou la diffusion de messages rectificatifs.

Ces sanctions administratives peuvent être prononcées indépendamment des poursuites pénales ou civiles.

Comment se prémunir contre le risque de publicité trompeuse ?

Pour éviter de tomber sous le coup de la législation sur les pratiques commerciales trompeuses, les entreprises doivent adopter une démarche proactive et rigoureuse dans l’élaboration et la diffusion de leurs messages publicitaires.

Vérification de la véracité des allégations

C’est le B.A.-ba. Avant toute diffusion, chaque affirmation factuelle contenue dans une publicité doit être scrupuleusement vérifiée et documentée. Disposez-vous de preuves objectives (tests, études, certifications, caractéristiques techniques précises) pour étayer vos dires sur la performance, la composition, l’origine ou les avantages de votre produit ? L’annonceur doit être en mesure de justifier la véracité de ses allégations en cas de contrôle ou de litige. Une attention particulière doit être portée aux superlatifs et aux comparaisons.

Clarté et transparence du message publicitaire

Au-delà de la simple véracité, la manière dont l’information est présentée est essentielle. Le message doit être clair, non ambigu et facilement compréhensible par le consommateur moyen auquel il s’adresse. Évitez le jargon technique excessif sans explication, les formulations alambiquées ou les astérisques renvoyant à des conditions restrictives en caractères minuscules. Les informations substantielles, notamment sur le prix total, les conditions d’une offre, les limitations ou les engagements, doivent être présentées de manière loyale et accessible. L’omission volontaire ou la dissimulation d’informations importantes est à proscrire.

L’audit juridique de vos campagnes

Faire relire et valider ses campagnes publicitaires par un conseil juridique avant leur lancement est une précaution judicieuse, en particulier pour les campagnes d’envergure ou celles portant sur des produits ou services sensibles (santé, finance, environnement…). Un avocat compétent en droit de la publicité pourra identifier les risques potentiels de qualification en pratique trompeuse, vérifier la conformité des allégations au regard de la réglementation sectorielle applicable, et s’assurer de la validité des mentions légales. Il peut également vous conseiller sur la manière de formuler vos messages pour combiner efficacité commerciale et sécurité juridique. En cas de défense en cas de litige, faire appel à un avocat expert en publicité trompeuse est indispensable.

La vigilance est donc de mise à toutes les étapes, de la conception du message à sa diffusion, pour s’assurer que la communication de l’entreprise reste toujours loyale et respectueuse des droits des consommateurs.

Si vous êtes confronté à une situation où votre publicité est mise en cause, ou si vous souhaitez valider la conformité de vos campagnes, n’hésitez pas à contacter notre cabinet pour discuter de vos options et sécuriser vos pratiques commerciales.

Sources

  • Code de la consommation : Articles L. 121-2 à L. 121-5 (Définition et éléments constitutifs des pratiques commerciales trompeuses)
  • Code de la consommation : Articles L. 132-2 et suivants (Sanctions pénales)
  • Code de la consommation : Article L. 522-1 et suivants (Pouvoirs de la DGCCRF)

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