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Règlementation des crypto-actifs en europe : comprendre mica et tfr

Table des matières

L’écosystème des crypto-actifs, autrefois perçu comme une frontière numérique pour initiés, représente aujourd’hui un secteur d’investissement et d’innovation incontournable. Pour les entreprises comme pour les particuliers, il offre des opportunités nouvelles, mais son développement rapide s’est longtemps accompagné d’un cadre juridique incertain, source de risques importants. Face à ce constat, l’Union européenne a posé les fondations d’une régulation ambitieuse avec deux textes majeurs : les règlements MiCA (Markets in Crypto-Assets) et TFR (Transfer of Funds Regulation). Ces nouvelles règles marquent un tournant, visant à harmoniser le marché, protéger les investisseurs et lutter contre les activités illicites. Cet article a pour but de décrypter ce nouvel environnement légal et ses conséquences pratiques, en s’inscrivant dans notre analyse globale sur les actifs numériques : défis juridiques et solutions pratiques.

Le phénomène juridique des crypto-actifs et la nécessité de régulation

Loin d’être un vide juridique, l’univers des crypto-actifs a fait l’objet de nombreuses analyses et de tentatives d’encadrement avant l’intervention européenne. Le besoin d’une approche structurée s’est cependant imposé pour canaliser une croissance économique et technologique exponentielle et répondre aux inquiétudes légitimes en matière de sécurité financière.

L’influence des institutions européennes et internationales

Avant l’adoption de MiCA et TFR, plusieurs organismes avaient déjà tiré la sonnette d’alarme sur les risques liés à l’absence de règles harmonisées. Des rapports de l’Autorité bancaire européenne (ABE) et de l’Autorité européenne des marchés financiers (AEMF) soulignaient la nécessité d’un cadre commun pour protéger les consommateurs et garantir l’intégrité des marchés. Ces réflexions ont nourri la volonté politique de créer un écosystème juridique capable d’appréhender la complexité des actifs numériques, depuis les monnaies virtuelles jusqu’aux jetons plus complexes. L’objectif était de passer d’une mosaïque de réglementations nationales à un socle de règles unique pour l’ensemble de l’Union.

L’approche du droit national face aux crypto-actifs

La France a joué un rôle de précurseur en la matière. Avec la loi PACTE de 2019, elle a été l’un des premiers pays à établir un régime spécifique pour les actifs numériques. Ce régime a notamment créé le statut de prestataire de services sur actifs numériques (PSAN), soumis à un enregistrement obligatoire auprès de l’Autorité des marchés financiers (AMF) pour certains services, et à un agrément optionnel pour d’autres. Cette législation a permis d’encadrer les acteurs du secteur en leur imposant des obligations, notamment en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme (LCB-FT). Si cette initiative nationale a offert une première forme de sécurité, elle restait par nature limitée au territoire français et constituait une étape transitoire en attendant une régulation d’envergure européenne.

Le règlement mica (markets in crypto-assets) : un cadre harmonisé

Adopté le 31 mai 2023, le règlement (UE) 2023/1114, dit MiCA, constitue la pièce maîtresse du nouveau cadre réglementaire européen. Il vise à établir des règles uniformes pour les émetteurs de crypto-actifs et les prestataires de services, afin de favoriser l’innovation tout en assurant un niveau élevé de protection pour les investisseurs et la stabilité financière de l’Union.

La portée du règlement : émetteurs et prestataires de services sur crypto-actifs (psca)

Le champ d’application de MiCA est large. Il couvre les personnes et entités qui émettent des crypto-actifs, les proposent au public ou en demandent l’admission à la négociation sur une plateforme. Il s’applique également aux prestataires de services sur crypto-actifs (PSCA), ou *Crypto-Asset Service Providers* (CASP) en anglais. Ce nouveau terme européen vient remplacer le statut français de PSAN.

Pour exercer leurs activités dans l’Union européenne, ces prestataires devront obtenir un agrément unique auprès de l’autorité compétente d’un État membre. Cet agrément, fondé sur des exigences strictes en matière de gouvernance, de fonds propres, de sécurité des systèmes d’information et de protection des clients, fonctionnera comme un « passeport européen ». Il permettra à un PSCA agréé dans un pays de l’UE d’offrir ses services dans tous les autres États membres, créant ainsi un marché unique et concurrentiel.

La nouvelle classification des crypto-actifs (jetons d’utilité, e-mts, arts)

Pour adapter les exigences à la diversité des actifs, MiCA introduit une classification juridique précise. Il définit d’abord le crypto-actif comme « une représentation numérique d’une valeur ou d’un droit pouvant être transférée et stockée de manière électronique, au moyen de la technologie des registres distribués ou d’une technologie similaire ». Au sein de cette grande famille, le règlement distingue principalement trois catégories :

  • Les jetons d’utilité (Utility Tokens) : ils donnent accès à un bien ou à un service fourni par leur émetteur.
  • Les jetons se référant à des actifs (Asset-Referenced Tokens ou ARTs) : il s’agit d’une forme de « stablecoin » qui vise à maintenir une valeur stable en se référant à un panier de plusieurs monnaies officielles, de matières premières ou d’autres crypto-actifs.
  • Les jetons de monnaie électronique (E-Money Tokens ou EMTs) : ce sont des « stablecoins » qui se réfèrent à la valeur d’une seule monnaie officielle, comme l’euro ou le dollar. Ils sont considérés comme des substituts électroniques aux pièces et billets.

Cette approche permet d’appliquer des régimes de surveillance différenciés. Si les émetteurs de jetons d’utilité sont soumis à des obligations allégées, ceux d’ARTs et d’EMTs font l’objet d’un encadrement bien plus strict en raison des risques qu’ils peuvent présenter pour la stabilité financière. Il est important de noter que certains actifs, comme les jetons non fongibles (NFTs) uniques et non interchangeables, sont en principe exclus du champ de MiCA. Cependant, le règlement privilégie une approche basée sur la substance plutôt que sur la forme. Des NFTs émis en séries importantes pourraient être requalifiés et tomber sous le coup de la réglementation. Pour approfondir ce sujet, notre article sur la qualification juridique des actifs numériques apporte un éclairage complémentaire.

L’extinction du régime national psan et la période transitoire

L’entrée en application de MiCA signe la fin programmée du régime français de PSAN. Pour assurer une transition en douceur, une période transitoire a été mise en place. Les PSAN qui fournissaient leurs services conformément au droit français avant le 30 décembre 2024 pourront continuer à le faire jusqu’au 1er juillet 2026. Durant cette période, ils devront se mettre en conformité avec les exigences du règlement européen et obtenir l’agrément de PSCA pour pouvoir poursuivre leurs activités au-delà de cette date. Cette phase de transition est déterminante pour les acteurs français, qui doivent anticiper les démarches pour pérenniser leur activité dans le nouveau marché européen.

Les nouvelles compétences de l’amf et de l’acpr

En France, l’adaptation au cadre MiCA a été précisée par l’ordonnance n° 2024-936 du 15 octobre 2024. Ce texte répartit les compétences de supervision entre l’Autorité des marchés financiers (AMF) et l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR). L’AMF sera principalement chargée de la surveillance des marchés et de l’agrément de la majorité des PSCA. L’ACPR, quant à elle, héritera de la compétence pour les émetteurs de jetons de monnaie électronique (EMTs), en raison de leur proximité avec les activités de paiement traditionnelles. Cette répartition des rôles s’inspire de la surveillance existante dans le secteur financier classique, où des mécanismes solides existent pour l’indemnisation et la protection des clients en cas de défaillance des acteurs régulés.

Le règlement tfr (transfer of funds regulation) : renforcement de la lutte anti-blanchiment

Le second pilier de la réglementation européenne est le règlement (UE) 2023/1113, ou TFR, qui étend les obligations de traçabilité des transferts de fonds aux transactions en crypto-actifs. Son objectif est de prévenir l’utilisation de ces technologies à des fins de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme.

L’application de la « travel rule » aux transferts de crypto-actifs

La mesure phare du règlement TFR est l’application de la « Travel Rule » (règle du voyage) aux crypto-actifs. Ce principe, déjà en vigueur pour les virements bancaires traditionnels, impose aux prestataires de services sur crypto-actifs de collecter et de transmettre des informations sur l’initiateur (le payeur) et le bénéficiaire de chaque transaction. Concrètement, lorsqu’un transfert est effectué, des données comme le nom de l’émetteur, son numéro de compte en crypto-actifs (par exemple, l’adresse de son portefeuille), et des informations similaires pour le destinataire doivent « voyager » avec la transaction. Cette obligation de transparence s’applique à tous les transferts, sans seuil de montant, et vise à mettre fin à l’anonymat souvent associé aux transactions en cryptomonnaies.

L’adaptation du droit français aux nouvelles obligations lbc/ft

La France a transposé ces exigences par l’ordonnance n° 2024-937 du 15 octobre 2024. Ce texte modifie le Code monétaire et financier pour y intégrer les obligations issues du règlement TFR. Les PSCA français (et futurs PSCA européens opérant en France) devront donc mettre en place des procédures internes robustes pour assurer la collecte, la vérification et la transmission des informations requises pour chaque transfert de crypto-actifs. Le non-respect de ces règles exposera les prestataires à des sanctions administratives et pénales, renforçant ainsi l’arsenal de lutte contre les flux financiers illicites.

Les implications pratiques pour les professionnels du droit et les entreprises

L’arrivée de ce nouveau cadre réglementaire transforme profondément le secteur des crypto-actifs. Pour les entreprises et les praticiens du droit, elle crée à la fois des défis de mise en conformité et un besoin accru d’accompagnement juridique expert.

Les devoirs des professionnels du droit face à la complexité des crypto-actifs

Pour les avocats, notaires et autres conseils, cette réglementation impose un devoir de compétence et de curiosité. Il devient impératif de se former et de maîtriser non seulement les aspects techniques de la blockchain, mais aussi les subtilités des règlements MiCA et TFR. Le devoir de conseil s’en trouve renforcé : il s’agit d’être en mesure d’expliquer clairement les risques et les atouts des investissements en crypto-actifs, d’exposer les nouvelles obligations de conformité et de déclarer toute opération suspicieuse auprès de TRACFIN. La sécurité juridique des transactions passe plus que jamais par l’accompagnement d’un professionnel averti.

Les défis de conformité et les risques juridiques associés

Pour les entreprises du secteur, la transition vers le cadre MiCA représente un effort de mise en conformité majeur. Elles devront revoir leur documentation (livres blancs), leurs processus internes, leurs dispositifs de contrôle et de sécurité informatique, ainsi que leurs stratégies de commercialisation pour respecter les nouvelles règles. L’obtention de l’agrément PSCA sera un parcours exigeant qui nécessitera une préparation minutieuse. Le non-respect des obligations, qu’il s’agisse de la protection des fonds des clients, des règles de publicité ou de la « Travel Rule », engendrera des risques de sanctions financières et de réputation importants.

L’accompagnement des opérations d’investissement et de gestion de patrimoine

Dans ce contexte, le recours à un avocat devient essentiel pour sécuriser les opérations. Que ce soit pour structurer une émission de jetons (ICO), pour rédiger des conditions générales de service conformes à MiCA, ou pour préparer un dossier d’agrément PSCA, une expertise juridique est indispensable. De plus, les crypto-actifs s’intègrent de plus en plus dans la gestion de patrimoine. La transmission de ces actifs par donation ou succession, leur traitement dans le cadre d’un régime matrimonial ou leur utilisation comme garantie soulèvent des questions juridiques complexes qui exigent des solutions sur mesure pour protéger les intérêts des clients.

Les règlements MiCA et TFR instaurent un environnement plus sûr mais aussi plus exigeant pour les acteurs des crypto-actifs. Naviguer avec assurance dans ce nouveau paysage réglementaire et transformer les contraintes en opportunités demande une expertise pointue. Pour sécuriser vos projets et investissements liés aux crypto-actifs, l’assistance d’un avocat compétent en droit commercial et des nouvelles technologies est un atout déterminant. Prenez contact avec notre cabinet pour une analyse de votre situation.

Sources

  • Règlement (UE) 2023/1114 du Parlement européen et du Conseil du 31 mai 2023 sur les marchés de crypto-actifs (MiCA).
  • Règlement (UE) 2023/1113 du Parlement européen et du Conseil du 31 mai 2023 sur les informations accompagnant les transferts de fonds et de certains crypto-actifs (TFR).
  • Code monétaire et financier.
  • Loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises (Loi PACTE).

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