La réglementation de l’usure en droit français : guide complet pour emprunteurs et professionnels

Table des matières

La réglementation sur l’usure protège les emprunteurs contre les taux d’intérêt excessifs, une pratique aussi ancienne que le crédit lui-même. Pour les particuliers comme pour les entreprises, un prêt est un engagement structurant, mais ses conditions peuvent parfois dissimuler des coûts qui dépassent les seuils légaux. Naviguer dans les méandres du droit du crédit, et plus particulièrement de l’usure, est un exercice complexe. Cet article a pour vocation de vous fournir une vue d’ensemble de la législation française, en survolant ses principes fondateurs, son champ d’application, ses mécanismes de calcul et les sanctions prévues. Chacun de ces aspects, traité plus en détail dans nos articles dédiés, est essentiel pour comprendre et défendre vos droits. En cas de doute sur la conformité de votre contrat, l’assistance d’un avocat compétent en droit du crédit est une démarche prudente.

Comprendre l’usure : définition et évolution historique

Qu’est-ce que l’usure ? Une définition juridique

L’usure se définit comme le fait de consentir un prêt à un taux d’intérêt qui excède un plafond fixé par la loi, appelé le seuil de l’usure. Juridiquement, il s’agit d’une forme d’injustice contractuelle qui ne se compare pas à une simple lésion. Le caractère usuraire n’est pas déterminé par un déséquilibre entre les prestations, mais par la comparaison entre le taux d’intérêt convenu et un taux de référence officiel. Ce mécanisme vise à protéger le débiteur d’une exploitation de sa situation de besoin par le prêteur.

Aperçu historique de la lutte contre l’usure en France

La prohibition des intérêts excessifs trouve ses racines dans l’Antiquité. À Rome, la Loi des XII Tables fixait déjà une limite. Au Moyen Âge, sous l’influence du droit canonique qui considérait le prêt à intérêt comme un péché, l’interdiction était quasi totale, le temps n’appartenant qu’à Dieu et ne pouvant être vendu. La Révolution française, avec le décret d’octobre 1789, a libéralisé le prêt à intérêt, principe repris par le Code civil. Cependant, cette liberté a été rapidement encadrée par une loi de 1807 qui instaurait un taux maximum, transformant l’usure en délit.

Les grandes étapes de la réglementation contemporaine (loi de 1966, droit européen, déplafonnement)

La réglementation moderne de l’usure est principalement issue de la loi du 28 décembre 1966. Ce texte fondateur a introduit la notion de taux effectif global (TEG) pour appréhender le coût réel du crédit, en y incluant les intérêts et tous les frais annexes. La législation a ensuite évolué sous l’influence du droit européen, qui a imposé le taux annuel effectif global (TAEG) pour les crédits à la consommation, harmonisant ainsi les pratiques. Plus récemment, la loi du 1er août 2003 a marqué un tournant en déplafonnant les taux pour les prêts accordés aux personnes morales et aux personnes physiques agissant pour leurs besoins professionnels, afin de faciliter leur accès au crédit.

Le champ d’application de la législation sur l’usure

La réglementation sur l’usure ne s’applique pas uniformément à toutes les opérations financières. Son périmètre est défini par la nature des conventions, la qualité de l’emprunteur et parfois le lieu d’exécution du contrat. Pour une exploration complète des opérations concernées, vous pouvez consulter notre article détaillé sur le champ d’application de la législation sur l’usure.

Les conventions de crédit soumises à la réglementation

Le dispositif anti-usure vise une large gamme d’opérations de crédit, bien au-delà du simple contrat de prêt. Sont concernées les avances de fonds sous toutes leurs formes, comme les ouvertures de crédit et les découverts en compte. La jurisprudence a confirmé que la réglementation s’appliquait aussi bien aux crédits consentis à des consommateurs qu’à ceux accordés à des professionnels avant la réforme de 2003. Les ventes à tempérament sont également assimilées à des prêts et soumises aux mêmes règles.

Les opérations échappant au cadre de l’usure

Certaines conventions sont exclues du champ de l’usure. C’est le cas des opérations de crédit-bail, qui combinent location et promesse de vente. De même, les prêts dont le remboursement est aléatoire, car il est impossible de distinguer la part de rémunération du risque de celle de l’intérêt. Depuis la loi sur l’initiative économique de 2003, les prêts accordés aux personnes morales (entreprises, associations) et aux personnes physiques pour leurs besoins professionnels ne sont plus soumis au plafonnement, à l’exception notable des découverts en compte qui restent encadrés pour protéger les entreprises en difficulté de trésorerie.

L’application dans l’espace des règles anti-usure

La question de l’application territoriale des règles sur l’usure est complexe, car elles relèvent à la fois du droit civil et du droit pénal. En matière pénale, la loi française s’applique dès qu’un des faits constitutifs de l’infraction a lieu sur le territoire national. Pour les litiges purement civils, les contrats internationaux sont en principe régis par la loi choisie par les parties. Cependant, la réglementation sur l’usure est considérée comme une loi de police, c’est-à-dire une disposition impérative dont l’application peut s’imposer pour des raisons d’ordre public, écartant ainsi la loi étrangère normalement applicable.

La notion de taux usuraire : TEG et TAEG

Pour déterminer si un prêt est usuraire, il faut comparer son coût total, représenté par le Taux Effectif Global (TEG) ou le Taux Annuel Effectif Global (TAEG), au seuil de l’usure publié chaque trimestre par la Banque de France. La complexité de ces indicateurs est souvent au cœur des contentieux. Notre analyse approfondie sur le calcul du TEG et du TAEG vous fournira toutes les clés techniques.

Le taux effectif global (TEG) : éléments constitutifs et méthode de calcul

Le TEG a été conçu pour donner une vision complète du coût d’un crédit. Il ne se limite pas au taux d’intérêt nominal. Selon l’article L. 314-1 du Code de la consommation, il doit inclure tous les frais, commissions ou rémunérations de toute nature qui sont une condition pour obtenir le prêt. Cela englobe les frais de dossier, les coûts d’assurance si celle-ci est imposée par le prêteur, ou encore les frais payés à des intermédiaires. La jurisprudence a une conception large des frais à intégrer, incluant par exemple la souscription de parts sociales imposée par une banque mutualiste. Pour approfondir les questions relatives à l’impact de la rémunération des intermédiaires, consultez notre article sur les IOBSP et le TEG/TAEG.

Le taux annuel effectif global (TAEG) : spécificités et harmonisation européenne

Le TAEG est la déclinaison européenne du TEG, rendue obligatoire pour les crédits à la consommation et les crédits immobiliers. Bien que son objectif soit identique – refléter le coût total du crédit – sa méthode de calcul diffère. Le TAEG est calculé selon la méthode actuarielle dite « d’équivalence », alors que le TEG pour les prêts aux professionnels utilise traditionnellement la méthode « proportionnelle ». Cette distinction technique, bien que subtile, a des conséquences importantes sur le résultat final et vise à assurer une comparabilité des offres de crédit à travers l’Union européenne.

Les sanctions de l’usure en droit français

Le dépassement du seuil de l’usure n’est pas sans conséquence. Le droit français a mis en place un double régime de sanctions, à la fois pénales et civiles, pour réprimer cette pratique et rétablir l’équilibre du contrat. Pour une vue détaillée des peines et des recours possibles, notre article sur les sanctions de l’usure est à votre disposition.

Les sanctions pénales : délit, peines et procédure

Constitue un délit d’usure le fait de consentir à autrui un prêt à un taux effectif global qui excède de plus du tiers le taux effectif moyen pratiqué au cours du trimestre précédent. L’infraction est constituée par le simple dépassement mathématique, l’intention frauduleuse étant le plus souvent présumée, surtout pour un professionnel du crédit. Les peines prévues par le Code de la consommation peuvent aller jusqu’à deux ans d’emprisonnement et 300 000 euros d’amende. Le point de départ de la prescription de l’action publique est fixé au jour de la dernière perception d’intérêt ou de capital.

Les sanctions civiles : réintégration et restitution des intérêts excessifs

Sur le plan civil, la sanction ne consiste pas en l’annulation du prêt, ce qui serait préjudiciable à l’emprunteur. La loi prévoit un mécanisme de rééquilibrage : les perceptions excessives sont imputées de plein droit sur les intérêts normaux restant à courir, puis, subsidiairement, sur le capital de la créance. Si le prêt est déjà remboursé, les sommes indûment perçues doivent être restituées à l’emprunteur, majorées des intérêts au taux légal à compter du jour de leur paiement. Cette sanction vise à priver le prêteur du bénéfice de l’opération usuraire.

Comment un avocat expert en droit du crédit peut vous aider face à l’usure

La législation sur l’usure est technique et sa mise en œuvre demande une analyse précise des contrats de prêt et des pratiques bancaires. Un avocat ayant une pratique dédiée au droit du crédit peut jouer un rôle déterminant. Son intervention consiste d’abord à réaliser un audit de votre contrat pour vérifier la conformité du TEG ou du TAEG. Il s’agit d’identifier tous les frais qui auraient dû être inclus dans le calcul et de le recalculer selon les méthodes légales. Si une erreur ou un caractère usuraire est détecté, l’avocat peut engager une négociation avec l’établissement prêteur pour obtenir une régularisation. En cas d’échec, il portera l’affaire devant les tribunaux compétents pour faire valoir vos droits et obtenir l’application des sanctions civiles.

La complexité des règles de calcul et l’évolution constante de la jurisprudence rendent l’assistance d’un professionnel indispensable pour sécuriser vos démarches. Si vous pensez être victime d’un prêt usuraire, n’hésitez pas à contacter notre cabinet pour une analyse de votre situation et un conseil adapté.

Foire aux questions

Quelle est la différence entre le TEG et le TAEG ?

Le TEG (Taux Effectif Global) et le TAEG (Taux Annuel Effectif Global) mesurent tous deux le coût total d’un crédit. Le TAEG est la norme européenne obligatoire pour les crédits aux consommateurs (crédit à la consommation, crédit immobilier), tandis que le TEG s’applique principalement aux crédits pour les professionnels. Leur principale différence réside dans la méthode de calcul mathématique utilisée.

Tous les prêts sont-ils soumis à la réglementation sur l’usure ?

Non. Les prêts accordés aux personnes morales (sociétés, associations) ou aux personnes physiques pour leurs besoins professionnels sont exclus du champ d’application de l’usure, à l’exception notable des découverts en compte. Les crédits-bails et les prêts à caractère aléatoire ne sont pas non plus concernés.

Quels frais sont inclus dans le calcul du TEG ?

Le TEG doit inclure tous les frais qui conditionnent l’octroi du crédit. Cela comprend les intérêts, les frais de dossier, les commissions, les primes d’assurance si l’assurance est exigée par le prêteur, et les frais dus à des intermédiaires. Seuls les frais dont le montant ne peut être connu avant la conclusion du contrat, comme certains frais de notaire, peuvent être exclus.

Que se passe-t-il si mon prêt est usuraire ?

Si un tribunal constate qu’un prêt est usuraire, les sommes versées en trop par l’emprunteur sont d’abord déduites des intérêts futurs, puis du capital restant dû. Si le prêt est déjà remboursé, le prêteur doit restituer les sommes excédentaires avec des intérêts. Des sanctions pénales (amende, emprisonnement) peuvent aussi être prononcées contre le prêteur.

Le taux d’usure est-il le même pour tous les crédits ?

Non. La Banque de France publie chaque trimestre des seuils d’usure différents pour plusieurs catégories de prêts (crédits immobiliers à taux fixe, crédits à la consommation, découverts en compte, etc.). Chaque catégorie a son propre plafond, qui correspond au taux effectif moyen pratiqué pour cette catégorie, augmenté d’un tiers.

Puis-je contester un taux usuraire moi-même ?

Bien que cela soit possible, la contestation d’un taux usuraire est une procédure techniquement complexe qui nécessite de recalculer le TEG/TAEG et de maîtriser la jurisprudence applicable. L’assistance d’un avocat est fortement recommandée pour maximiser vos chances de succès et vous accompagner dans les démarches amiables ou judiciaires.

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