La relation bancaire n’est pas qu’une affaire de particuliers. Les entreprises et les collectivités territoriales, acteurs économiques majeurs, bénéficient également de protections spécifiques dans leurs interactions avec les établissements financiers. Un ensemble de règles déontologiques, complétant le cadre légal, vise à équilibrer ce rapport et à garantir des pratiques loyales et transparentes. Ces normes professionnelles, parfois méconnues, sont pourtant essentielles pour défendre les droits de ces entités.
1. Protection renforcée pour les commerçants et entreprises
Les professionnels, qu’il s’agisse de commerçants indépendants ou de sociétés, interagissent quotidiennement avec leur banque pour des opérations variées. Plusieurs dispositifs déontologiques viennent encadrer cette relation.
Services d’encaissement par carte : plus de transparence
Pour les commerçants acceptant les paiements par carte, la clarté des frais est fondamentale. Les établissements bancaires français se sont engagés à fournir un récapitulatif annuel détaillé des sommes prélevées pour ces services. Ce document doit distinguer clairement :
- Les contrats liés à chaque réseau de cartes.
- Le volume d’opérations traitées.
- Le montant total des commissions annuelles.
- Le coût des prestations optionnelles (location de terminal, assistance).
Cette « bonne pratique professionnelle », encouragée par les autorités, vise à permettre aux commerçants de mieux comprendre leur facturation et de comparer plus facilement les offres des différentes banques.
Code des relations Banque TPE/PME : un cadre pour la confiance
Adopté en 2006 sous l’égide de la Fédération bancaire française (FBF), le « Code des relations Banque TPE/PME » a pour objectif de structurer les échanges entre les banques et les petites et moyennes entreprises. Il s’articule autour de trois axes :
- Un accueil adapté pour les créateurs et repreneurs d’entreprise.
- La promotion d’une relation bancaire définie comme « solide, durable et équilibrée ».
- Une description transparente du processus d’octroi de crédit.
Bien qu’il s’agisse d’un engagement volontaire de la profession et non d’une obligation réglementaire stricte, ce code fournit un référentiel utile pour évaluer la qualité de la relation bancaire. Il souligne l’importance d’une communication claire et d’une compréhension mutuelle des attentes. La responsabilité envers les professionnels peut être engagée si la banque manque à ses obligations d’information dans ce cadre.
Accès au crédit des EIRL : une avancée pour les entrepreneurs individuels
La création du statut d’Entrepreneur Individuel à Responsabilité Limitée (EIRL) a nécessité une adaptation des pratiques bancaires. La charte sur l’accès au crédit des EIRL, signée le 31 mai 2011, engage les banques à ne pas systématiquement exiger de garanties sur le patrimoine personnel de l’entrepreneur.
L’article 2 de cette charte est particulièrement important : les banques s’engagent à ne pas demander de sûreté personnelle ou réelle sur le patrimoine privé si des solutions de cautionnement professionnel (comme celles proposées par les sociétés de caution mutuelle) peuvent être mises en œuvre. Cette disposition vise à préserver la séparation patrimoniale voulue par le statut EIRL et constitue une protection significative, bien que parfois sous-estimée, pour ces entrepreneurs.
2. Règles spécifiques pour les collectivités locales
Les collectivités territoriales, de par leur nature et leurs missions d’intérêt général, sont également concernées par des règles déontologiques bancaires spécifiques, notamment en matière d’emprunt.
Charte de bonne conduite sur les emprunts structurés : tirer les leçons du passé
La crise des « emprunts toxiques », qui a lourdement affecté les finances de nombreuses collectivités, a conduit à l’adoption, dès 2010, d’une charte de bonne conduite entre les associations d’élus et les établissements de crédit. Cette charte vise à encadrer plus strictement la commercialisation des produits financiers complexes :
- Interdiction de proposer des produits manifestement spéculatifs et inadaptés aux besoins et capacités des collectivités.
- Obligation d’information renforcée sur les risques inhérents aux emprunts structurés, y compris les scénarios les plus défavorables.
- Mise en place d’une classification des produits selon une échelle de risque transparente (« charte Gissler »).
- Renforcement du devoir de conseil des banques, qui doivent s’assurer de la bonne compréhension des mécanismes par les élus et services financiers des collectivités.
Une circulaire interministérielle du 25 juin 2010 est venue préciser les modalités d’application de cette charte, marquant une volonté des pouvoirs publics d’assainir les pratiques.
Fonds de soutien et encadrement réglementaire des emprunts
Face aux difficultés persistantes, un fonds de soutien spécifique a été créé par la loi du 26 juillet 2013 pour aider les collectivités à sortir des emprunts les plus risqués, en prenant en charge une partie des indemnités de remboursement anticipé. Le fonctionnement de ce fonds a été détaillé par plusieurs décrets (notamment D. n° 2014-444 et D. n° 2015-619).
Parallèlement, le décret n° 2014-984 du 28 août 2014 a introduit un encadrement réglementaire beaucoup plus strict des conditions d’emprunt pour les collectivités locales et leurs groupements. Ce texte classe les différents types de prêts selon leur niveau de risque et interdit ou limite fortement l’accès aux catégories les plus dangereuses. Cette réglementation marque un changement majeur, passant d’une logique de simple bonne conduite à une véritable obligation légale pour les banques et les collectivités.
3. Mobilité bancaire et qualité du service après-vente pour les professionnels
Faciliter le changement de banque et garantir un suivi de qualité sont des enjeux importants pour les entreprises.
Engagements pour une mobilité bancaire facilitée
Dès 2004, la profession bancaire a pris des engagements pour simplifier la mobilité bancaire des entreprises :
- Suppression des frais de clôture de compte.
- Fourniture rapide (et à coût raisonnable) de la liste des opérations récurrentes (virements, prélèvements).
- Mise à disposition d’un « guide de la mobilité ».
Ces mesures initiales ont été jugées insuffisantes.
Normes professionnelles de changement de compte (2008)
Sous l’impulsion européenne, de nouvelles normes ont été adoptées en 2008 pour automatiser et accélérer le processus :
- La nouvelle banque prend en charge les formalités administratives pour le compte du client professionnel.
- Communication des changements de domiciliation aux créanciers/débiteurs sous 5 jours ouvrés.
- Mise en place des virements permanents sous 5 jours.
- Clôture de l’ancien compte sous 10 jours ouvrés (sous réserve d’absence d’opérations en cours).
Malgré ces normes, des difficultés persistent en pratique, souvent liées à la complexité des opérations récurrentes des entreprises. Le CCSF et l’ACPR suivent attentivement l’application de ces engagements.
4. Maintien des services bancaires dans les situations économiques difficiles
La continuité des services bancaires est vitale pour les entreprises et professionnels traversant des difficultés.
Continuité des services en cas de surendettement (professionnels)
Bien que le surendettement concerne principalement les particuliers, des situations analogues peuvent toucher les entrepreneurs individuels. L’esprit des normes professionnelles homologuées par l’arrêté du 24 mars 2011 (prévues initialement pour les particuliers à l’article L. 312-1-1 du Code monétaire et financier) incite à garantir :
- Une information claire sur le fonctionnement du compte professionnel.
- Le maintien de la relation bancaire autant que possible.
- Une offre de services adaptée à la situation de fragilité.
- Une éventuelle adaptation du découvert autorisé, en accord avec le client.
Charte d’inclusion bancaire et prévention
La charte d’inclusion bancaire (homologuée par arrêté du 5 novembre 2014), bien que centrée sur les particuliers, contient des principes transposables aux professionnels fragiles : détection précoce des difficultés, accompagnement, formation des conseillers bancaires.
Adaptation du découvert en cas de difficultés
Un engagement pris au sein du CCSF en 2010 concerne l’adaptation du découvert accordé aux clients professionnels lorsque leur situation économique se dégrade. Théoriquement, la banque doit ajuster la ligne de découvert (à la hausse ou à la baisse) en fonction des besoins et capacités réels de l’entreprise.
Cependant, cet engagement reste souvent difficile à faire appliquer en pratique, les banques ayant tendance à réduire ou supprimer les lignes de crédit dès les premiers signes de difficultés, ce qui peut aggraver la situation de l’entreprise. La responsabilité envers les professionnels peut alors être questionnée si ce retrait est jugé abusif.
Naviguer dans ces règles et chartes demande une expertise certaine. Les règles déontologiques forment un ensemble complexe où se mêlent engagements volontaires et obligations réglementaires.
Si vous êtes un professionnel ou représentez une collectivité et que vous rencontrez des difficultés dans votre relation bancaire, ou si vous souhaitez anticiper les risques liés à des opérations financières complexes, l’assistance d’un avocat en droit bancaire des entreprises est recommandée. Notre cabinet peut analyser votre situation au regard de ces règles spécifiques et défendre vos intérêts.
Sources
- Code monétaire et financier, notamment articles L. 312-1-1, L. 312-1-3, L. 312-1-5.
- Loi n° 2013-672 du 26 juillet 2013 de séparation et de régulation des activités bancaires.
- Décret n° 2014-444 du 29 avril 2014 relatif au fonds de soutien aux collectivités territoriales.
- Décret n° 2014-984 du 28 août 2014 relatif à l’encadrement des conditions d’emprunt des collectivités locales.
- Arrêté du 24 mars 2011 homologuant la norme professionnelle sur le maintien des services bancaires.
- Arrêté du 5 novembre 2014 homologuant la charte d’inclusion bancaire et de prévention du surendettement.
- Charte sur l’accès au crédit des entrepreneurs individuels à responsabilité limitée (31 mai 2011).
- Code des relations Banque TPE/PME (FBF, 2006).
- Charte de bonne conduite relative aux opérations de crédit des collectivités locales (Charte Gissler).




