Saisie des droits d’associé et valeurs mobilières : cas complexes et limites de saisissabilité

Table des matières

Engager une procédure de recouvrement conduit souvent à envisager la saisie des actifs du débiteur. Au-delà des biens matériels, le patrimoine d’une personne ou d’une entreprise inclut fréquemment des droits incorporels, dont la valeur peut être considérable. La saisie de ces actifs, notamment les droits d’associé et les valeurs mobilières, est une voie de recours efficace pour un créancier. Toutefois, cette procédure est loin d’être un long fleuve tranquille. Elle se heurte à des exceptions, des vides juridiques et des complexités techniques qui exigent une analyse précise. Comprendre la saisie des droits incorporels dans son ensemble est un prérequis pour aborder ces situations. Cet article se penche sur les cas spécifiques qui posent question, les limites de la saisissabilité et les enjeux pratiques pour le créancier souhaitant sécuriser sa créance. Pour une vision plus générale, il peut être utile de commencer par le fonctionnement général de la saisie des droits d’associé et des valeurs mobilières avant de plonger dans ces cas plus complexes.

Comprendre l’objet de la saisie des droits d’associé et valeurs mobilières

Avant d’explorer les exceptions, il est nécessaire de bien délimiter ce que recouvrent les notions de droits d’associé et de valeurs mobilières. Leur nature juridique distincte influence directement les modalités de leur saisie et les difficultés qui peuvent en découler.

Droits d’associé saisissables et leurs particularités

Les droits d’associé représentent la participation d’une personne, physique ou morale, au capital d’une société. Ils confèrent à leur titulaire des prérogatives politiques (droit de vote aux assemblées générales) et financières (droit aux dividendes). En principe, ces droits, qui constituent un élément du patrimoine du débiteur, sont saisissables. Il peut s’agir de parts sociales de sociétés à responsabilité limitée (SARL), de sociétés en nom collectif (SNC) ou de sociétés civiles. La saisie vise à appréhender la valeur de cette participation pour désintéresser le créancier. La procédure permet soit de provoquer la vente forcée de ces parts, soit d’obtenir leur attribution en paiement. La complexité réside souvent dans l’évaluation de ces droits, surtout quand la société n’est pas cotée, et dans la gestion des clauses d’agrément qui peuvent soumettre l’entrée d’un nouvel associé (l’adjudicataire) à l’accord des autres. Pour en savoir plus sur la saisie des droits d’associé, une lecture détaillée des mécanismes est conseillée.

Valeurs mobilières : notions et spécificités de saisissabilité

Les valeurs mobilières sont des titres financiers qui peuvent être émis par des sociétés par actions (SA, SAS), l’État ou d’autres collectivités. Elles confèrent des droits identiques par catégorie et sont, par nature, négociables. Les actions et les obligations sont les exemples les plus courants. Contrairement aux parts sociales, qui sont souvent nominatives et dont la cession est encadrée, les valeurs mobilières sont généralement dématérialisées et inscrites en compte-titres auprès d’un intermédiaire financier. Leur saisie obéit à une procédure spécifique, la saisie-attribution de créances entre les mains du teneur de compte. Leur liquidité, lorsqu’elles sont cotées sur un marché réglementé, facilite en théorie leur vente. Cependant, la diversification des instruments financiers a fait émerger des produits complexes dont la saisissabilité ou l’évaluation pose de nouvelles questions. Découvrir le mode d’emploi de la saisie des valeurs mobilières permet de mieux cerner ces enjeux procéduraux.

Les cas d’insaisissabilité et les débats juridiques

Le principe de la saisissabilité de tout élément du patrimoine du débiteur connaît des exceptions notables, fondées sur la nature particulière de certains droits. Ces exceptions protègent soit le caractère personnel de l’engagement, soit la structure de certaines professions.

Parts d’industrie : l’exception d’insaisissabilité

Les parts d’industrie constituent une catégorie à part. Elles ne correspondent pas à un apport en numéraire ou en nature, mais rémunèrent un apport en « industrie », c’est-à-dire un savoir-faire, des compétences techniques ou des services. L’article 1843-2 du Code civil les définit comme étant attachées à la personne de l’apporteur. Elles sont incessibles et intransmissibles. Cette caractéristique, dite intuitu personae, fonde leur insaisissabilité. Un créancier ne peut donc pas les faire vendre, car leur valeur est indissociable du travail fourni par le débiteur. Tenter de saisir de telles parts serait vain, la procédure serait systématiquement vouée à l’échec. Il est donc fondamental pour un créancier d’identifier la nature exacte des droits détenus par son débiteur avant d’engager des frais.

Sociétés civiles professionnelles (SCP) : une saisissabilité ambiguë

Les sociétés civiles professionnelles (SCP) sont des structures réservées aux professions libérales réglementées (avocats, médecins, notaires, etc.). La question de la saisie des parts de SCP est délicate et a fait l’objet de vifs débats. D’un côté, ces parts ont une valeur patrimoniale évidente. De l’autre, l’exercice de la profession au sein de la SCP est fortement marqué par l’intuitu personae. L’entrée d’un nouvel associé est soumise à un agrément strict des associés en place, voire des autorités ordinales. La jurisprudence a longtemps hésité. Aujourd’hui, il est admis que les parts de SCP sont saisissables, mais la réalisation de la saisie est complexe. L’adjudicataire (l’acheteur lors de la vente forcée) doit obtenir l’agrément des autres associés. En cas de refus, la société est tenue de racheter les parts ou de les faire racheter par un tiers agréé. Cette procédure protège l’intégrité de la société professionnelle tout en permettant au créancier de recouvrer sa créance, mais elle allonge les délais et introduit des incertitudes.

Sociétés sans personnalité juridique : les incertitudes doctrinales

Certaines formes de sociétés, comme la société en participation (SEP) ou la société créée de fait, sont dépourvues de la personnalité morale. Elles n’ont donc pas de patrimoine propre, distinct de celui de leurs associés. Dans ce contexte, comment saisir les « droits » d’un associé ? La réponse est qu’il n’existe pas de parts sociales ou d’actions à proprement parler. L’associé détient une créance sur les autres associés ou sur les biens indivis acquis pour l’exploitation commune. Le créancier ne peut donc pas utiliser la procédure de saisie des droits d’associé. Il doit se tourner vers d’autres voies, comme la saisie de la créance que son débiteur détient contre les autres participants. La situation est encore plus floue pour les sociétés créées de fait, où l’existence même de la société est une question de preuve. Cette zone grise juridique requiert une analyse approfondie pour déterminer la stratégie de recouvrement la plus adaptée.

Les valeurs mobilières face à des limites de saisissabilité

Si les valeurs mobilières classiques comme les actions sont facilement identifiables, la sophistication des marchés financiers a créé des instruments hybrides dont la saisie soulève des difficultés pratiques ou juridiques.

Organismes de placement collectif en valeurs mobilières (OPVM)

Les parts ou actions d’OPVM, tels que les fonds communs de placement (FCP) ou les sociétés d’investissement à capital variable (SICAV), sont en principe saisissables. Elles représentent une fraction d’un portefeuille de valeurs mobilières et ont une valeur liquidative calculée régulièrement. La saisie s’opère comme pour toute valeur mobilière, par une déclaration auprès de l’établissement qui tient le compte. La difficulté n’est pas tant juridique que pratique. Le créancier doit s’assurer que la valeur de ces parts, qui peut fluctuer quotidiennement, justifie le coût de la procédure. De plus, certaines formes d’OPVM peuvent comporter des clauses limitant le rachat, ce qui pourrait retarder le recouvrement effectif.

Warrants et titres de créances négociables (TCN)

Les warrants sont des options qui donnent le droit d’acheter (call warrant) ou de vendre (put warrant) un actif sous-jacent (une action, une devise, une matière première) à un prix fixé et jusqu’à une date déterminée. Les titres de créances négociables (TCN) sont des instruments de dette à court ou moyen terme émis par les entreprises ou les établissements de crédit. Ces deux catégories d’instruments sont des valeurs mobilières et sont donc saisissables. Cependant, leur nature spéculative et leur durée de vie parfois très courte compliquent la tâche du créancier. La valeur d’un warrant peut devenir nulle si l’option n’est pas exercée à temps ou si le marché évolue défavorablement. La saisie doit donc être menée avec une grande célérité, et le créancier doit être capable d’évaluer le risque de dépréciation rapide de l’actif saisi.

Certificats de valeur garantie (CVG)

Les certificats de valeur garantie sont des titres complexes, souvent émis lors d’opérations de fusion-acquisition, qui garantissent à leur détenteur une valeur minimale pour leurs actions à une échéance future. Ils sont considérés comme des valeurs mobilières et peuvent donc faire l’objet d’une saisie. Leur particularité tient à leur mode d’évaluation. Leur valeur dépend de conditions de marché futures et de formules de calcul parfois opaques. Pour un créancier, saisir un CVG implique non seulement de maîtriser la procédure, mais aussi de se faire assister par des experts financiers pour en déterminer la valeur actuelle et potentielle. Sans cette expertise, il est difficile de savoir si la saisie sera économiquement pertinente.

Enjeux et conséquences pour les créanciers

Naviguer dans les méandres de la saisie des droits d’associé et des valeurs mobilières complexes impose au créancier une approche stratégique et prudente. Les décisions prises en amont déterminent en grande partie le succès de l’opération.

L’importance de l’évaluation préalable des titres

L’un des principaux écueils de ces procédures est l’évaluation des actifs saisis. Si la valeur d’une action cotée est facile à connaître, celle de parts sociales d’une PME familiale ou d’un instrument financier dérivé est une autre affaire. Une évaluation incorrecte peut avoir de lourdes conséquences. Une surévaluation risque de rendre la vente impossible, faute d’acquéreurs, tandis qu’une sous-évaluation peut léser le débiteur et ouvrir la voie à des contentieux en responsabilité. L’évaluation est souvent un point de friction majeur, le débiteur ayant tout intérêt à la minimiser. Le créancier doit donc anticiper ce débat et préparer un dossier solide, en s’appuyant sur des expertises comptables et financières pour objectiver la valeur des droits qu’il entend saisir.

L’accompagnement juridique pour sécuriser la procédure

Face à la diversité des situations et à la technicité des règles applicables, l’intervention d’un avocat devient une nécessité. Son rôle ne se limite pas à rédiger l’acte de saisie. Il intervient bien en amont pour auditer le patrimoine du débiteur et identifier les actifs les plus pertinents à saisir. Il élabore la stratégie de recouvrement en choisissant la procédure la plus adaptée à la nature des droits (parts de SCP, valeurs mobilières complexes, etc.). Durant la procédure, il anticipe les contestations du débiteur, notamment sur la propriété ou l’évaluation des titres, et défend les intérêts du créancier devant le juge de l’exécution. Son expertise est la meilleure garantie pour transformer un droit de créance en un paiement effectif.

La saisie des droits sociaux et des valeurs mobilières est un outil puissant mais qui exige une analyse fine des situations. Les exceptions et les zones d’incertitude peuvent transformer une procédure à première vue simple en un véritable parcours d’obstacles juridiques et financiers. Pour sécuriser vos démarches de recouvrement et obtenir une analyse adaptée à votre situation, prenez contact avec notre cabinet d’avocats.

Sources

  • Code civil
  • Code de commerce
  • Code des procédures civiles d’exécution
  • Code monétaire et financier

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