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Sources de l’obligation de non-concurrence : décryptage des contrats commerciaux

Table des matières

L’obligation de non-concurrence est une notion centrale en droit des affaires, souvent perçue comme un mal nécessaire pour protéger la valeur d’une entreprise ou d’une clientèle. Sa mise en œuvre est cependant loin d’être uniforme. Selon la nature du contrat, elle peut être une évidence imposée par la loi, ou au contraire une construction contractuelle délicate, dont la validité dépend d’une rédaction méticuleuse. Comprendre d’où provient cette obligation est donc la première étape pour en maîtriser les implications. Cet article a pour but de décrypter les différentes sources de l’obligation de non-concurrence dans les principaux contrats commerciaux. Pour une compréhension globale des enjeux, notre guide de référence sur l’obligation de non-concurrence offre une vue d’ensemble.

Obligation de non-concurrence : explicite ou implicite ?

La distinction fondamentale repose sur l’origine de l’interdiction de concurrencer. Soit elle est expressément formulée dans une clause, fruit de la volonté des parties, soit elle est considérée comme inhérente à la nature même du contrat ou à une obligation légale plus large. Cette différence de source a des conséquences directes sur la portée et l’application de l’interdiction.

L’obligation de non-concurrence légale ou implicite : quand s’impose-t-elle ?

Dans certaines situations, la loi ou la jurisprudence considèrent que l’absence d’une interdiction de concurrence viderait le contrat de sa substance. L’obligation de non-concurrence existe alors de plein droit, même sans mention dans l’acte. Le cas le plus emblématique est celui de la cession d’un fonds de commerce. Le vendeur est tenu par une obligation de ne pas chercher à reprendre la clientèle qu’il vient de céder. Cette interdiction est fondée sur la garantie légale d’éviction prévue par le Code civil : le vendeur ne peut pas reprendre ce qu’il a vendu. Une autre illustration se trouve dans le devoir de loyauté qui pèse sur les dirigeants sociaux ou sur un salarié pendant l’exécution de son contrat de travail. Ils ne peuvent, en principe, développer une activité qui concurrencerait directement leur société ou leur employeur.

La clause de non-concurrence volontaire : expression de la liberté contractuelle

En dehors des cas où elle est imposée, l’obligation de non-concurrence doit être expressément stipulée. C’est le domaine des clauses de non-concurrence, que l’on retrouve dans une multitude de contrats : franchisage, cession de droits sociaux, contrat d’agent commercial après sa rupture, etc. Ces clauses sont l’expression de la liberté contractuelle, mais cette liberté n’est pas absolue. La rédaction d’une telle clause est un exercice délicat, car sa validité est soumise à des conditions strictes définies par la jurisprudence, notamment en termes de limitation dans le temps et l’espace, et de proportionnalité aux intérêts légitimes du créancier de l’obligation.

La non-concurrence dans les conventions de capitalisation d’une clientèle

Toute opération visant à transmettre la valeur d’une clientèle, qu’elle soit commerciale ou civile, repose sur l’idée que l’acquéreur doit pouvoir jouir paisiblement de l’élément qu’il a acquis. L’obligation de non-concurrence est ici l’outil juridique qui garantit cette jouissance. Ces opérations, qui sont au cœur de la vie des affaires, sont soumises à des règles spécifiques, comme nous l’analysons dans notre article dédié à la non-concurrence lors de la cession de fonds de commerce et de clientèles.

Cession de fonds de commerce : une obligation de garantie indispensable

Comme évoqué précédemment, la cession d’un fonds de commerce emporte une obligation de non-concurrence de plein droit pour le vendeur. La jurisprudence est constante sur ce point : cette obligation est le prolongement naturel de la garantie d’éviction. Sans elle, le cédant pourrait se réinstaller à proximité et détourner la clientèle, privant ainsi l’acquéreur de l’élément essentiel du fonds qu’il a payé. Même en présence d’une clause de non-concurrence limitée dans le temps et dans l’espace, cette obligation légale de garantie subsiste et peut être invoquée par l’acquéreur si le cédant, même après l’expiration de la clause, se livre à des manœuvres de détournement de clientèle.

La non-concurrence dans les clientèles civiles : un enjeu croissant

Longtemps considérées comme incessibles car attachées à la personne du professionnel, les clientèles civiles (médecins, avocats, experts-comptables) font aujourd’hui l’objet de cessions. Par un arrêt fondateur du 7 novembre 2000, la Cour de cassation a admis la licéité des cessions de clientèles civiles, à condition que la liberté de choix du patient ou du client soit préservée. Cette évolution a logiquement entraîné la reconnaissance d’obligations de non-concurrence. Si, par principe, une clause expresse est requise, la jurisprudence tend à se rapprocher du régime commercial. Pour garantir l’efficacité de la transmission, une obligation de non-rétablissement est souvent considérée comme une condition essentielle de la cession, même si elle n’est pas toujours qualifiée d’obligation implicite de plein droit.

Le bail commercial et l’obligation de non-concurrence du bailleur

Le locataire d’un local commercial (le preneur) peut légitimement craindre que son bailleur n’installe un concurrent direct dans le même immeuble. Cependant, le principe est clair : en l’absence de clause spécifique, le bailleur ne doit aucune obligation de non-concurrence à son locataire. La jurisprudence estime que le bailleur garantit la jouissance paisible des lieux loués, mais pas la réussite commerciale de son preneur. Par conséquent, il conserve la liberté de louer des locaux voisins à un commerce similaire. Pour se prémunir contre ce risque, le preneur doit négocier l’insertion d’une clause d’exclusivité ou de non-concurrence dans son bail. Cette clause interdira alors au bailleur de louer un autre local dans l’immeuble pour une activité concurrente. La violation d’une telle clause engage la responsabilité contractuelle du bailleur.

Contrat de société et cession de droits sociaux : la loyauté des associés et dirigeants

La question de la non-concurrence au sein d’une société est complexe car elle dépend de la qualité de la personne concernée. En principe, un simple associé qui ne détient pas de fonction de direction n’est pas tenu à une obligation de non-concurrence envers sa propre société, sauf si les statuts ou un pacte d’associés le prévoient expressément. Il doit simplement s’abstenir de tout acte de concurrence déloyale. La situation est différente pour les dirigeants sociaux (gérant de SARL, président de SAS, etc.). En vertu de leur mandat et de l’obligation de loyauté qui en découle, ils sont tenus de ne pas exercer une activité concurrente qui nuirait à la société qu’ils dirigent. Cette obligation de loyauté s’éteint toutefois à la fin de leur mandat, sauf clause contraire. Lors d’une cession de droits sociaux (parts ou actions), la garantie légale d’éviction peut, dans certains cas, imposer au cédant une obligation de non-concurrence si son rétablissement dans une activité similaire empêche la société de poursuivre son objet social. Cependant, la solution la plus sûre reste de prévoir une clause de non-concurrence claire et bien délimitée dans l’acte de cession.

Contrats de distribution commerciale : agence, concession, franchisage

Les réseaux de distribution reposent sur une collaboration étroite entre la tête de réseau et ses membres. Cette collaboration justifie des obligations de non-concurrence, tant pendant l’exécution du contrat qu’après sa fin, pour protéger les intérêts du réseau, le savoir-faire transmis et la clientèle développée.

Mandat d’intérêt commun et agent commercial : loyauté et restrictions post-contractuelles

Le contrat d’agent commercial est régi par une obligation de loyauté réciproque, inscrite dans le Code de commerce. L’article L. 134-3 prévoit que l’agent ne peut accepter la représentation d’une entreprise concurrente sans l’accord de son mandant. Cette obligation de non-concurrence s’impose donc de plein droit pendant la durée du contrat. Après la cessation du contrat, le principe est le retour à la liberté. Cependant, l’article L. 134-14 du Code de commerce autorise la stipulation d’une clause de non-concurrence post-contractuelle, à condition qu’elle soit établie par écrit, limitée au secteur géographique et au type de biens du contrat, et d’une durée maximale de deux ans. Cette clause est un enjeu majeur lors de la rupture des relations.

Contrat de concession et de franchisage : savoir-faire et protection du réseau

Dans les contrats de concession et de franchisage, l’obligation de non-concurrence est essentielle pour protéger la marque, le savoir-faire du franchiseur et la cohérence du réseau. Pendant le contrat, le concessionnaire ou le franchisé s’engage généralement à ne pas distribuer de produits concurrents. Après la fin du contrat, les clauses de non-concurrence post-contractuelles sont fréquentes. Elles visent à empêcher l’ancien franchisé d’utiliser le savoir-faire acquis au profit d’un réseau concurrent ou pour son propre compte. La validité de ces clauses est strictement encadrée, notamment par le droit européen des ententes. Elles doivent être indispensables à la protection du savoir-faire, limitées dans le temps (généralement un an) et dans l’espace (souvent les locaux où l’activité était exercée). La loi dite « Macron » du 6 août 2015 a également renforcé l’encadrement de ces clauses pour favoriser la mobilité des distributeurs.

La source de l’obligation de non-concurrence détermine largement sa portée et ses conditions de validité. Qu’elle soit légale ou contractuelle, sa violation peut entraîner des sanctions importantes. Pour sécuriser vos contrats commerciaux et vous prémunir contre les risques de concurrence, un accompagnement expert en droit commercial est une démarche préventive essentielle.

Sources

  • Code de commerce
  • Code civil
  • Loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques

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