Le transport international de marchandises implique souvent l’intervention de nombreux acteurs. Parmi eux, le commissionnaire de transport occupe une place particulière dans l’organisation et la sécurisation des opérations. Son statut juridique, encadré par le droit français, détermine ses droits et ses obligations vis-à-vis des autres intervenants de la chaîne logistique.
Définition et qualification juridique du commissionnaire de transport
Le commissionnaire de transport se distingue des autres intermédiaires par des critères précis établis tant par les textes que par la jurisprudence.
La double définition du commissionnaire de transport
Le droit français propose deux définitions complémentaires du commissionnaire de transport.
Selon le code des transports, est commissionnaire de transport la personne « qui organise, fait exécuter, sous sa responsabilité et en son nom propre, un transport de marchandises, selon le mode de son choix pour le compte d’un commettant ».
La Cour de cassation, quant à elle, définit la commission de transport comme « la convention par laquelle le commissionnaire s’engage envers le commettant à accomplir pour le compte de celui-ci les actes juridiques nécessaires au déplacement d’une marchandise, d’un lieu à l’autre ».
Ces deux approches se rejoignent sur les éléments essentiels : le commissionnaire agit en son nom propre mais pour le compte d’un commettant, et dispose d’une certaine autonomie dans l’organisation du transport.
Les critères déterminants de qualification
Pour être qualifié de commissionnaire de transport, trois conditions cumulatives doivent être réunies :
- Une position d’intermédiaire : le commissionnaire n’effectue pas lui-même le déplacement de la marchandise, mais le confie à des tiers. S’il réalise le transport, il devient transporteur. Toutefois, la jurisprudence admet qu’il puisse exécuter accessoirement une partie du transport sans perdre sa qualité de commissionnaire.
- Une organisation autonome du transport : le commissionnaire doit disposer d’une liberté dans l’organisation du transport « de bout en bout ». Cette autonomie concerne le choix des voies et des moyens. Si l’intermédiaire est contraint par des instructions précises de son donneur d’ordre, il sera plutôt qualifié de mandataire ou transitaire.
- Une action en son nom personnel : le commissionnaire contracte en son nom propre avec les transporteurs, même s’il agit pour le compte de son commettant. Il prend généralement la qualité d’expéditeur sur les documents de transport.
D’autres éléments, comme la rémunération forfaitaire, peuvent constituer des indices supplémentaires, mais ne sont pas déterminants pour la qualification.
La responsabilité du commissionnaire étant bien plus étendue que celle d’un simple mandataire, cette qualification a des conséquences importantes sur le plan juridique. Vous trouverez une analyse détaillée de ce régime de responsabilité dans notre article sur la responsabilité du commissionnaire de transport.
Distinction avec les autres intermédiaires du transport
Le commissionnaire se distingue d’autres professionnels aux fonctions proches :
- Le transitaire : simple mandataire qui exécute les directives précises de son donneur d’ordre sans bénéficier d’autonomie dans l’organisation du transport.
- Le courtier de fret : met en relation un expéditeur et un transporteur sans contracter en son nom propre.
- Le transporteur sous-traitant : effectue lui-même le déplacement de la marchandise, même s’il n’a pas contracté directement avec l’expéditeur.
- Le commissionnaire en douane : intervient spécifiquement pour les formalités douanières, selon un régime juridique distinct.
Il arrive fréquemment qu’une même entreprise cumule plusieurs de ces qualités, ce qui peut complexifier la qualification juridique des contrats conclus. Les tribunaux s’attachent alors à déterminer la nature de la prestation effectivement fournie, au-delà des termes employés par les parties.
Ces distinctions se répercutent également sur les obligations contractuelles de chaque intervenant, comme expliqué en détail dans notre article sur les obligations contractuelles du commissionnaire de transport.
Cadre réglementaire de l’activité
L’exercice de la profession de commissionnaire de transport est encadré par des dispositions réglementaires précises.
Les conditions d’accès à la profession
Pour exercer légalement, le commissionnaire doit satisfaire à plusieurs exigences :
- La capacité professionnelle : elle peut être justifiée par un diplôme de niveau BAC+2 spécialisé en transport ou dans un domaine connexe, la réussite à un examen spécifique, ou une expérience professionnelle significative (cinq années de fonctions de direction ou d’encadrement dans une entreprise de transport).
- L’honorabilité professionnelle : les dirigeants ne doivent pas avoir fait l’objet de condamnations pour certaines infractions listées par le code des transports (infractions au code de la route, au droit du travail, etc.). Une procédure de perte d’honorabilité, pour une durée maximale de trois ans, peut être prononcée par le préfet de région.
Les ressortissants de l’Union européenne et de l’Espace Économique Européen bénéficient des mêmes conditions d’accès à la profession que les Français. Pour les ressortissants d’autres pays, des conditions supplémentaires peuvent s’appliquer selon le principe de réciprocité.
L’inscription au registre des commissionnaires
L’exercice de la profession est conditionné à l’inscription au registre des commissionnaires de transport tenu par les services de l’État compétents en matière de transport dans la région où se situe le siège social de l’entreprise.
Cette inscription est accordée après vérification des conditions d’aptitude professionnelle et d’honorabilité. Elle est personnelle et incessible. En cas de transmission ou de location du fonds de commerce, le bénéficiaire doit demander une nouvelle inscription.
L’exercice sans inscription constitue un délit, puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 € d’amende selon l’article L. 1452-3 du code des transports.
La radiation du registre peut intervenir automatiquement si l’entreprise cesse de remplir les conditions d’inscription ou en cas d’abandon de l’activité pendant plus d’un an. Elle peut également être prononcée, temporairement ou définitivement, en cas de manquements graves aux réglementations du transport ou du travail.
Les obligations documentaires
Le commissionnaire doit respecter plusieurs obligations documentaires :
- Établir les documents de transport avec des informations exactes
- Établir un récépissé pour certaines activités (groupage, bureau de ville, affrètement routier)
- Tenir et conserver un registre des opérations d’affrètement
- Vérifier les documents fournis par le donneur d’ordre
Le non-respect de ces obligations peut entraîner des sanctions, allant de l’amende à l’emprisonnement pour obstruction aux contrôles.
Pour un panorama complet des enjeux liés au droit des transports, vous pouvez consulter notre page dédiée aux services en droit des transports qui présente nos domaines d’intervention.
Le régime juridique applicable au contrat de commission
Le contrat de commission de transport est soumis à un régime juridique spécifique qui varie selon le contexte national ou international.
En droit interne français
Le contrat de commission de transport est régi par plusieurs sources :
- Le code de commerce (articles L. 132-3 à L. 132-9)
- Le code des transports (articles L. 1432-7 à L. 1432-11, complétés par les articles D. 1431-1 à D. 1432-3)
- Le contrat type commission de transport (annexé au code des transports par l’article D. 1432-3)
Ces textes définissent les obligations des parties, l’étendue de la responsabilité du commissionnaire et fixent des plafonds d’indemnisation.
Le contrat type s’applique de plein droit à défaut de convention écrite définissant les rapports entre les parties. Il n’est toutefois pas impératif, et les parties peuvent y déroger par des clauses particulières.
La responsabilité du commissionnaire présente un caractère dual : il répond de ses fautes personnelles mais également du fait de ses substitués (transporteurs et autres intermédiaires auxquels il a recours). Cette responsabilité particulièrement lourde le distingue des autres commissionnaires de droit commun.
Pour une analyse complète du statut, des obligations et de la responsabilité du commissionnaire, vous pouvez consulter notre guide complet sur le commissionnaire de transport.
En droit international
En l’absence de convention internationale spécifique à la commission de transport, la détermination de la loi applicable au contrat international suit les règles de droit international privé.
Le règlement européen « Rome I » (n° 593/2008 du 17 juin 2008) prévoit que le contrat de prestation de services est régi par la loi du pays dans lequel le prestataire a sa résidence habituelle. Pour le contrat de commission de transport, c’est donc en principe la loi du pays du commissionnaire qui s’applique.
Cependant, la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne a précisé que lorsque l’objet principal du contrat consiste dans le transport proprement dit de la marchandise, ce sont les règles applicables au contrat de transport qui peuvent prévaloir.
Cette question peut avoir des conséquences importantes puisque le régime français de la commission de transport, avec sa responsabilité étendue du commissionnaire, n’a pas d’équivalent exact dans les autres droits nationaux. Les intermédiaires similaires en droit étranger (spediteur allemand, forwarding agent anglais, spedizioniere italien) n’ont généralement pas la même responsabilité du fait de leurs substitués.
Il faut distinguer ces intermédiaires selon qu’ils assument ou non les risques du transport. Seuls ceux qui assument ces risques peuvent être assimilés au commissionnaire français, mais même dans ce cas, la garantie automatique du fait des substitués reste une spécificité française.
Pour une entreprise qui souhaite recourir aux services d’un commissionnaire de transport, la connaissance précise de son statut juridique est essentielle pour déterminer l’étendue de ses droits et obligations. Le choix du droit applicable au contrat peut avoir des conséquences significatives en cas de litige.
Vous rencontrez des questions relatives au statut juridique de votre activité de transport ou de commission ? Notre cabinet peut vous accompagner dans la sécurisation de vos opérations et la défense de vos intérêts. Consultez notre page de services en droit des transports pour plus d’informations.
Sources
- Code de commerce, articles L. 132-3 à L. 132-9
- Code des transports, articles L. 1411-1, L. 1432-7 à L. 1432-11, D. 1431-1 à D. 1432-3
- Décret n° 2013-293 du 5 avril 2013 portant approbation du contrat type de commission de transport
- Règlement européen « Rome I » n° 593/2008 du 17 juin 2008
- Jurisprudence de la Cour de cassation et de la CJUE relative au statut du commissionnaire de transport