Les procédures collectives ont longtemps malmené les sûretés. L’ordonnance n° 2021-1193 du 15 septembre 2021 tente de résoudre ce conflit. Elle crée un équilibre entre sauvegarde des entreprises et protection des créanciers. Cette articulation répond aux attentes des praticiens confrontés à des règles contradictoires.
L’articulation repensée entre deux branches du droit
Le droit des sûretés vise l’efficacité des garanties. Le droit des procédures collectives poursuit la sauvegarde des entreprises. Ces objectifs s’opposent souvent.
La loi PACTE du 22 mai 2019 a confié au gouvernement la mission de « simplifier, clarifier et moderniser les règles relatives aux sûretés et aux créanciers titulaires de sûretés dans le livre VI du Code de commerce ».
L’ordonnance n° 2021-1193 maintient ces règles dans le Code de commerce. Elle ajoute cependant des passerelles avec le droit des sûretés. Plusieurs articles du Code civil renvoient désormais aux solutions particulières des procédures collectives.
Le nouveau système uniformise la terminologie. Il utilise la formule « les personnes coobligées ou ayant consenti une sûreté personnelle ou ayant affecté ou cédé un bien en garantie » pour désigner tous les garants.
Le sort des garants en procédure collective
La réforme renforce la protection des garants. Elle étend aux coobligés et tiers constituants de sûretés réelles les mesures favorables aux cautions.
L’article L. 622-26 du Code de commerce modifié par l’ordonnance précise que les créances non déclarées régulièrement sont inopposables aux garants personnes physiques pendant l’exécution du plan et après son exécution.
L’article L. 622-28 permet aux personnes physiques garantes de se prévaloir de l’arrêt du cours des intérêts et de la suspension des poursuites.
L’innovation majeure réside dans l’alignement du redressement judiciaire sur la sauvegarde. L’ordonnance supprime l’alinéa final de l’article L. 631-14 qui excluait l’application de ces mesures de protection aux garants en redressement judiciaire.
L’article L. 622-34 nouveau permet aux garants, « même avant paiement », de « procéder à la déclaration de leur créance pour la sauvegarde de leur recours personnel ». Cette disposition remplace l’ancien recours avant paiement du Code civil.
La réforme clarifie aussi l’effet d’une déclaration irrégulière. L’article L. 622-26 modifié précise que les créances « non déclarées régulièrement dans ces délais, notamment lorsque la déclaration de créance est jugée irrecevable » sont simplement inopposables et non nulles.
Le nouveau classement des créanciers
L’innovation majeure est la création d’un classement général des créances. L’article L. 643-8 organise quinze rangs de priorité.
Ce classement est « sans préjudice du droit de propriété ou de rétention opposable à la procédure collective ». Cette formule confirme la force des droits exclusifs. Il est crucial de noter comment ces règles interagissent avec l’arrêt du cours des intérêts et l’interdiction de nouvelles inscriptions de sûretés, qui affectent directement la validité et le rang de vos garanties.
Les créances garanties par des sûretés immobilières sont classées au sixième rang, « entre elles dans l’ordre prévu au Code civil ». Les nantissements ordinaires apparaissent seulement au treizième rang.
Le privilège du bailleur d’immeuble se trouve limité à six mois de loyers. Il est relégué au treizième rang, avec les nantissements.
La réforme crée un « privilège de l’argent frais » au bénéfice des créanciers apportant des fonds pendant la procédure (article L. 622-17, III, 2°). Ces créances sont placées au neuvième rang, après le privilège de sauvegarde.
L’ordonnance introduit aussi le concept de « classes de parties affectées ». Cette notion, issue de la directive UE 2019/1023, remplace les comités de créanciers. Ces classes sont formées selon des critères objectifs permettant un traitement différencié des créanciers.
Les nullités de la période suspecte repensées
L’article L. 632-1 du Code de commerce sanctionne certains actes accomplis pendant la « période suspecte ». L’ordonnance modifie substantiellement son contenu.
Le 6° vise désormais « toute sûreté réelle conventionnelle ou droit de rétention conventionnel » constitué pour des dettes antérieures. Cette formulation plus large remplace l’ancienne énumération limitée aux hypothèques et nantissements.
Une exception importante est ajoutée: la nullité ne s’applique pas si la sûreté « remplace une sûreté antérieure d’une nature et d’une assiette au moins équivalente ». Cette tolérance codifie une jurisprudence ancienne.
L’ordonnance ajoute un 7° qui frappe de nullité « toute hypothèque légale attachée aux jugements de condamnation » inscrite pour dettes antérieures.
Un autre ajout majeur est l’interdiction de « tout accroissement de l’assiette d’une sûreté réelle conventionnelle sur les biens du débiteur pour dettes antérieurement contractées ».
L’article L. 622-21 modifié interdit « tout accroissement de l’assiette d’une sûreté réelle conventionnelle ou d’un droit de rétention conventionnel, quelle qu’en soit la modalité, par ajout ou complément de biens ou de droits ».
Les sûretés résilientes en procédure collective
Certaines sûretés résistent mieux que d’autres aux procédures collectives. La propriété-sûreté (fiducie, réserve de propriété) et le droit de rétention offrent une protection maximale.
L’article L. 624-9 du Code de commerce consacre le droit de revendication du propriétaire. Il concerne tant la réserve de propriété que la fiducie-sûreté.
Le droit de rétention confère un pouvoir de blocage redoutable. L’article L. 642-20-1 précise que le juge-commissaire peut autoriser la vente du bien retenu par le créancier, mais le droit de rétention se reporte sur le prix.
En cas de plan de cession, l’article L. 642-12 modifié libère le débiteur des échéances du crédit cédé au repreneur. Cette libération bénéficie également à la caution, contrairement au tiers constituant d’une sûreté réelle.
Pour les créanciers, la leçon est claire: privilégier les sûretés fondées sur la propriété ou le droit de rétention. Les garanties traditionnelles (hypothèques, nantissements) offrent une protection moindre.
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Sources
- Ordonnance n° 2021-1193 du 15 septembre 2021
- Code de commerce, Livre VI (articles L. 610-1 à L. 680-7)
- Directive UE 2019/1023 du Parlement européen (directive « restructuration et insolvabilité »)