mountains, sunset, storm, weather, clouds, ray, darling, rain, lighting, nature, landscape

Utiliser et défendre sa marque : droits, obligations et risques

Table des matières

Félicitations, votre marque est enregistrée ! C’est une étape majeure qui sécurise un actif essentiel de votre entreprise. Cependant, le certificat d’enregistrement n’est pas un trophée à simplement encadrer et oublier. Posséder une marque implique des responsabilités actives pour maintenir sa force juridique et sa valeur commerciale. Le véritable travail commence maintenant : il faut l’utiliser correctement, veiller à ce qu’elle conserve son pouvoir distinctif et la défendre contre les atteintes potentielles. Négliger ces aspects peut conduire à la perte pure et simple de vos droits. Explorons ensemble ces obligations et les stratégies de défense.

L’obligation d’usage sérieux : une condition vitale pour votre marque

Un principe fondamental régit la vie d’une marque enregistrée : elle doit être utilisée. Le droit n’aime pas les monopoles inexploités. L’idée derrière cette exigence, posée par l’article L.714-5 du Code de la propriété intellectuelle (CPI), est d’éviter que le registre des marques ne soit encombré par des signes non utilisés qui bloqueraient inutilement de nouvelles créations. On parle d’obligation d’usage sérieux.

Mais qu’entend-on exactement par « usage sérieux » ? Il ne s’agit pas d’une utilisation symbolique ou purement interne à l’entreprise. La loi et la jurisprudence sont claires : l’usage doit être réel et effectif sur le marché, pour les produits ou services précisément désignés lors de l’enregistrement. Il doit être conforme à la fonction essentielle de la marque, c’est-à-dire garantir l’identité d’origine des produits ou services aux yeux des consommateurs. Concrètement, cela se traduit par :

  • L’apposition de la marque sur les produits eux-mêmes ou leur conditionnement.
  • Son utilisation dans les documents commerciaux liés à la vente (factures, bons de commande, catalogues visant la clientèle).
  • Sa présence dans les publicités et supports promotionnels destinés aux consommateurs pour les produits/services concernés.
  • Son exploitation via un site internet marchand où les produits/services sous la marque sont effectivement proposés à la vente.

L’usage fait par un tiers avec votre consentement, typiquement un licencié, est également considéré comme un usage valable pour le maintien de vos droits. En revanche, un usage purement interne, sur des documents administratifs, ou une présence anecdotique sur quelques objets publicitaires sans lien direct avec une commercialisation effective ne suffiraient généralement pas. L’appréciation se fait au cas par cas, mais l’idée est de démontrer une volonté réelle de conquérir ou maintenir une part de marché sous cette marque.

Le couperet tombe après une période ininterrompue de cinq ans de non-usage sérieux, calculée en général à partir de la date d’enregistrement de la marque. Si, pendant cinq années consécutives, vous n’avez pas exploité sérieusement votre marque pour tout ou partie des produits ou services visés, n’importe quel tiers intéressé (un concurrent, par exemple) peut demander en justice ou auprès de l’INPI la déchéance de vos droits pour cette partie non exploitée. Vous perdriez alors votre monopole sur la marque pour les activités concernées. Imaginez perdre la protection de votre nom après des années, simplement par manque d’exploitation prouvable !

Il existe bien des « justes motifs » de non-usage qui peuvent excuser une absence d’exploitation (par exemple, une interdiction réglementaire temporaire de commercialiser le produit). Cependant, ces motifs sont interprétés strictement et ne couvrent pas les simples difficultés commerciales ou un manque de succès. La règle est donc claire : une marque doit vivre sur le marché pour conserver sa force juridique.

Maintenir le caractère distinctif de votre marque au fil du temps

Au-delà de l’usage, un autre défi guette les marques, surtout celles qui connaissent un grand succès : le risque de dégénérescence. C’est le phénomène insidieux par lequel une marque, à force d’être utilisée comme le nom même du produit ou service qu’elle désigne, perd son caractère distinctif et devient un terme générique dans l’esprit du public. Pensez à « Frigidaire », « Kleenex », « Caddie », « Sopalin », « Scotch »… toutes étaient à l’origine des marques déposées !

Lorsque cela se produit, la marque ne remplit plus sa fonction première d’indicateur d’origine. Le terme devient synonyme du produit lui-même, quelle que soit l’entreprise qui le fabrique. La conséquence juridique peut être redoutable : la déchéance pour dégénérescence (article L.714-6 du CPI), entraînant la perte du droit exclusif sur le signe, qui tombe alors dans le domaine public pour désigner ce type de produit.

Comment cela arrive-t-il ? Souvent par la combinaison du succès populaire et de la passivité du titulaire de la marque. Si vous laissez les médias, vos concurrents, et même vos propres équipes marketing utiliser votre marque comme un nom commun sans réagir, vous contribuez à sa banalisation.

Pour éviter ce piège mortel pour votre actif immatériel, une vigilance active est indispensable :

  • Surveillez l’usage de votre marque : Par les tiers (presse, concurrents, distributeurs) mais aussi en interne. Corrigez systématiquement les usages incorrects.
  • Utilisez correctement votre marque : Employez-la comme un adjectif qui qualifie un produit générique (« un réfrigérateur de marque X », pas « un X »), et non comme un nom. Utilisez les symboles ® (pour marque enregistrée) ou ™ (pour marque non enregistrée ou en cours de dépôt) pour rappeler son statut.
  • Éduquez votre environnement : Informez vos partenaires, la presse, et le public que votre terme est une marque déposée et non un nom commun.
  • Demandez des rectifications : Si votre marque est utilisée comme terme générique dans un dictionnaire ou une encyclopédie, l’article L.713-3-4 du CPI vous donne le droit d’exiger une mention indiquant qu’il s’agit d’une marque enregistrée.
  • Agissez juridiquement contre les usages manifestement génériques par des concurrents qui pourraient affaiblir votre marque.

Un autre risque, plus rare, est que la marque devienne déceptive avec le temps. Si, par exemple, votre marque évoque une caractéristique (une provenance géographique, un ingrédient clé) qui n’est plus vraie pour le produit tel qu’il est commercialisé, elle pourrait être considérée comme trompeuse et encourir également la déchéance.

Défendre sa marque contre les atteintes

Posséder un droit de propriété sur une marque vous donne le pouvoir d’agir contre ceux qui l’utiliseraient sans votre autorisation. C’est l’enjeu de la défense contre la contrefaçon.

La contrefaçon de marque, définie aux articles L.713-2 et L.713-3 du CPI, recouvre plusieurs situations :

  • La reproduction à l’identique de votre marque pour des produits ou services identiques à ceux que vous avez enregistrés. C’est le cas le plus simple.
  • L’imitation de votre marque (usage d’un signe similaire) pour des produits ou services identiques ou similaires, si cela crée un risque de confusion dans l’esprit du public. C’est le cas le plus fréquent et le plus complexe à évaluer.  
  • L’apposition de la marque contrefaisante sur des produits ou leur conditionnement.
  • L’offre, la vente, la détention en vue de la vente, l’importation ou l’exportation de produits sous marque contrefaisante.
  • L’usage du signe dans la vie des affaires, y compris comme nom de société ou dans la publicité, s’il crée un risque de confusion.

Le risque de confusion est donc le critère central lorsque les signes ou les produits/services ne sont pas strictement identiques. Comment l’apprécie-t-on ? Il faut se placer du point de vue du consommateur moyen, normalement attentif. Le juge va comparer globalement les signes (ressemblances visuelles, phonétiques, intellectuelles), la similarité des produits/services, et tiendra compte de la notoriété de la marque antérieure. Si le consommateur risque d’être trompé sur l’origine des produits, ou de croire qu’il existe un lien économique entre les deux entreprises, la contrefaçon par imitation peut être retenue. Par exemple, utiliser « COCA-KOLA » pour une boisson gazeuse créerait un risque de confusion évident avec « COCA-COLA ».

Mais vos droits ne s’exercent pas automatiquement. C’est à vous, titulaire de la marque, d’être vigilant et de surveiller le marché pour détecter les usages potentiellement contrefaisants. Cela inclut la surveillance des dépôts de nouvelles marques par des tiers, des noms de domaine, des réseaux sociaux, des places de marché en ligne, des salons professionnels… Des outils et services de veille existent pour vous y aider.

Comment réagir en cas d’atteinte soupçonnée ?

Vous suspectez qu’un tiers utilise votre marque sans autorisation ? Il est essentiel de réagir de manière réfléchie et stratégique.

  1. Rassemblez les preuves : Avant toute chose, documentez l’atteinte. Conservez des preuves de l’usage contesté (captures d’écran datées, achats de produits tests, photos, catalogues, publicités…).
  2. Analysez la situation : S’agit-il bien d’une contrefaçon au sens juridique ? Y a-t-il un risque de confusion avéré ? L’usage est-il réellement dommageable ? L’aide d’un avocat est souvent précieuse à ce stade pour évaluer la solidité de votre position.
  3. La mise en demeure : Dans de nombreux cas, une lettre de mise en demeure argumentée, envoyée par avocat, suffit à faire cesser l’atteinte. C’est une démarche amiable qui peut éviter une procédure judiciaire longue et coûteuse. Elle montre votre détermination à défendre vos droits.
  4. La saisie-contrefaçon : Si vous envisagez une action en justice et que vous manquez de preuves sur l’étendue de la contrefaçon (quantités vendues, origine des produits…), vous pouvez demander au juge d’autoriser une saisie-contrefaçon (article L.716-7 du CPI). C’est une procédure surprise, menée par huissier, qui permet de pénétrer dans les locaux du contrefacteur présumé pour constater les faits et saisir des documents ou échantillons. C’est un outil très efficace mais technique.
  5. L’action en contrefaçon : Si la voie amiable échoue, l’action en justice devant le tribunal judiciaire compétent (des tribunaux spécialisés existent en France) est la solution. L’objectif sera d’obtenir du juge :
    • L’interdiction de poursuivre les actes de contrefaçon, souvent sous astreinte (pénalité financière par jour de retard).
    • La destruction des produits contrefaisants.
    • L’allocation de dommages-intérêts pour réparer le préjudice subi (perte de chiffre d’affaires, atteinte à l’image de marque, bénéfices réalisés par le contrefacteur…).
    • La publication du jugement.

Il existe aussi une voie pénale pour les cas de contrefaçon les plus graves, mais l’action civile est la plus couramment utilisée par les entreprises.

La défense de votre marque est un processus continu qui nécessite vigilance et réactivité. Une stratégie bien définie, alliant surveillance et actions graduées, est le meilleur moyen de préserver la valeur et l’intégrité de votre marque, et d’en optimiser la valorisation.

Votre marque est-elle correctement exploitée et défendue ? Une utilisation ou une surveillance inadéquate peut coûter cher en perte de droits ou en litiges. Contactez notre cabinet pour un audit de vos pratiques et pour définir ensemble une stratégie de défense efficace et proportionnée.

Sources

  • Code de la Propriété Intellectuelle (CPI), notamment articles L.713-2, L.713-3, L.714-5, L.714-6, L.716-1, L.716-4, L.716-4-2, L.716-7, L.713-3-4.
  • Règlement (UE) 2017/1001 sur la marque de l’Union européenne, notamment Articles 9, 18, 51.

Vous souhaitez échanger ?

Notre équipe est à votre disposition et s’engage à vous répondre sous 24 à 48 heures.

07 45 89 90 90

Vous êtes avocat ?

Consultez notre offre éditoriale dédiée.

Dossiers

> La pratique de la saisie immobilière> Les axes de défense en matière de saisie immobilière

Formations professionnelles

> Catalogue> Programme

Poursuivre la lecture

fr_FRFR