Dans un monde économique où les actifs financiers prennent une place prépondérante, les créanciers doivent adapter leurs stratégies de recouvrement. Les actions, parts sociales et autres instruments financiers représentent souvent une part substantielle du patrimoine des débiteurs. Savoir les saisir peut s’avérer décisif pour garantir le paiement d’une créance.
Le domaine de la saisie conservatoire des valeurs mobilières et droits d’associé
Le Code des procédures civiles d’exécution (CPCE) opère une distinction entre les parts sociales et les valeurs mobilières.
Les parts sociales constituent des fractions du capital social et n’ont pas les caractéristiques des valeurs mobilières. Elles concernent principalement les sociétés de personnes.
Les valeurs mobilières, définies à l’article L.211-2 du Code monétaire et financier, englobent un spectre plus large : actions, SICAV, certificats d’investissement, obligations, titres représentatifs d’emprunts publics, titres participatifs, bons de souscription…
Les « droits d’associé » désignent généralement les parts sociales des sociétés de personnes, tandis que les « valeurs mobilières » correspondent aux titres émis par les sociétés de capitaux.
La saisie peut porter sur d’autres droits incorporels non expressément mentionnés dans les textes. La Cour de cassation a précisé que « la licence d’exploitation d’un débit de boissons de 4e catégorie constitue un droit incorporel saisissable » (Cass., avis, 8 févr. 1999, n° 09-80.015).
La mise en œuvre de la saisie
Le destinataire de l’acte de saisie
L’article R.524-1 du CPCE indique que le créancier procède à la saisie en signifiant un acte à l’une des personnes mentionnées aux articles R.232-1 à R.232-4 du même code.
En principe, les droits d’associé et valeurs mobilières sont saisis auprès de la personne morale émettrice. Toutefois, avec la dématérialisation des titres, ce principe connaît des exceptions.
La saisie peut ainsi être effectuée auprès :
- du mandataire de la société tenant les comptes de titres nominatifs
- de l’intermédiaire habilité tenant les comptes de titres au porteur
- de l’intermédiaire gérant à la fois des titres au porteur et des titres nominatifs
- de l’intermédiaire chargé d’administrer le compte de valeurs nominatives
La société émettrice doit informer l’huissier du nom du mandataire ou de l’intermédiaire qui tient ses comptes si la saisie ne peut pas être pratiquée directement auprès d’elle.
Le contenu de l’acte de saisie
À peine de nullité, l’acte de saisie doit comporter les mentions prévues à l’article R.524-1 du CPCE :
- l’identité du débiteur
- l’indication du titre ou de l’autorisation du juge
- le décompte des sommes pour lesquelles la saisie est pratiquée
- l’indication que la saisie rend indisponibles les droits pécuniaires attachés à l’intégralité des parts ou valeurs
- une sommation de faire connaître l’existence d’éventuels nantissements ou saisies
Contrairement à la saisie de créances, le tiers saisi qui ne répond pas à cette sommation ne peut être condamné qu’à des dommages-intérêts, et non à garantir les causes de la saisie (Civ. 2e, 3 mai 2001, n° 99-18.672).
La dénonciation au débiteur
À peine de caducité, la saisie doit être signifiée au débiteur dans les huit jours par acte d’huissier (article R.524-2 du CPCE).
L’acte de dénonciation contient :
- une copie du titre ou de l’autorisation
- une copie du procès-verbal de saisie
- l’information sur le droit du débiteur de demander mainlevée
- la désignation de la juridiction compétente pour les contestations
- la reproduction des articles R.511-1 à R.512-3 du CPCE
Les effets de la saisie
L’indisponibilité des droits pécuniaires
L’acte de saisie rend indisponibles les droits pécuniaires du débiteur (article R.524-3 renvoyant à l’article R.232-8 du CPCE).
Cette indisponibilité porte sur l’intégralité des valeurs inscrites au nom du débiteur. Elle est totale et non limitée au montant de la créance du saisissant, ce qui constitue une différence majeure avec la saisie conservatoire de créances.
La Cour de cassation a précisé que « les bénéfices distribuables attachés aux parts saisies sont des droits pécuniaires du débiteur et sont par conséquent englobés dans la saisie conservatoire » (Civ. 2e, 21 juin 2007, n° 06-13.386).
Le maintien des droits politiques
Seuls les droits patrimoniaux sont affectés par la saisie, pas les droits politiques. Le débiteur conserve donc son droit de vote et peut participer aux assemblées générales.
En revanche, il perd le droit de céder, de nantir ou de gager ses droits, ainsi que celui d’en toucher les dividendes.
La conversion en saisie-vente
Lorsque le créancier obtient un titre exécutoire, il peut convertir la saisie conservatoire en saisie-vente par la signification d’un acte de conversion au débiteur.
Cet acte doit contenir, à peine de nullité (article R.524-4 du CPCE) :
- la référence au procès-verbal de saisie
- l’énonciation du titre exécutoire
- le décompte des sommes dues
- un commandement de payer sous peine de vente forcée
- l’information sur le délai d’un mois pour procéder à la vente amiable
- les modalités spécifiques pour les valeurs cotées
Une copie de l’acte de conversion doit être signifiée au tiers saisi (article R.524-5).
La vente amiable
Le débiteur dispose d’un délai d’un mois pour procéder à la vente amiable des titres saisis.
Pour les valeurs non cotées, il doit informer l’huissier des propositions reçues. L’huissier les communique au créancier saisissant et aux créanciers opposants, qui ont 15 jours pour prendre position. Leur silence vaut acceptation.
Pour les valeurs cotées, le débiteur peut donner au tiers saisi l’ordre de vendre les valeurs. Le produit de la vente reste indisponible et affecté au paiement du créancier.
La vente forcée
À défaut de vente amiable dans le délai imparti, le créancier peut procéder à la vente forcée.
Pour les valeurs cotées, il demande à la société de bourse de procéder à la vente en présentant un certificat attestant l’absence de contestation ou le jugement de rejet.
Pour les valeurs non cotées, des modalités particulières sont prévues concernant la rédaction et la notification du cahier des charges, ainsi que les formalités de publicité.
Sources
- Code des procédures civiles d’exécution, articles L.521-1, L.531-1, R.524-1 à R.524-6
- Code monétaire et financier, article L.211-2
- Cour de cassation, avis du 8 février 1999, n° 09-80.015
- Cour de cassation, 2e chambre civile, 3 mai 2001, n° 99-18.672
- Cour de cassation, 2e chambre civile, 21 juin 2007, n° 06-13.386
- PIÉDELIÈVRE Stéphane et GUERCHOUN Frédéric, « Saisies et mesures conservatoires », Répertoire de procédure civile, Dalloz, juin 2021