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Vente à réméré : applications pratiques et risques de requalification

Table des matières

Outil juridique ancien, la vente à réméré connaît des applications surprenantes et sophistiquées dans le monde financier contemporain. Initialement conçue pour des opérations immobilières, elle a été redécouverte par les marchés de capitaux pour sa flexibilité. Ce mécanisme permet un transfert temporaire de propriété de titres, offrant des solutions de financement, de placement ou de gestion d’actifs. Cependant, sa nature ambiguë, à mi-chemin entre une vente définitive et un prêt garanti, expose les parties à des risques juridiques importants. Pour une compréhension approfondie de la vente à réméré, consultez notre guide complet qui couvre tous les aspects de l’opération.

Les diverses utilisations de la vente à réméré dans la pratique financière

Bien que son usage ait diminué au profit d’instruments plus standardisés comme la pension, le réméré conserve une pertinence pour des opérations spécifiques où sa structure unique apporte une solution adaptée.

Le réméré comme instrument de placement ou de financement

L’une des applications les plus courantes de la vente à réméré de titres est la gestion de trésorerie. L’opération permet à un vendeur, souvent un établissement bancaire ou un investisseur institutionnel, de se procurer des liquidités en cédant temporairement une partie de son portefeuille de titres. Il obtient ainsi un financement à un taux généralement avantageux, car l’opération est garantie par les titres transférés.

Pour l’acheteur, qui peut être un organisme de placement collectif (OPCVM) ou une entreprise gérant ses excédents de liquidités, l’opération s’apparente à un placement à court terme. Il acquiert des titres en pleine propriété tout en bénéficiant d’une rémunération, matérialisée par la différence entre le prix d’achat et le prix de rachat. Cette structure était particulièrement prisée par les OPCVM monétaires, dits « de réméré », qui pouvaient ainsi détenir des titres en respectant leur réglementation tout en offrant un rendement stable à leurs souscripteurs.

La vente à réméré dans le cadre des opérations de prêt de titres

La vente à réméré peut également fonctionner comme une alternative au prêt de titres. Dans ce cas, l’objectif principal n’est pas la trésorerie mais la mise à disposition temporaire des titres eux-mêmes. L’acheteur a besoin de détenir ces titres pour une courte période, par exemple pour couvrir une vente à découvert ou pour réaliser une opération d’arbitrage sur les marchés financiers.

Plutôt que de recourir à un prêt de titres formel, il « achète » les titres à réméré. Il les utilise pour son opération puis, à l’échéance, le vendeur exerce sa faculté de rachat pour récupérer ses actifs. Le prix des titres joue alors le rôle de garantie (collatéral), et la rémunération de l’opération est intégrée dans le différentiel entre le prix de vente et le prix de rachat.

L’application du réméré pour la gestion fiscale

Une utilisation plus technique du réméré concerne les opérations dites « autour du coupon ». Certains titres, notamment des obligations, donnent droit à un crédit d’impôt lors du versement des intérêts. Un détenteur qui ne peut pas imputer ce crédit d’impôt (par exemple, un organisme en déficit fiscal) a intérêt à transférer temporairement la propriété des titres à une autre entité qui, elle, peut en bénéficier.

La vente à réméré est alors conclue juste avant la date de détachement du coupon. L’acheteur perçoit le coupon et le crédit d’impôt associé, puis le vendeur exerce son droit de rachat. Le gain fiscal est partagé entre les deux parties par le biais du prix de rachat convenu, qui est ajusté pour refléter cette optimisation.

Le portage de titres et la couverture de stock-options

Le réméré peut aussi être un outil de portage. Une personne (le donneur d’ordre) souhaite qu’un tiers (le porteur) détienne des titres pour son compte pendant une certaine durée, avant de les lui rétrocéder ou de les céder à un bénéficiaire désigné. La vente à réméré permet de structurer cet engagement, en offrant au donneur d’ordre une faculté de rachat des titres.

De manière similaire, une société qui a émis des stock-options pour ses salariés doit être en mesure de leur livrer les actions correspondantes s’ils exercent leurs options. Pour couvrir ce risque, elle peut céder des actions à un établissement financier via une vente à réméré. Elle s’assure ainsi de pouvoir racheter les titres nécessaires le moment venu, dans la limite de cinq ans prévue par la loi.

Les problèmes juridiques majeurs liés à la pratique du réméré

L’atout principal du réméré, sa souplesse, est aussi la source de ses plus grands risques. L’ambiguïté fondamentale réside dans la nature de la « faculté » de rachat. Juridiquement, il s’agit d’une simple option laissée au vendeur. Économiquement, dans la plupart des opérations financières, les deux parties la considèrent comme une obligation. Cette divergence ouvre la porte à des litiges et des requalifications. Pour comprendre les conditions strictes et les effets complexes du régime juridique du réméré, approfondissez vos connaissances ici.

Le risque de contrepartie : quand la faculté de rachat n’est pas exercée

Le danger le plus direct pour l’acheteur est que le vendeur choisisse de ne pas exercer son droit de rachat. Si, pendant la durée de l’opération, la valeur des titres s’effondre, le vendeur n’a aucun intérêt économique à les racheter au prix convenu. Il préférera abandonner les titres et conserver le produit de la vente initiale. L’acheteur se retrouve alors propriétaire définitif d’actifs fortement dépréciés, subissant une perte sèche.

Ce risque est particulièrement aigu si le vendeur fait l’objet d’une procédure collective. L’administrateur judiciaire, agissant dans l’intérêt des créanciers, n’exercera la faculté de rachat que si elle est profitable pour l’entreprise. L’affaire DG Bank, au début des années 1990, a cruellement illustré ce danger, lorsqu’une banque a refusé de racheter des obligations dépréciées, provoquant des pertes importantes chez ses contreparties.

Le risque de requalification : quand la vente à réméré devient un contrat pignoratif

Si un juge estime que, dans l’intention commune des parties, le rachat n’était pas une simple faculté mais une obligation, il peut décider de requalifier le contrat. La vente à réméré n’est alors plus considérée comme une véritable vente, mais comme un prêt d’argent garanti par un transfert de propriété des titres.

Historiquement, une telle opération était assimilée à un pacte commissoire, c’est-à-dire une clause qui permet au créancier de s’approprier le bien donné en garantie en cas de non-paiement. Or, le pacte commissoire a longtemps été prohibé par le Code civil, ce qui entraînait la nullité de la convention. La conséquence pour l’acheteur était désastreuse : la « vente » étant annulée, il perdait la propriété des titres qui servaient de garantie, tout en n’ayant qu’une simple créance pour le remboursement des fonds prêtés.

L’analyse de la jurisprudence et de la doctrine

Les tribunaux ne s’arrêtent pas à la dénomination du contrat. Pour déterminer la véritable nature de l’opération, ils recherchent souverainement l’intention réelle des parties. Plusieurs indices peuvent les conduire à une requalification : l’existence d’une contre-lettre prévoyant une obligation de rachat, un prix de vente manifestement inférieur à la valeur réelle des titres, ou encore le caractère habituel et répété de ces opérations pour un opérateur. La jurisprudence a longtemps sanctionné ces montages en les requalifiant en contrat pignoratif nul, afin de protéger le « vendeur » (emprunteur) contre une spoliation par son « acheteur » (prêteur).

Atténuer les risques : des arguments en faveur de la licéité et des solutions pratiques

Malgré ces dangers, le risque de requalification ne doit pas être surestimé. Des évolutions législatives et une analyse pragmatique des situations permettent de sécuriser de nombreuses opérations de réméré.

Le domaine limité du risque de requalification

Il est essentiel de rappeler que toutes les ventes à réméré ne dissimulent pas un prêt. Dans de nombreux cas, l’intention des parties est bien de réaliser un transfert de propriété temporaire pour des raisons autres que la constitution d’une sûreté. C’est le cas pour les opérations de prêt de titres ou de gestion fiscale « autour du coupon ». L’objectif est la détention des titres, pas la garantie d’une créance. Dans ces contextes, le risque de requalification en contrat pignoratif est faible, car l’objet même de l’opération est différent.

La portée limitée du risque : l’évolution législative et jurisprudentielle

L’argument le plus fort en faveur de la validité de ces montages est l’évolution du droit des sûretés. La prohibition du pacte commissoire, qui fondait le risque de nullité, a été largement assouplie. Depuis l’ordonnance de 2006, l’article 2348 du Code civil autorise expressément la clause par laquelle un créancier peut s’attribuer le bien nanti en cas de défaillance du débiteur.

Cette validation législative du pacte commissoire rend le risque de nullité d’une vente à réméré, même requalifiée en opération de garantie, quasi inexistant, surtout lorsque l’opération porte sur des instruments financiers. Le législateur a progressivement admis la validité des transferts de propriété à titre de garantie, comme en témoignent les régimes de la pension ou des garanties financières. Cette tendance de fond sécurise indirectement les ventes à réméré utilisées comme instrument de garantie.

Réméré et double vente : implications en cas de requalification

Si le juge écarte la qualification de vente à réméré en raison du caractère obligatoire du rachat, il ne prononcera pas nécessairement la nullité. Il peut plutôt requalifier l’opération en une double vente (une vente au comptant suivie d’une revente à terme) ou en une opération de pension, soumise au régime spécifique du Code monétaire et financier.

Une telle requalification n’est pas neutre. Elle modifie les effets juridiques de l’opération : au lieu d’une résolution rétroactive de la vente initiale, on a deux transferts de propriété distincts. La requalification en pension ou en double vente a des implications juridiques et fiscales non négligeables. Découvrez les stratégies d’optimisation fiscale liées à la vente à réméré et comment elles sont impactées par sa qualification.

La vente à réméré est un instrument puissant mais qui exige une grande prudence. Sa structure hybride peut être source de contentieux si elle n’est pas parfaitement maîtrisée. Une rédaction contractuelle précise et une analyse en amont de l’intention des parties et du but économique de l’opération sont indispensables pour prévenir les risques de requalification. Pour sécuriser vos opérations de vente à réméré et anticiper les risques juridiques, nos avocats experts vous assistent.

Sources

  • Code civil, notamment les articles 1659 à 1673 (régime de la vente avec faculté de rachat) et 2348 (validité du pacte commissoire).
  • Code monétaire et financier, notamment les articles L. 211-27 et suivants (régime de la pension) et L. 211-36 et suivants (dispositions sur les contrats financiers).
  • Code de commerce, notamment l’article L. 225-126 (information sur les transferts temporaires de titres).

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