Vendre aux enchères des récoltes ou des coupes de bois implique une procédure spécifique. L’abrogation de la loi du 5 juin 1851 a modifié ce cadre juridique. Quelles règles s’appliquent aujourd’hui?
Introduction : qualification juridique des récoltes et coupes de bois
Les ventes publiques de récoltes concernent les produits de la terre et les coupes de bois. Le Code civil considère que les récoltes pendantes par racines et les fruits des arbres non recueillis sont des immeubles (article 520 du Code civil). Cette qualification change lorsque les grains sont coupés ou les fruits détachés – ils deviennent alors meubles.
Les bois taillis, futaies et hautes futaies présentent des différences juridiques notables:
- Les bois taillis sont coupés jusqu’à la souche à intervalles réguliers
- Les arbres de futaie ont dépassé trois coupes ordinaires de bois taillis
- Les arbres de haute futaie sont généralement âgés d’au moins 120 ans
Cette distinction détermine la procédure applicable à leur vente aux enchères, tout comme pour d’autres biens mobiliers complexes tels que les bateaux, navires et aéronefs.
Ventes publiques de fruits, récoltes et coupes de bois taillis
Cadre juridique actuel après l’abrogation de la loi du 5 juin 1851
La loi du 5 juin 1851, qui attribuait un caractère mobilier aux ventes de fruits et récoltes pendants par racines et de coupes de bois taillis, a été abrogée par l’article 27-II (3°) de la loi n°2007-1787 du 20 décembre 2007. Cette abrogation a créé un vide comblé par le droit commun des ventes volontaires.
Les ventes publiques volontaires de fruits, récoltes et coupes de bois taillis suivent désormais le régime général des ventes volontaires de meubles. L’article 871 du Code général des impôts précise que les fruits et récoltes ne peuvent être vendus publiquement que par des officiers publics, des courtiers de marchandises assermentés ou des opérateurs de ventes volontaires déclarés.
Procédure et formalités
En matière de vente publique volontaire de fruits et récoltes:
- Il n’existe plus de monopole territorial des commissaires-priseurs
- Les parties choisissent librement leur opérateur de ventes volontaires
- Un procès-verbal détaille les modalités d’exécution (époque, moyens d’enlèvement)
- Le transfert de propriété s’opère au moment de la vente
- L’acquéreur doit retirer les récoltes dans le délai convenu, sous peine de résolution de la vente (article 1657 du Code civil)
Les enchères se déroulent selon les règles classiques des ventes volontaires: publicité, mise aux enchères et adjudication au plus offrant. En cas de saisie immobilière ultérieure, une vente antérieure de récoltes reste opposable aux créanciers hypothécaires.
Ventes publiques de coupes de bois de futaie et de haute futaie
Ventes publiques de coupes de bois privées
Les arbres de futaie et haute futaie sont considérés comme des immeubles tant qu’ils n’ont pas été abattus (Civ. 16 déc. 1912, DP 1914.1.115). Leur vente aux enchères n’est donc pas soumise aux règles des ventes publiques mobilières mais relève de la compétence exclusive des notaires.
La procédure classique d’adjudication volontaire comprend:
- La fixation d’une mise à prix (généralement avec décote de 30%)
- L’élaboration d’un cahier des charges détaillé
- Une publicité appropriée
- L’obligation pour les enchérisseurs de consigner environ 20% de la mise à prix
- L’adjudication selon la technique de la vente à la bougie
- La signature du procès-verbal d’adjudication
À noter: l’adjudicataire ne peut invoquer le bénéfice d’aucune condition suspensive d’obtention de prêt.
Ventes publiques de coupes de bois soumises au régime forestier
Les bois et forêts de l’État, des collectivités territoriales et des établissements publics sont soumis au régime forestier (articles L.211-1 et L.214-3 du Code forestier). L’Office National des Forêts (ONF) peut choisir entre trois procédures pour réaliser ces ventes:
- L’adjudication
- L’appel d’offres
- La vente de gré à gré
Le Conseil d’administration de l’ONF adopte les clauses générales des ventes, tandis que ses services déterminent les clauses propres à chaque lot. Les ventes par adjudication doivent être annoncées publiquement au moins quinze jours à l’avance (article R.213-27 du Code forestier).
La capacité financière des enchérisseurs est vérifiée par le bureau d’adjudication, composé du préfet du département, d’un représentant de l’ONF et du comptable chargé du recouvrement. Certains fonctionnaires ne peuvent participer aux enchères, sous peine de nullité de la vente et de sanctions pénales (articles L.213-7 et L.214-9 du Code forestier).
L’adjudication devient définitive dès son prononcé et le procès-verbal constitue un acte authentique à force exécutoire (articles R.213-33 et R.213-34 du Code forestier).
Les ventes publiques de vins
Compétence et procédure
Les ventes aux enchères de bouteilles de vin sont réalisées par des opérateurs de ventes volontaires selon les règles de droit commun. Pour les ventes en gros, les courtiers de marchandises assermentés spécialisés en vins et spiritueux peuvent intervenir dans des conditions encadrées (articles L.131-27 et suivants du Code de commerce).
Depuis la loi n°2011-850 du 20 juillet 2011, le monopole des courtiers a été supprimé pour les ventes volontaires, mais subsiste pour certaines ventes judiciaires ou après liquidation.
La distinction entre ventes au détail et ventes en gros reste pertinente: selon la jurisprudence, une vente en gros concerne des « lots qui ne peuvent être considérés comme tenus à la portée du consommateur » (Req. 17 janv. 1939, S. 1939.1.95). L’article L.321-1 du Code de commerce précise que la vente en gros vise des lots suffisamment importants pour ne pas être accessibles aux consommateurs individuels.
Obligations d’assurance et de cautionnement
Le décret n°2012-120 du 30 janvier 2012 impose aux courtiers de marchandises assermentés des obligations d’assurance et de cautionnement similaires à celles des opérateurs de ventes volontaires (articles R.131-7 à R.131-13 du Code de commerce).
Le montant minimal de la garantie accordée doit correspondre au plus élevé des montants suivants:
- Le chiffre moyen mensuel des ventes
- La moitié du montant maximal des fonds détenus pour compte de tiers
Cette garantie est évolutive: le courtier doit l’adapter annuellement et la réviser en cas de circonstances modifiant l’étendue du risque (article R.131-11 du Code de commerce).
Si vous envisagez une vente aux enchères de récoltes, coupes de bois ou de vins, les règles présentées peuvent sembler complexes. Notre cabinet peut vous accompagner dans le choix de la procédure adaptée et sécuriser juridiquement votre transaction. N’hésitez pas à nous contacter pour une analyse personnalisée de votre situation.
Sources
- Code civil, articles 520, 1657
- Code de commerce, articles L.131-27 et suivants, L.321-1, R.131-7 à R.131-13
- Code forestier, articles L.211-1, L.213-7, L.214-3, L.214-9, R.213-27, R.213-33, R.213-34
- Code général des impôts, article 871
- Loi n°2007-1787 du 20 décembre 2007, article 27-II (3°)
- Loi n°2011-850 du 20 juillet 2011 de libéralisation des ventes volontaires de meubles aux enchères publiques
- Civ. 16 déc. 1912, DP 1914.1.115
- Req. 17 janv. 1939, S. 1939.1.95