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La responsabilité du commissionnaire de transport: étendue et limites

Table des matières

La position du commissionnaire dans la chaîne logistique engendre un régime de responsabilité spécifique. Ce régime conditionne les droits et obligations des parties.

La responsabilité personnelle du commissionnaire

Le commissionnaire engage sa responsabilité personnelle dans diverses situations liées à sa mission.

Fondement et principe de la responsabilité

Les articles L. 132-4 et L. 132-5 du code de commerce établissent la responsabilité personnelle du commissionnaire. Il est « garant » de l’arrivée des marchandises dans le délai fixé, des avaries et des pertes.

Cette responsabilité repose sur une présomption. Le commissionnaire est tenu d’une obligation de résultat. Il doit assurer l’arrivée des marchandises en bon état et dans les délais prévus. La jurisprudence confirme cette position, reprise à l’article 5.1 du contrat type.

Le commissionnaire est présumé responsable dès la constatation d’un dommage. Le commettant n’a pas à prouver une faute. La simple existence du dommage suffit.

Cette responsabilité s’applique aux dommages survenus pendant la durée du contrat, de la prise en charge à la livraison.

Le commissionnaire engage sa responsabilité personnelle dans ces cas précis:

  • Non-respect des instructions
  • Choix d’un transport inadapté
  • Défaut de conseil
  • Incapacité à suivre l’expédition
  • Manquement aux obligations documentaires

Pour une compréhension complète du statut juridique du commissionnaire, consultez notre article sur le statut juridique du commissionnaire de transport.

Les causes d’exonération

L’article L. 132-5 mentionne la force majeure comme cause d’exonération. Le commissionnaire peut aussi invoquer toute cause étrangère non imputable.

Les causes d’exonération reconnues:

  1. La force majeure: caractérisée par l’irrésistibilité, l’imprévisibilité et l’extériorité. L’article 1218 du code civil la définit comme « un événement échappant au contrôle du débiteur, imprévisible et aux effets inévitables ». Exemples: grèves inopinées, guerres, catastrophes naturelles.
  2. Le fait d’un tiers: notamment le fait de l’expéditeur ou du destinataire. Le commissionnaire s’exonère en prouvant que le dommage résulte d’un conditionnement défectueux ou d’instructions erronées.
  3. Le vice propre de la marchandise: quand le dommage provient de la nature même du produit transporté.

Le commissionnaire ne peut s’exonérer en invoquant la faute de ses substitués (transporteurs ou intermédiaires), dont il est garant selon l’article L. 132-6.

Les clauses limitatives de responsabilité

Contrairement à celle du transporteur, la responsabilité personnelle du commissionnaire n’est pas d’ordre public. L’article L. 132-5 autorise le commissionnaire à insérer une « stipulation contraire dans la lettre de voiture ».

Cette disposition permet de limiter sa responsabilité, voire de s’en exonérer. L’article 13.2 du contrat type prévoit des plafonds d’indemnisation:

  • Pertes et avaries: 20 € par kilogramme de marchandise, sans excéder le poids brut en tonnes multiplié par 5 000 €
  • Retard: prix de la prestation de commission

Ces plafonds sont écartés en cas de faute dolosive ou inexcusable.

Beaucoup de commissionnaires élaborent leurs propres conditions générales avec des clauses limitatives. Pour être opposables, ces conditions doivent être connues et acceptées par le commettant.

Les obligations contractuelles du commissionnaire sont détaillées dans notre article sur les obligations contractuelles du commissionnaire de transport.

La responsabilité du fait des substitués

Le commissionnaire répond également des faits de ses substitués.

Principe et fondement

L’article L. 132-6 stipule que « le commissionnaire est garant des faits du commissionnaire intermédiaire auquel il adresse les marchandises ». Cette formulation s’applique à tous les substitués: transporteurs, entrepositaires, manutentionnaires.

Cette responsabilité du fait d’autrui est une spécificité française sans équivalent exact à l’étranger. Elle fait du commissionnaire un garant de l’exécution du transport.

Le fondement de cette responsabilité a fait l’objet de diverses analyses doctrinales. Certains y voient une forme de ducroire, d’autres un cautionnement. La jurisprudence reconnaît l’originalité de ce régime propre au droit français.

Étendue de la garantie

Le commissionnaire répond de tous les dommages causés par ses substitués, dès lors qu’ils engagent leur responsabilité.

Cette garantie s’applique si le commissionnaire a librement choisi ses substitués. Il ne répond pas des intermédiaires imposés par le donneur d’ordre ou les autorités (article 5.6.2 du contrat type).

La responsabilité s’étend aux substitués directs (choisis par lui) et indirects (choisis par un intermédiaire).

Le commissionnaire répond uniquement des dommages survenus pendant la durée du contrat, de la prise en charge à la livraison. Il n’est pas responsable des dommages antérieurs ou postérieurs.

Pour un aperçu complet de la profession, consultez notre guide complet du commissionnaire de transport.

Limites de la garantie

La responsabilité du commissionnaire connaît certaines limites:

  1. Les causes d’exonération des substitués: le commissionnaire peut invoquer les mêmes causes d’exonération que ses substitués. Si le transporteur prouve la force majeure, le fait d’un tiers ou le vice propre, le commissionnaire bénéficie de la même exonération (sauf faute personnelle).
  2. Les limitations légales ou réglementaires: le commissionnaire peut opposer au commettant les limitations reconnues à ses substitués par les conventions internationales (CMR, convention de Montréal, règles de La Haye-Visby) ou par les contrats types en transport interne.
  3. Les fins de non-recevoir et prescriptions: le commissionnaire peut invoquer la forclusion ou la prescription acquise à ses substitués, notamment l’absence de réserves à la livraison ou l’expiration des délais de réclamation.

Ces limites ne s’appliquent pas en cas de faute intentionnelle ou inexcusable des substitués, qui les prive du bénéfice des limitations.

Notre équipe d’avocats propose une expertise complète en la matière, comme détaillé sur notre page services en droit des transports.

Le régime des actions

Le régime de responsabilité s’accompagne de règles procédurales spécifiques.

Action du commettant

Le commettant dispose d’un droit d’action contre le commissionnaire en vertu de leur contrat. Cette action peut viser la responsabilité personnelle du commissionnaire ou sa responsabilité du fait des substitués.

Ce droit d’action s’étend au destinataire, même s’il n’est pas le commettant initial, dès lors qu’il accepte la livraison.

L’article L. 132-8 ouvre au commettant une action directe contre les substitués, notamment les transporteurs. Cette action est contractuelle, malgré l’absence de contrat direct.

Le commettant peut exercer ces actions cumulativement et mettre en cause in solidum le commissionnaire et ses substitués.

Cette action directe n’est pas admise contre tous les substitués. Elle vise principalement les transporteurs terrestres, mais pas nécessairement les transporteurs maritimes ou aériens, dont les conventions peuvent réserver le droit d’action aux personnes mentionnées sur les documents.

Actions en garantie du commissionnaire

Le commissionnaire qui a indemnisé son commettant dispose d’un recours contre ses substitués responsables.

Ce recours peut être une action principale ou une action en garantie. L’action principale n’est recevable que si le commissionnaire a désintéressé le commettant ou s’y est engagé. L’action en garantie peut être exercée dès l’assignation du commissionnaire.

L’action récursoire doit respecter des délais précis:

  • Un mois à compter de l’assignation pour un transport terrestre interne (article L. 133-6)
  • Trois mois pour un transport maritime
  • Un an pour un transport routier international (CMR)
  • Deux ans pour un transport aérien (convention de Montréal)

Le recours peut se heurter à des obstacles si le droit applicable ne reconnaît pas un droit d’action au commissionnaire.

Recours des substitués contre le commettant

L’article L. 132-8 ouvre une action directe au voiturier contre l’expéditeur et le destinataire, « garants » du paiement du prix du transport.

Cette action permet au transporteur impayé par le commissionnaire de se retourner contre le donneur d’ordre initial, même si celui-ci a déjà payé le commissionnaire défaillant.

L’action est refusée au transporteur substitué si le donneur d’ordre avait interdit toute substitution et que le voiturier le savait ou aurait dû le savoir.

Cette action est spécifique au transport terrestre et ne s’applique pas au transport maritime ou aérien.

Prescription et forclusion

Les actions relatives au contrat de commission sont soumises à des règles de prescription particulières.

L’article L. 133-6, applicable au commissionnaire par renvoi, prévoit une prescription d’un an. Ce délai court à compter de la livraison en cas de perte partielle ou d’avarie, ou de la date prévue de livraison en cas de perte totale ou de retard.

La fin de non-recevoir de l’article L. 133-3, qui sanctionne l’absence de réserves à la livraison, ne s’applique pas directement au commissionnaire pour sa responsabilité personnelle. Elle peut toutefois lui profiter indirectement quand l’action contre le transporteur est éteinte par cette forclusion.

La maîtrise du régime de responsabilité permet aux opérateurs de mieux appréhender les risques liés au transport et de mettre en place des stratégies adaptées. Elle constitue un outil précieux dans la résolution des litiges.

Vous rencontrez un problème de responsabilité en matière de transport? Notre cabinet est à votre disposition pour vous conseiller et défendre vos intérêts.

Sources

  • Code de commerce, articles L. 132-4 à L. 132-8, L. 133-3, L. 133-6
  • Code des transports, articles L. 1432-7 à L. 1432-11
  • Décret n° 2013-293 du 5 avril 2013 portant approbation du contrat type de commission de transport
  • Code civil, article 1218 (définition de la force majeure)
  • Jurisprudence de la Cour de cassation relative à la responsabilité du commissionnaire de transport

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