Personne recevant un acte de saisie-attribution bancaire d'un commissaire de justice. Illustre la justice française.

Saisie-attribution : quels comptes bancaires et instruments financiers sont saisissables ou exclus ?

Table des matières

La saisie-attribution sur un compte bancaire est une procédure d’exécution redoutable pour le débiteur et d’une efficacité remarquable pour le créancier. Elle permet à ce dernier, muni d’un titre exécutoire, de mandater un commissaire de justice pour se faire attribuer immédiatement les sommes d’argent que détient un tiers, le plus souvent une banque, pour le compte de son débiteur. Cependant, tous les avoirs détenus en banque ne sont pas logés à la même enseigne. La complexité des produits financiers et des structures de comptes impose une analyse fine pour délimiter précisément ce qui peut être saisi et ce qui bénéficie d’une protection légale ou contractuelle. Cet article a pour but de clarifier le périmètre des comptes bancaires et des instruments financiers saisissables.

Le cadre juridique général de la saisie-attribution sur comptes bancaires

La saisie-attribution est une mesure d’exécution forcée qui permet à un créancier de recouvrer sa créance en appréhendant les sommes d’argent appartenant à son débiteur mais détenues par un tiers. Avant d’explorer les spécificités de chaque type de compte, il est crucial de maîtriser les principes fondamentaux de la saisie-attribution, son mécanisme précis et le rôle de chaque partie impliquée. La complexité des règles de saisissabilité des différents comptes et l’interaction avec les conventions bancaires rendent souvent indispensable l’assistance d’un avocat spécialisé en voies d’exécution pour sécuriser les droits du créancier ou défendre efficacement le débiteur.

Définition et mécanismes clés de la saisie-attribution

Cette procédure repose sur une relation tripartite entre le créancier saisissant, le débiteur saisi et le tiers saisi (la banque). Pour la mettre en œuvre, le créancier doit détenir un titre exécutoire, c’est-à-dire une décision de justice ou un acte notarié, qui constate une créance liquide (chiffrée) et exigible (arrivée à échéance). La principale caractéristique de la saisie-attribution est son effet attributif immédiat, comme le prévoit l’article L. 211-2 du Code des procédures civiles d’exécution. Dès la signification de l’acte de saisie par le commissaire de justice à la banque, la créance du débiteur sur sa banque, telle qu’elle existe au jour de la saisie, est transférée au créancier saisissant, à concurrence du montant de sa propre créance. L’effet attributif immédiat est d’autant plus puissant qu’il s’inscrit dans une procédure par surprise, la loi autorisant le commissaire de justice à agir sans avertissement préalable pour garantir l’efficacité de la mesure.

L’étendue des comptes bancaires objets de la saisie-attribution

La loi vise spécifiquement les « comptes de dépôt ». Cette notion doit être entendue au sens large. Elle ne se limite pas au simple compte courant ou compte à vue. Sont également concernés les comptes à terme, sur lesquels les fonds sont bloqués pour une durée déterminée, ainsi que les comptes spéciaux comme les comptes d’épargne. L’assiette de la saisie est donc potentiellement très vaste et englobe la quasi-totalité des avoirs liquides qu’un débiteur peut détenir auprès d’un établissement financier, sous réserve de certaines protections spécifiques.

La saisissabilité des comptes bancaires individuels et les insaisissabilités légales

Lorsqu’un compte est détenu par une seule personne, les règles de saisie semblent simples. Pourtant, la nature du compte et surtout l’origine des fonds qu’il abrite peuvent créer des exceptions importantes. La loi a mis en place plusieurs mécanismes pour protéger des sommes jugées indispensables à la subsistance du débiteur.

Comptes de dépôt à vue, à terme et livrets d’épargne : leur statut face à la saisie

Les comptes de dépôt à vue, communément appelés comptes courants, sont la cible principale des saisies-attributions. Les sommes y figurant sont, par nature, disponibles et donc saisissables. Il en va de même pour les comptes à terme ; bien que les fonds soient en principe indisponibles avant l’échéance, la saisie reste possible et produira ses effets au terme du contrat. Concernant les livrets d’épargne réglementée comme le Livret A, le Plan d’Épargne Logement (PEL) ou le Compte Épargne Logement (CEL), ils sont également saisissables. Leur régime particulier, qui peut prévoir des conditions d’indisponibilité, n’empêche pas la mesure d’exécution de s’appliquer, sauf exceptions légales très rares.

Le Solde Bancaire Insaisissable (SBI) : montant et mécanismes de protection

Pour garantir un minimum vital au débiteur, la loi a instauré le Solde Bancaire Insaisissable (SBI). Il s’agit d’une somme qui doit obligatoirement être laissée à la disposition du débiteur personne physique, quel que soit le montant de la dette. Ce montant du SBI est forfaitaire et équivaut au montant du Revenu de Solidarité Active (RSA) pour un allocataire seul. Au 1er avril 2024, ce montant est de 635,71 €. La banque a l’obligation de mettre cette somme à disposition automatiquement, ce qui constitue la protection fondamentale du SBI, sans que le débiteur ait à en faire la demande. Cette protection s’ajoute à l’insaisissabilité de certaines créances spécifiques (prestations familiales, pensions alimentaires, indemnité journalière d’accident du travail, allocation de chômage ou remboursements de frais médicaux) qui, si elles sont versées sur le compte, doivent également être laissées à la disposition du débiteur. Si un débiteur estime que le calcul des sommes insaisissables est incorrect ou que la procédure est irrégulière, il dispose d’un délai d’un mois pour contester une saisie-attribution devant le Juge de l’Exécution, une démarche qui peut engendrer des frais de justice. Il est à noter que cette protection du SBI s’applique également à la saisie administrative à tiers détenteur (SATD), une procédure de droit public utilisée par le Trésor public ou les organismes sociaux pour recouvrer leurs propres créances.

L’insaisissabilité des ouvertures de crédit non utilisées

Une ouverture de crédit en compte courant est une promesse de prêt faite par la banque à son client. Tant que le client n’a pas utilisé cette ligne de crédit, il n’est pas créancier de la banque ; il détient seulement un droit de « tirage ». Par conséquent, la fraction non utilisée d’une ouverture de crédit ne constitue pas une créance existante et disponible dans le patrimoine du débiteur. Elle ne peut donc pas faire l’objet d’une saisie-attribution. Cette insaisissabilité repose sur une distinction juridique fondamentale entre l’obligation de donner une somme d’argent et l’obligation de faire, la banque n’ayant qu’une promesse de prêt.

Comptes titres et valeurs mobilières : un régime de saisie spécifique

Les comptes-titres, qui abritent des valeurs mobilières (actions, obligations, etc.), sont exclus du champ de la saisie-attribution. Ces actifs ne sont pas des créances de sommes d’argent mais des droits d’associés ou des titres de créance négociables. Leur saisie obéit à une procédure distincte, la saisie des droits d’associés et des valeurs mobilières, régie par les articles L. 231-1 et suivants du Code des procédures civiles d’exécution. Ces actifs sont donc soumis à des procédures d’exécution spécifiques qui garantissent les droits des sociétés et des autres associés.

La saisissabilité des comptes collectifs et des fonds professionnels

La situation se complexifie lorsque le compte bancaire est détenu par plusieurs titulaires ou lorsque les fonds appartiennent en réalité à des tiers. La détermination de la propriété des sommes devient alors un enjeu central de la procédure.

Comptes joints : présomption et charge de la preuve en matière de saisie-attribution

Le compte joint, souvent ouvert entre époux ou concubins, est caractérisé par une solidarité active : chaque cotitulaire peut disposer de la totalité des fonds. En cas de saisie pratiquée du chef d’un seul des cotitulaires, la jurisprudence considère que la totalité du solde créditeur est présumée saisissable. Il incombe alors à l’autre cotitulaire, non débiteur, de renverser cette présomption. Il doit prouver que tout ou partie des fonds lui appartient en propre. Le régime matrimonial des époux a une incidence directe : en régime de communauté, les fonds sont réputés communs et donc saisissables pour une dette commune. En revanche, pour une dette contractée par un seul époux sans le consentement de l’autre (un cautionnement par exemple), seuls ses biens propres et ses revenus peuvent être saisis, en application de l’article 1415 du Code civil.

Comptes indivis et démembrement de propriété (usufruit/nue-propriété) : règles spécifiques de saisissabilité

Le compte indivis, contrairement au compte joint, ne bénéficie pas de la solidarité active. Les fonds appartiennent collectivement aux indivisaires et les opérations nécessitent en principe leur accord unanime. La saisie ne peut porter que sur la quote-part du débiteur dans l’indivision. Pour les comptes en démembrement de propriété, il faut distinguer les droits de l’usufruitier et ceux du nu-propriétaire. L’usufruitier, qui a un quasi-usufruit sur les sommes d’argent, peut en disposer, et ses créanciers peuvent donc saisir le solde du compte. Le nu-propriétaire, lui, ne détient qu’une créance de restitution à la fin de l’usufruit, ce qui rend ses droits plus difficilement saisissables par cette voie.

Traitement des fonds professionnels (comptes clients d’avocats, notaires, etc.) détenus par des tiers saisis

Certains professionnels, comme les avocats avec les comptes CARPA (Caisses de Règlements Pécuniaires des Avocats) ou les notaires, détiennent des fonds pour le compte de leurs clients. Ces fonds ne font pas partie de leur patrimoine personnel et ne peuvent couvrir ni leurs dettes ni leurs frais de fonctionnement. Ils sont affectés à une finalité précise et appartiennent en réalité aux clients. Par conséquent, les créanciers personnels de l’avocat ou du notaire ne peuvent pas saisir ces comptes, car les sommes qui y figurent ne constituent pas leur gage.

L’influence des conventions bancaires et des sûretés sur le périmètre de la saisie-attribution

Les contrats signés entre une banque et son client peuvent modifier en profondeur les règles de saisissabilité. Les conventions d’organisation des comptes ou les sûretés consenties par le débiteur peuvent soit étendre, soit restreindre l’assiette des fonds disponibles pour un créancier saisissant.

Conventions d’unité de comptes et de compensation bancaire

La convention d’unité de compte permet de fusionner les soldes de plusieurs comptes ouverts au nom d’un même titulaire. Juridiquement, il n’existe plus qu’un seul compte avec un solde unique. En cas de saisie, c’est ce solde global qui sera pris en compte, même si certains sous-comptes sont créditeurs et d’autres débiteurs. La convention de compensation, quant à elle, autorise la banque à compenser les dettes et créances réciproques qu’elle a avec son client. Son opposabilité à la saisie dépendra notamment des règles relatives à la connexité des créances, surtout si une procédure collective affecte le débiteur.

Nantissement de compte courant et gage-espèces : sécuriser la saisissabilité

Le nantissement de compte et le gage-espèces sont des sûretés qui permettent à un créancier (souvent la banque elle-même) de se garantir sur les avoirs d’un débiteur. Le nantissement porte sur la créance du client contre la banque (le solde créditeur). Le gage-espèces implique un transfert de la propriété d’une somme d’argent à titre de garantie. Ces sûretés, si elles sont valablement constituées et antérieures à la saisie-attribution, confèrent au créancier nanti un droit de préférence qui primera celui du créancier saisissant.

Problématiques modernes : saisie-attribution face aux actifs numériques et aux virements

La dématérialisation croissante des actifs et l’accélération des transactions financières posent de nouveaux défis à la procédure de saisie-attribution, obligeant le droit à s’adapter à des réalités techniques inédites.

Saisie-attribution et cryptomonnaies : les défis de la numérisation

Les crypto-actifs, tels que les cryptomonnaies ou les NFT, sont qualifiés de biens meubles incorporels. À ce titre, ils sont théoriquement saisissables. Cependant, leur saisie effective se heurte à des obstacles pratiques considérables : l’anonymat relatif des détenteurs, la nécessité de maîtriser les clés privées pour accéder aux actifs, et leur forte volatilité. La coopération des plateformes d’échange d’actifs numériques (PSAN) devient alors essentielle pour permettre l’exécution de la mesure. Le cadre juridique, notamment sous l’impulsion du règlement européen MiCA, tend à se structurer pour mieux appréhender ces nouveaux enjeux.

L’insaisissabilité des contrats d’assurance-vie avant leur dénouement

Le contrat d’assurance-vie bénéficie d’un régime protecteur. Tant que le contrat n’est pas dénoué (par le décès de l’assuré ou par un rachat), le souscripteur ne détient qu’une simple faculté de rachat, un droit personnel qui n’est pas une créance actuelle et exigible. Par conséquent, les créanciers du souscripteur ne peuvent pas saisir la valeur de rachat du contrat. Ce n’est qu’au moment du rachat effectif ou du dénouement que les sommes deviennent saisissables. Toutefois, si le contrat lui-même est difficilement saisissable, il peut en revanche faire l’objet d’un instrument de garantie financière volontaire, comme le nantissement, qui organise conventionnellement les droits du créancier.

Saisie-attribution et virements bancaires : l’irrévocabilité des ordres

Un virement ordonné par le débiteur avant la saisie mais exécuté après affecte-t-il le solde saisi ? La Cour de cassation a clarifié ce point dans une décision récente (notamment Cass. Civ. 2e, 24 mars 2022, n° 20-12.241). L’ordre de virement devient irrévocable dès sa date de réception par la banque du donneur d’ordre. Cependant, un tel ordre n’est pas assimilé à un retrait et ne figure pas parmi les opérations pouvant affecter le solde du compte après la saisie. Ainsi, même si l’ordre est antérieur et irrévocable, les fonds correspondants ne sont pas soustraits de l’assiette de la saisie ; ils restent dans le patrimoine du débiteur jusqu’au dénouement effectif de l’opération et sont donc appréhendés par l’effet attributif immédiat au jour de la saisie.

La détermination du périmètre de la saisie-attribution exige une expertise technique approfondie des règles bancaires, des sûretés et des procédures d’exécution. Chaque situation doit être analysée au cas par cas pour identifier les actifs saisissables, optimiser les chances de paiement et faire valoir les protections légales. Si vous êtes confronté à une telle procédure, en tant que créancier ou débiteur, l’assistance d’un avocat spécialisé et l’intervention du commissaire de justice sont indispensables pour défendre efficacement vos droits.

Sources

  • Code des procédures civiles d’exécution
  • Code civil
  • Code monétaire et financier
  • Code de commerce

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