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Contester une saisie-attribution : 5 arguments

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Sous la rédaction de Raphaël MORENON, avocat au barreau de Marseille
Mis à jour le 29 octobre 2023

Pour contester une saisie-attribution, le débiteur doit respecter un formalisme rigoureux, et savoir apprécier les risques auxquels il s’expose. La procédure de saisie attribution permet à un créancier d’être payé par un tiers qui détient de l’argent pour le débiteur.

Elle réserve toujours un effet de surprise au créancier, car elle est pratiquée sans avertissement, et ensuite dénoncée. Lorsqu’il conteste, le débiteur a donc un temps de retard. C’est donc une mesure redoutable, particulièrement lorsqu’elle est pratiquée sur un compte bancaire.

Dans cet article, nous allons rappeler sommairement la procédure applicable, avant d’examiner les arguments à faire valoir.

La saisie attribution et sa dénonce

Le créancier doit tout d’abord procéder à la signification de la saisie attribution au tiers saisi. Un acte de saisie comporte des mentions obligatoires, prévues à peine de nullité. Ces mentions sont listées dans l’article R. 211-1 du code des procédures civiles d’exécution. Elles incluent le titre exécutoire et le décompte des sommes dues.

Le tiers saisi doit immédiatement indiquer à l’huissier de justice s’il détient des fonds pour le compte du débiteur. S’il ne répond pas, le créancier peut demander sa condamnation à payer les sommes dues par le débiteur. S’il répond de façon inexacte ou mensongère, le créancier peut demander sa condamnation à payer des dommages et intérêts.

L’huissier disposera ensuite d’un délai de 8 jours pour dénoncer la saisie-attribution au débiteur. Ce délai est prévu à peine de caducité. Cela signifie que s’il n’est pas respecté, l’acte sera anéanti et perdra tous ses effets.

Une copie du procès-verbal de saisie-attribution sera annexé à l’acte de dénonce. L’ensemble permettra au débiteur d’identifier le titre exécutoire, les sommes dues, et les voies de recours.

Le débiteur, pour exercer ses recours, doit assigner le créancier à comparaître devant le juge de l’exécution. A cette fin, il dispose d’un délai de 1 mois à compter de la réception de la dénonce. L’assignation sera dénoncée le même jour, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, à l’huissier qui a pratiqué la mesure. Celui-ci sera alors informé qu’il ne doit pas demander le déblocage des fonds avant la fin de la procédure.

Les délais de procédure, s’ils expirent lors de jours non ouvrables, sont prorogés au premier jour ouvrable suivant.

Les arguments pour contester une saisie-attribution

Plusieurs arguments peuvent être soulevés par le débiteur pour remettre en cause le bien-fondé de la saisie.

1) Le titre n’est pas exécutoire

Selon l’article L. 111-2 du code des procédures civiles d’exécution, le créancier doit être muni d’un titre exécutoire pour pratiquer une saisie. Un titre est exécutoire lorsqu’il est revêtu de la formule exécutoire. Celle-ci autorise tout huissier de justice à pratiquer des mesures d’exécution forcée. Il peut alors demander le concours des procureurs généraux, des procureurs de la République et des commandants et officiers de la force publique.

L’article L. 111-3 donne la liste des titres exécutoires. Les titres exécutoires les plus courants sont les décisions de justice et les actes authentiques (notariés).

Sauf indication contraire, les décisions de justice rendues en première instance sont exécutoires par défaut. Elles peuvent être mises à exécution même lorsqu’elles sont frappées d’appel. Le premier président de la cour d’appel peut toutefois suspendre l’exécution provisoire (article 514-3 du code de procédure civile).

Les actes authentiques peuvent, à l’instar des décisions de justice, être revêtus de la formule exécutoire. S’ils contiennent toutes les informations nécessaires à l’évaluation de la créance, alors leur recouvrement forcé pourra être poursuivi.

Le débiteur, pour se défendre, peut remettre en cause le caractère exécutoire du titre, au motif que :

  • La décision de première instance n’était pas ou plus assortie de l’exécution provisoire,
  • L’acte était authentique (notarié) mais pas revêtu de la formule exécutoire. C’est possible : les actes comportent souvent une clause autorisant le notaire à délivrer une copie revêtue de la formule exécutoire. Cela signifie, a contrario, que toutes les versions ne sont pas nécessairement revêtues de la formule exécutoire.

2) La prescription du titre exécutoire

L’article L. 111-4 du code des procédures civiles d’exécution dispose que le délai de prescription d’un titre exécutoire est de 10 ans.

Si le titre exécutoire a plus de 10 ans et que la prescription n’a jamais été interrompue, le débiteur peut opposer sa prescription.

La prescription est une fin de non-recevoir. Elle entraîne l’irrecevabilité des demandes du créancier, par application de l’article 122 du code de procédure civile. Le juge de l’exécution devra alors le débouter, et ordonner la mainlevée de la saisie.

3) L’absence de créance liquide

L’évaluation d’une créance est simple lorsqu’elle est constatée par une décision de justice. En effet, lorsqu’une décision condamne une partie à payer une somme d’argent, elle peut également préciser :

  • La date de départ des intérêts et la nature et le taux applicable aux intérêts de retard,
  • L’indice INSEE applicable et son point de départ (ex. le BT01 en matière de construction).

Lorsqu’une créance est ancienne et a fait l’objet de plusieurs paiements partiels, le créancier doit prouver que les sommes qu’il réclame sont exactes. Si les sommes qu’il réclame comportent des intérêts, alors il faudra l’historique de compte. Sans ce document, qui mentionne la date de tous les mouvements financiers, la reconstitution des intérêts est impossible. Sans cette pièce, le caractère liquide de la créance peut généralement être attaqué.

Si la créance est constatée par un acte authentique, alors celui-ci doit décrire les règles de calcul du montant de la créance. Si les indications de l’acte sont incomplètes ou fausses, alors le caractère liquide de la créance pourra à nouveau être attaqué.

La cour de cassation précise que le juge de l’exécution peut être saisi d’une demande de comptes entre les parties. S’il refuse de faire les comptes, il commet un déni de justice (Cass. 2e civ., 15 avr. 2021, n° 20-13.953).

Pour contester la saisie, le débiteur pourra donc exploiter une demande de comptes, pour forcer le créancier à produire l’historique du compte. Sans l’historique de compte, le juge de l’exécution ne pourra que débouter le créancier, car il ne pourra pas faire les comptes.

4) L’absence de créance exigible

La question de l’exigibilité de la créance se pose en matière de crédit à la consommation et de crédit immobilier. En effet, l’établissement de crédit ou la banque qui constate des impayés prononcera la déchéance du terme.

La déchéance du terme entraîne la résiliation du contrat et rend exigibles toutes les échéances futures. Par exemple, le prêt arrive à terme dans 10 mois, et les échéances sont de 1 000 euros. La déchéance du terme entraîne l’exigibilité de la somme de 10 000 euros.

La cour de cassation a néanmoins précisé que la déchéance du terme ne peut, « sauf disposition expresse et non équivoque, être déclarée acquise au créancier sans la délivrance d’une mise en demeure restée sans effet, précisant le délai dont dispose le débiteur pour y faire obstacle » (Cass. 1re civ., 3 juin 2015, n° 14-15.655, Bull. 2015 n° 6, I, n° 131).

Elle a ensuite ajouté que la clause qui prive le débiteur d’un préavis d’un délai raisonnable est abusive (Cass. 1re civ., 22 mars 2023, n° 21-16.044, Publié au bulletin). Elle s’aligne, à cet égard, sur la jurisprudence de la cour de justice de l’Union européenne.

Si le créancier a fixé un préavis trop court avant de prononcer la déchéance du terme, alors celle-ci est irrégulière. Le débiteur pourra donc critiquer la saisie-attribution, au motif que la créance n’était en réalité pas exigible.

5) L’ordre public du droit de la consommation

La cour de justice de l’Union européenne a jugé que le juge de l’exécution doit déclarer d’office les clauses abusives inopposables au débiteur. Elle a ajouté qu’il avait l’obligation de le faire, même lorsque les poursuites étaient engagées sur le fondement d’une décision de justice définitive.

Dans l’univers feutré des avocats et des juges, cette décision est révolutionnaire. On considérait jusqu’à présent qu’une décision définitive ne pouvait plus être remise en cause : elle était revêtue de l’autorité de la chose jugée. Le juge de l’exécution ne pouvait que s’incliner devant l’autorité de la décision exécutée. Le juge de l’exécution peut maintenant déclarer inopposable une clause abusive que le premier juge aurait ratée.

Contester une saisie-attribution : conclusion

Contester une saisie-attribution est un exercice complexe. Cet exercice impose au débiteur de maîtriser parfaitement son environnement législatif, et de savoir apprécier ses chances de succès. L’assistance d’un professionnel du droit est recommandée.

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