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Actifs non financiers : les identifier et les comptabiliser selon les règles

Table des matières

La bonne gestion d’une entreprise repose sur une compréhension claire de ce qu’elle possède. Identifier correctement les biens, les équipements ou les droits qui constituent le patrimoine de votre activité est une première étape fondamentale. Mais comment savoir si un élément doit être considéré comme un véritable « actif » au sens comptable ? Et une fois identifié, comment l’inscrire correctement dans les comptes ? Ces questions ne sont pas anodines, car une mauvaise qualification ou comptabilisation peut fausser l’image financière de votre entreprise et avoir des conséquences fiscales. Le Plan Comptable Général (PCG), qui fixe les règles en France, apporte des réponses précises. Cet article vous éclaire sur la définition d’un actif non financier, les différentes catégories existantes et les critères essentiels pour leur comptabilisation, y compris l’approche plus détaillée par composants.

Qu’est-ce qu’un actif pour le Plan Comptable Général ?

Au cœur de la comptabilité française, la notion d’actif est définie de manière spécifique. Selon l’article 211-1 du PCG, un actif est bien plus qu’une simple possession. Il s’agit d’un élément identifiable du patrimoine ayant une valeur économique positive pour l’entité. Cette définition repose sur trois piliers essentiels qu’il faut bien comprendre.

Premièrement, l’élément doit être identifiable. Cela signifie qu’il peut être distingué des autres éléments que l’entreprise possède ou contrôle. Il peut être séparé ou résulter d’un droit spécifique.

Deuxièmement, l’entité doit contrôler cet élément. Ce contrôle découle généralement d’événements passés, comme un achat ou une création. Le contrôle implique que l’entreprise a la capacité d’obtenir les avantages économiques futurs liés à cet élément et de restreindre l’accès des tiers à ces avantages. Il ne s’agit pas nécessairement de propriété juridique, même si c’est souvent le cas.

Troisièmement, et c’est sans doute le point le plus important, l’entité doit attendre de cet élément des avantages économiques futurs. Qu’entend-on par là ? Il s’agit du potentiel qu’a l’actif de contribuer, directement ou indirectement, à générer des flux de trésorerie pour l’entreprise. Pensez à une machine qui fabrique des produits destinés à la vente, ou à un brevet qui permet de commercialiser une innovation.

Pour les structures comme les associations ou certaines entités du secteur public, la notion d’avantages économiques futurs est élargie. On parle alors de potentiel de services attendus. L’actif contribue à la mission ou à l’objet social de l’entité, même s’il ne génère pas directement de trésorerie. Le PCG précise ces adaptations pour tenir compte de leurs spécificités.

Retenir cette définition est fondamental : un élément n’est inscrit à l’actif que s’il remplit ces trois conditions cumulatives. Une dépense ne devient pas automatiquement un actif.

Les principales catégories d’actifs non financiers

Le terme « actifs non financiers » recouvre plusieurs réalités bien distinctes dans les comptes d’une entreprise. Le PCG les classe en grandes catégories pour mieux refléter leur nature et leur rôle.

Les immobilisations corporelles sont sans doute les plus faciles à visualiser. L’article 211-6 du PCG les définit comme des actifs physiques détenus pour être utilisés durablement dans l’activité : production, fourniture de services, location à des tiers ou gestion interne. Il s’agit par exemple des terrains, des bâtiments, des machines, du matériel de transport, du mobilier de bureau. La caractéristique clé est l’intention de les utiliser au-delà de l’exercice en cours.

Viennent ensuite les immobilisations incorporelles. Comme leur nom l’indique, ce sont des actifs non monétaires qui n’ont pas de substance physique (PCG, art. 211-5). Pour être une immobilisation incorporelle, l’élément doit non seulement répondre à la définition générale de l’actif mais aussi être identifiable. Le critère d’identifiabilité est ici essentiel : l’actif incorporel doit être soit séparable (pouvoir être vendu, loué, transféré isolément), soit résulter d’un droit légal ou contractuel (comme un brevet, une licence, une marque acquise). Des éléments comme un fonds commercial acquis lors du rachat d’une entreprise, des brevets, des licences de logiciels, ou encore des marques achetées entrent dans cette catégorie. Attention, tout ce qui est immatériel n’est pas une immobilisation incorporelle. Un savoir-faire interne non protégé par un droit, ou un portefeuille de clients fidélisés par la qualité du service mais sans contrat spécifique, ne sont généralement pas considérés comme des actifs identifiables et contrôlables au sens comptable, même s’ils ont une grande valeur économique pour l’entreprise.

La troisième grande catégorie concerne les stocks. Un stock est un actif détenu pour être vendu dans le cours normal de l’activité (marchandises, produits finis), en cours de production pour une telle vente (produits en cours), ou destiné à être consommé dans le processus de production ou de prestation de services (matières premières, fournitures). C’est ce que définit l’article 211-7 du PCG. La distinction avec les immobilisations tient à la destination : le stock a vocation à être vendu ou consommé rapidement, tandis que l’immobilisation est utilisée durablement.

Enfin, il y a les charges constatées d’avance (CCA). Définies à l’article 211-8 du PCG, ce sont des actifs un peu particuliers. Ils correspondent à des achats de biens ou de services dont la fourniture ou la prestation interviendra ultérieurement. Payer une prime d’assurance annuelle en début d’année civile crée une CCA pour la partie de la prime couvrant les mois de l’exercice suivant. C’est une créance en nature sur le fournisseur.

Il faut aussi mentionner que certains éléments, ne correspondant pas strictement à la définition d’un actif (notamment le critère d’avantages économiques futurs directs), sont néanmoins inscrits à l’actif par obligation légale ou par option permise par les textes. C’est le cas, en France, des écarts de conversion actif sur les dettes en devises (liés aux pertes latentes, avec une provision en contrepartie) ou de certains frais comme les frais d’augmentation de capital ou de fusion, pour lesquels une inscription à l’actif (en « frais d’établissement ») est une option, bien que la méthode préférentielle soit l’imputation sur la prime d’émission ou la comptabilisation en charges.

Les conditions pour inscrire un élément à l’actif

Savoir ce qu’est un actif et connaître les catégories ne suffit pas. Encore faut-il savoir quand, concrètement, on peut ou doit inscrire un élément au bilan. Le PCG pose deux conditions générales cumulatives, définies à l’article 212-1.

La première condition est la probabilité que l’entité bénéficie des avantages économiques futurs associés à l’élément (ou du potentiel de services). Il ne s’agit pas d’une certitude absolue, mais d’un degré de confiance raisonnable, apprécié sur la base des informations disponibles au moment de la comptabilisation. Cette probabilité est généralement acquise lorsque les risques et avantages liés à l’élément ont été transférés à l’entreprise.

La seconde condition est que son coût ou sa valeur puisse être évalué avec une fiabilité suffisante. Pour un bien acheté, le coût est généralement facile à déterminer via la facture. Pour un bien produit en interne, l’évaluation se base sur les coûts de production. Parfois, l’évaluation est moins directe. Par exemple, lors de l’acquisition d’un ensemble de biens pour un prix global, si le coût de certains éléments n’est pas individualisé, on peut l’obtenir par différence après avoir évalué les autres éléments (PCG, art. 213-7). C’est typiquement le cas du fonds commercial acquis lors d’un rachat d’entreprise : sa valeur est souvent déterminée par différence entre le prix payé et la valeur des autres actifs et passifs identifiés.

Ces deux critères s’appliquent non seulement aux coûts initiaux d’acquisition ou de production, mais aussi aux dépenses engagées ultérieurement sur un actif existant (ajout, remplacement d’éléments, grosses réparations…).

Une tolérance existe toutefois : le PCG (art. 212-6) admet que les éléments d’actif non significatifs puissent ne pas être inscrits au bilan et être directement comptabilisés en charges de l’exercice. Le seuil de signification est à apprécier par chaque entreprise, en fonction de sa taille et de son activité, mais il doit être appliqué de manière cohérente.

L’approche par composants : affiner la comptabilisation

Pour certaines immobilisations corporelles complexes, une approche plus fine est nécessaire : la comptabilisation par composants. Introduite pour mieux refléter la réalité économique de l’usure de ces biens, elle est encadrée par l’article 214-9 du PCG. L’idée est simple : si un bien est constitué de plusieurs éléments importants ayant des durées d’utilisation différentes ou nécessitant des remplacements à intervalles réguliers, il faut les comptabiliser et les amortir séparément.

On distingue principalement deux catégories de composants.

La première catégorie concerne les éléments principaux d’une immobilisation qui doivent être remplacés à intervalles réguliers et qui ont une durée d’utilisation différente de la structure principale. Pensez au moteur d’un avion, aux sièges d’un TGV, ou à la toiture d’un bâtiment industriel. Pour ces éléments, l’identification et la comptabilisation séparée dès l’origine (ou lors du remplacement) sont obligatoires. Chaque composant aura son propre plan d’amortissement.

La seconde catégorie vise les dépenses de gros entretien ou de grandes révisions faisant l’objet de programmes pluriannuels (imposés par la loi ou la réglementation, ou résultant de pratiques constantes de l’entreprise). Il s’agit de dépenses destinées à maintenir l’actif en bon état de fonctionnement, sans nécessairement prolonger sa durée de vie initiale au-delà de ce qui était prévu. Par exemple, la révision complète d’un haut fourneau tous les 5 ans. Pour ces dépenses, l’entreprise a le choix : soit elle comptabilise dès l’origine un composant « gros entretien » qu’elle amortira sur la durée séparant deux programmes ; soit elle constitue une provision pour gros entretien au passif. L’option pour l’une des méthodes exclut l’autre. Si l’entreprise choisit la méthode du composant, elle doit vérifier que les conditions de comptabilisation d’un actif (avantages économiques futurs probables, coût évaluable de façon fiable) sont remplies pour ces dépenses futures programmées. Cette option pour la seconde catégorie subsiste dans le PCG principalement pour des raisons de divergence avec la fiscalité française (l’amortissement des composants de seconde catégorie n’étant pas toujours déductible fiscalement), alors que les normes internationales IFRS imposent l’approche par composants.

Lorsqu’un composant (de première ou seconde catégorie) est remplacé, le coût du nouvel élément est comptabilisé comme un nouvel actif, tandis que la valeur nette comptable de l’ancien composant remplacé est sortie du bilan et comptabilisée en charges (PCG, art. 213-20). Il est possible d’identifier un composant ultérieurement, même s’il ne l’avait pas été à l’origine, si les conditions sont remplies, notamment lors de la première grande révision si l’option « composant » est choisie.

Immobilisations incorporelles créées en interne : un cas complexe

Si l’acquisition d’une immobilisation incorporelle (brevet, licence…) pose généralement peu de problèmes de comptabilisation, la situation est plus délicate pour celles créées par l’entreprise elle-même. Le PCG (art. 212-3) impose une distinction fondamentale entre la phase de recherche et la phase de développement.

Les dépenses engagées durant la phase de recherche (activités visant à acquérir de nouvelles connaissances, recherche de solutions alternatives, évaluation d’applications possibles…) doivent toujours être comptabilisées en charges au moment où elles sont encourues. On considère qu’à ce stade, l’existence d’avantages économiques futurs est trop incertaine pour justifier une inscription à l’actif. Si l’entreprise ne peut pas distinguer clairement les deux phases pour un projet interne, toutes les dépenses sont traitées comme des frais de recherche.

En revanche, les coûts engagés durant la phase de développement (conception et tests de prototypes, conception d’outils nouveaux, construction d’usine pilote, conception de nouveaux services…) peuvent être inscrits à l’actif comme une immobilisation incorporelle, mais uniquement si l’entreprise démontre que toutes les conditions suivantes sont réunies :

  • La faisabilité technique de l’achèvement est établie.
  • L’intention d’achever l’actif pour l’utiliser ou le vendre existe.
  • La capacité à utiliser ou vendre l’actif est réelle.
  • L’actif générera des avantages économiques futurs probables (existence d’un marché ou utilité interne démontrée).
  • Des ressources suffisantes (techniques, financières…) sont disponibles pour achever le développement et l’utilisation/vente.
  • Les dépenses attribuables au développement peuvent être évaluées de façon fiable.

Si toutes ces conditions sont remplies, l’activation des coûts de développement est même considérée comme la méthode préférentielle par le PCG, l’autre option étant de les laisser en charges. L’entreprise doit décrire en annexe la méthode retenue.

Attention, certains éléments créés en interne ne peuvent jamais être comptabilisés à l’actif, même s’ils ont une valeur considérable. C’est le cas notamment du fonds commercial généré en interne, des marques créées, des titres de journaux développés, des listes de clients constituées… Le PCG considère que les dépenses correspondantes ne peuvent pas être distinguées du coût de développement de l’activité dans son ensemble (PCG, art. 212-3, al. 3).

Un régime spécifique s’applique aux logiciels et sites internet créés en interne. Pour les logiciels destinés à la commercialisation ou à un usage interne, les coûts de production peuvent être immobilisés si le projet a de sérieuses chances de réussite technique (et de rentabilité commerciale pour l’usage externe) et si l’entreprise manifeste sa volonté de produire et d’utiliser durablement le logiciel (PCG, art. 611-2 et s.). Les coûts activables concernent principalement la conception détaillée (analyse organique), la programmation (codification), les tests et la documentation technique. Pour les sites internet, des conditions similaires d’activation s’appliquent aux coûts de la phase de développement et de production (nom de domaine, matériel/logiciel d’exploitation, code, contenu initial, graphiques…) (PCG, art. 612-1 et s.). Les frais de recherche préalable restent en charges.

Identifier et comptabiliser correctement vos actifs est une étape fondamentale pour une gestion saine. Si vous avez des questions sur la qualification ou la comptabilisation d’un élément de votre patrimoine, notre cabinet peut vous assister.

Sources

  • Plan Comptable Général (tel qu’issu notamment du Règlement ANC n° 2014-03 et ses mises à jour ultérieures), Articles 211-1 à 211-8, 212-1 à 212-3, 212-6, 212-9, 213-7, 213-20, 214-9, 611-2 et s., 612-1 et s.
  • Décret n° 83-1020 du 29 novembre 1983 (pour les écarts de conversion).

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