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L’assignation devant le tribunal de commerce : comment bien démarrer une procédure ?

Table des matières

Lorsqu’un litige commercial survient et que les tentatives de résolution amiable ont échoué, l’assignation constitue souvent la première étape formelle d’une procédure judiciaire. Ce document fondamental détermine en grande partie les chances de succès de votre action. Une assignation mal rédigée ou incomplète peut compromettre votre dossier avant même l’audience. Cet article détaille les aspects essentiels de l’assignation devant le tribunal de commerce et vous guide à travers ses étapes cruciales pour bien démarrer votre procédure.

Qu’est-ce qu’une assignation et quel est son rôle ?

Définition : l’acte introductif d’instance par excellence

L’assignation est l’acte de procédure par lequel un demandeur (le requérant) informe officiellement un défendeur qu’une action en justice est engagée contre lui devant le tribunal de commerce. Il s’agit d’un acte formalisé, délivré par un huissier de justice, qui marque le point de départ de la procédure judiciaire.

À la différence d’une simple mise en demeure ou d’un courrier d’avocat, l’assignation possède une valeur juridique contraignante. Elle oblige le défendeur à comparaître devant le tribunal à une date précise et l’informe des prétentions formulées à son encontre.

Informer le défendeur et saisir le tribunal

L’assignation remplit deux fonctions principales. D’une part, elle garantit l’information du défendeur sur l’existence et le contenu du litige, lui permettant de préparer sa défense dans le respect du principe du contradictoire. D’autre part, elle représente le mode habituel de saisine du tribunal de commerce.

Contrairement à une idée reçue, la simple signification de l’assignation au défendeur ne suffit pas à saisir effectivement la juridiction. Comme nous le verrons plus loin, une étape complémentaire, appelée « placement » ou « enrôlement », est nécessaire pour que le tribunal soit valablement saisi.

Les mentions obligatoires de l’assignation : attention aux nullités

Mentions communes à tous les actes d’huissier

Tout acte d’huissier, y compris l’assignation, doit comporter certaines mentions imposées par l’article 55 du code de procédure civile. Parmi elles figurent :

  • La date de l’acte (jour, mois et année)
  • Les nom, prénoms, domicile, nationalité, profession de l’huissier de justice
  • Les nom, prénoms, domicile ou résidence du demandeur
  • L’indication des modalités de signification de l’acte
  • Le coût de l’acte

L’omission de ces informations peut entraîner la nullité de l’assignation pour vice de forme, sous réserve de prouver un grief.

Mentions spécifiques à l’assignation (objet de la demande, moyens, pièces…)

Au-delà des mentions communes, l’assignation devant le tribunal de commerce doit impérativement contenir, à peine de nullité, les éléments prévus par les articles 54, 56 et 855 du code de procédure civile :

  • L’indication du tribunal compétent (tribunal de commerce de [ville])
  • L’objet précis de la demande avec un exposé des prétentions
  • Les lieu, jour et heure de l’audience
  • Les nom, prénom, profession, domicile, nationalité, date et lieu de naissance du demandeur
  • Pour les personnes morales : forme, dénomination, siège social et organe qui les représente légalement
  • Un exposé des moyens en fait et en droit
  • La liste des pièces sur lesquelles la demande est fondée (dans un bordereau annexé)
  • Les modalités de comparution devant la juridiction et les conséquences d’une non-comparution

Depuis le décret n°2019-1333 du 11 décembre 2019, l’assignation doit également mentionner les conditions dans lesquelles le défendeur peut ou doit se faire assister ou représenter, conformément à l’obligation de constitution d’avocat désormais applicable devant le tribunal de commerce, sauf exceptions.

Les nouvelles mentions liées à la tentative de résolution amiable

Une réforme importante a été introduite par le décret n°2019-1333 du 11 décembre 2019, puis complétée par le décret n°2020-1452 du 27 novembre 2020. L’assignation doit désormais préciser, lorsque la tentative de résolution amiable préalable est obligatoire :

  • Les diligences entreprises en vue d’une résolution amiable du litige
  • Ou la justification du motif légitime pour lequel aucune tentative n’a été effectuée

Cette mention est fondamentale car son absence peut conduire le juge à déclarer la demande irrecevable.

Sanctions en cas d’omission ou d’irrégularité

L’article 855 du code de procédure civile prévoit explicitement que l’assignation doit contenir l’ensemble des mentions évoquées, à peine de nullité. Toutefois, selon l’article 114 du même code, aucune nullité pour vice de forme ne peut être prononcée sans que celui qui l’invoque prouve le grief que lui cause l’irrégularité.

En pratique, les tribunaux distinguent entre les nullités de forme (généralement soumises à la démonstration d’un grief) et les nullités de fond (qui peuvent être prononcées indépendamment de tout grief). L’absence d’indication de la date d’audience, par exemple, est considérée comme une nullité pour vice de forme par la jurisprudence.

Le contenu de l’assignation : exposer clairement le litige

L’exposé des faits pertinents

La rédaction de l’exposé des faits constitue une étape déterminante. Il s’agit de présenter de façon claire, chronologique et synthétique les événements à l’origine du litige. Chaque fait mentionné doit être pertinent et en lien direct avec les demandes formulées.

Un bon exposé des faits :

  • Délimite précisément le cadre du litige
  • Contextualise les relations entre les parties
  • Évite les détails superflus ou émotionnels
  • S’appuie sur des éléments objectifs et vérifiables

Cette partie doit être rédigée avec une grande rigueur car elle constituera la base factuelle sur laquelle le tribunal s’appuiera pour trancher le litige.

Les moyens de droit : fonder juridiquement la demande

Les moyens de droit correspondent à l’argumentation juridique qui soutient les prétentions du demandeur. Cette section doit exposer les règles de droit applicables (articles du code de commerce, du code civil, jurisprudence…) et démontrer en quoi les faits décrits justifient les demandes formulées.

Pour être efficace, l’argumentation juridique doit :

  • Identifier les fondements légaux pertinents
  • Expliquer comment ces règles s’appliquent aux faits de l’espèce
  • Anticiper les contre-arguments potentiels du défendeur
  • Citer éventuellement la jurisprudence favorable

Une structuration logique des moyens facilite grandement la compréhension du juge et renforce la solidité de la demande.

Le dispositif : formuler précisément les demandes

Le dispositif constitue la conclusion de l’assignation. Il énonce de manière précise et exhaustive ce qui est demandé au tribunal. Chaque demande doit être distinctement formulée et chiffrée lorsqu’il s’agit de sommes d’argent.

Le dispositif peut inclure :

  • La condamnation au paiement de sommes déterminées
  • L’exécution d’obligations précises
  • La résolution ou résiliation de contrats
  • Des demandes accessoires (intérêts, article 700 du CPC pour les frais irrépétibles)
  • Des demandes d’exécution provisoire

La rédaction du dispositif exige une grande précision, car le tribunal ne pourra statuer que sur ce qui lui est expressément demandé, conformément au principe dispositif.

La signification de l’assignation par huissier de justice

Le rôle de l’huissier

La signification de l’assignation relève exclusivement de la compétence des huissiers de justice. Ces officiers ministériels sont les seuls habilités à délivrer officiellement l’acte au défendeur, garantissant ainsi la date certaine de sa réception et le respect des droits de la défense.

L’huissier de justice :

  • Vérifie l’identité et l’adresse du destinataire
  • Remet en mains propres l’assignation ou la dépose selon les modalités légales
  • Dresse un procès-verbal de signification
  • Assure la preuve de l’accomplissement de la formalité

Le recours à un huissier représente une garantie procédurale indispensable pour le demandeur.

Les modalités de signification

La signification s’effectue principalement selon trois modalités :

  1. La signification à personne : l’huissier remet l’acte directement au destinataire
  2. La signification à domicile : l’acte est remis à une personne présente au domicile
  3. La signification à étude : après plusieurs tentatives infructueuses, l’huissier dépose un avis de passage et conserve la copie de l’acte à son étude

Des règles spécifiques s’appliquent aux personnes morales (remise au siège social) et aux significations à l’étranger qui nécessitent des procédures particulières selon les pays concernés.

Dans tous les cas, l’assignation doit être délivrée au moins 15 jours avant la date d’audience prévue, conformément à l’article 856 du code de procédure civile. Ce délai peut être réduit en cas d’urgence sur autorisation du président du tribunal.

Le placement (ou enrôlement) de l’assignation au greffe

L’obligation de saisir le tribunal après signification

Comme évoqué précédemment, la signification de l’assignation au défendeur ne suffit pas à saisir le tribunal. L’article 857 du code de procédure civile précise que « le tribunal est saisi, à la diligence de l’une ou l’autre des parties, par la remise au greffe d’une copie de l’assignation. »

Cette étape complémentaire, appelée « placement » ou « enrôlement », consiste à déposer au greffe du tribunal une copie de l’assignation, accompagnée généralement du procès-verbal de signification. C’est seulement à partir de ce moment que le tribunal est effectivement saisi du litige et que l’instance est introduite.

Délais et modalités de placement

Le placement doit être effectué au plus tard huit jours avant la date d’audience indiquée dans l’assignation. Ce délai est impératif et son non-respect entraîne la caducité de l’assignation.

En pratique, le placement peut être réalisé :

  • Par dépôt physique au greffe du tribunal
  • Par voie électronique via la plateforme e-Greffe
  • Par l’intermédiaire de l’avocat constitué

Depuis la mise en place du « tribunal digital », cette formalité s’est largement dématérialisée, facilitant les démarches pour les avocats pour litige commercial.

Sanction du défaut de placement : la caducité

Le non-respect du délai de placement de huit jours avant l’audience est sanctionné par la caducité de l’assignation. Cette sanction radicale signifie que l’acte perd toute valeur juridique et que la procédure est considérée comme n’ayant jamais été engagée.

La caducité peut être constatée d’office par le président du tribunal ou le juge chargé d’instruire l’affaire, ou à la demande de l’une des parties. Si elle est prononcée, le demandeur devra reprendre la procédure depuis le début, avec une nouvelle assignation.

La jurisprudence a précisé que cette caducité fait perdre à l’assignation son effet interruptif de prescription. Il est donc essentiel de respecter scrupuleusement ce délai pour préserver ses droits.

L’importance de la rédaction de l’assignation par un avocat

Bien que la représentation par avocat devant le tribunal de commerce soit désormais obligatoire pour la plupart des litiges depuis le décret du 11 décembre 2019, certaines exceptions subsistent, notamment pour les litiges dont le montant n’excède pas 10 000 euros.

Néanmoins, même dans ces cas exceptionnels, faire rédiger une assignation par un avocat présente des avantages considérables :

  • Définition précise de la stratégie procédurale adaptée au litige
  • Identification exacte des fondements juridiques pertinents
  • Formulation adéquate des demandes pour maximiser les chances de succès
  • Anticipation des arguments adverses et des questions juridiques complexes
  • Prévention des risques de nullité ou d’irrecevabilité

L’assignation constitue le socle de toute la procédure à venir. Sa qualité conditionne souvent l’issue du litige, bien avant les étapes de la procédure qui suivront. Un avocat saura anticiper les aspects techniques comme la jonction d’instances, la disjonction ou les incidents de procédure pour construire une stratégie cohérente dès la phase écrite de la procédure.

Face à l’enjeu que représente votre litige commercial, ne laissez pas une assignation mal rédigée compromettre vos chances de succès. Notre cabinet vous accompagne dans la rédaction de cet acte fondamental et dans toutes les étapes de votre procédure devant le tribunal de commerce. Contactez-nous pour une analyse approfondie de votre dossier et la mise en place d’une stratégie procédurale efficace.

Sources

  • Code de procédure civile, articles 53 à 57, 353 à 354, 446-1 à 446-4, 643 à 650, 750 à 758, 853 à 871
  • Code de commerce, articles L. 721-1 à L. 723-31, R. 721-1 à R. 723-31
  • Décret n°2019-1333 du 11 décembre 2019 réformant la procédure civile
  • Décret n°2020-1452 du 27 novembre 2020 portant diverses dispositions relatives notamment à la procédure civile

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