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La représentation par avocat devant le tribunal de commerce : obligatoire ou non ?

Table des matières

La question de savoir si vous devez obligatoirement être représenté par un avocat devant le tribunal de commerce a connu une évolution significative ces dernières années. Auparavant facultative dans la plupart des cas, cette représentation est désormais soumise à un principe général d’obligation, assorti d’exceptions importantes. Cette transformation modifie considérablement l’approche des contentieux commerciaux et mérite d’être bien comprise par toute entreprise susceptible d’être concernée par un litige relevant de cette juridiction.

Le principe renforcé de la représentation obligatoire par avocat

La réforme de la procédure civile entrée en vigueur en 2020 a profondément modifié les règles de représentation devant le tribunal de commerce. Cette évolution s’inscrit dans une tendance plus large de professionnalisation des procédures judiciaires.

Contexte de la réforme de la procédure civile

Jusqu’à la fin 2019, le tribunal de commerce se distinguait par une grande souplesse procédurale. Les parties pouvaient se défendre elles-mêmes ou se faire représenter par la personne de leur choix, sans obligation de recourir à un avocat. Cette liberté s’expliquait par la volonté historique de maintenir une justice commerciale accessible, rapide et peu onéreuse.

Toutefois, le décret n°2019-1333 du 11 décembre 2019 portant réforme de la procédure civile a renversé ce principe. Entré en vigueur le 1er janvier 2020, ce texte a instauré l’obligation de constituer avocat comme règle générale devant le tribunal de commerce. L’article 853 du code de procédure civile dispose désormais que « les parties sont, sauf disposition contraire, tenues de constituer avocat devant le tribunal de commerce ».

Champ d’application du principe devant le tribunal de commerce

Cette obligation de représentation par avocat s’applique à toutes les parties au litige, qu’elles soient demanderesses ou défenderesses. La constitution d’avocat emporte automatiquement élection de domicile, ce qui signifie que toutes les notifications et significations seront valablement effectuées à l’adresse de l’avocat constitué.

Le principe s’applique aux personnes physiques comme aux personnes morales, quelle que soit leur forme juridique. Cependant, l’État, les régions, les départements, les communes et leurs établissements publics bénéficient d’un régime particulier : ils peuvent être représentés par un fonctionnaire ou un agent de leur administration, sans nécessité de recourir à un avocat.

Qui peut être avocat postulant ?

Contrairement à la procédure devant le tribunal judiciaire, qui impose des règles de postulation territoriale, il n’existe pas de limitation géographique pour la représentation devant le tribunal de commerce. Ainsi, un avocat inscrit à n’importe quel barreau français peut représenter une partie devant n’importe quel tribunal de commerce sur le territoire national.

Cette absence de territorialité de la postulation constitue un avantage pratique pour les entreprises ayant des établissements dans différentes régions, qui peuvent conserver leur conseil habituel pour tous leurs contentieux commerciaux, quel que soit le lieu du litige.

Pour les avocats ressortissants de l’Union européenne, de l’Espace économique européen ou de la Confédération suisse, les mêmes règles s’appliquent, sous réserve de respecter les conditions d’exercice prévues par les textes.

Les exceptions légales au principe de représentation obligatoire

Si le principe général est désormais celui de la représentation obligatoire par avocat, le législateur a prévu plusieurs exceptions notables.

Les litiges portant sur un faible montant

La première exception concerne les litiges de faible importance financière. L’article 853 du code de procédure civile dispense de l’obligation de constituer avocat lorsque la demande porte sur un montant inférieur ou égal à 10 000 euros.

Cette dispense s’applique également lorsque la demande a pour origine l’exécution d’une obligation dont le montant n’excède pas cette même somme. Dans ces hypothèses, le montant de la demande est apprécié conformément aux dispositions des articles 35 à 37 du code de procédure civile, qui établissent des règles de calcul précises pour déterminer la valeur du litige.

Cette exception vise manifestement à préserver l’accès à la justice commerciale pour les litiges de moindre importance, en évitant que le coût de la représentation par avocat ne constitue un obstacle disproportionné par rapport à l’enjeu financier.

Les procédures collectives

Une autre exception majeure concerne les procédures relevant du livre VI du code de commerce, c’est-à-dire l’ensemble des procédures collectives : sauvegarde, redressement judiciaire, liquidation judiciaire et rétablissement professionnel.

La dispense de représentation obligatoire dans ce domaine s’explique par plusieurs facteurs. D’une part, certaines procédures peuvent être engagées à l’initiative du débiteur lui-même, dans une démarche volontaire. D’autre part, les procédures collectives impliquent souvent des entreprises en difficulté financière, pour lesquelles le coût d’un avocat pourrait constituer une charge supplémentaire difficile à assumer.

Toutefois, la complexité de ces procédures et leurs enjeux considérables rendent généralement souhaitable l’assistance d’un avocat, même si elle n’est pas juridiquement obligatoire. De nombreux praticiens recommandent de s’adjoindre les services d’un avocat spécialisé dès les premières difficultés, pour maximiser les chances de redressement de l’entreprise.

Certaines matières spécifiques

D’autres exceptions concernent des contentieux particuliers, notamment les litiges relatifs à la tenue du registre du commerce et des sociétés. Pour ces procédures spécifiques, la représentation par avocat demeure facultative.

Par ailleurs, les textes prévoient que les parties sont dispensées de l’obligation de constituer avocat « dans les cas prévus par la loi ou le règlement ». Cette formulation ouverte permet d’intégrer d’autres exceptions qui seraient établies par des dispositions spéciales.

La possibilité pour les parties de se défendre elles-mêmes dans ces cas

Dans toutes les hypothèses de dispense mentionnées ci-dessus, les parties ont la faculté de se défendre elles-mêmes ou de se faire assister ou représenter par toute personne de leur choix. Cet assouplissement n’est toutefois pas absolu.

En effet, la jurisprudence a établi une limite importante : l’activité d’assistance et de représentation des parties devant les tribunaux de commerce est interdite aux personnes qui en font une profession habituelle et rémunérée, sauf disposition contraire. Cette restriction vise à préserver le monopole des avocats pour la représentation en justice à titre professionnel.

Si le plaideur choisit un représentant autre qu’un avocat, ce dernier devra justifier d’un pouvoir spécial, c’est-à-dire d’un mandat écrit et spécifique pour l’instance concernée. À défaut, les actes accomplis pourraient être annulés pour vice de fond.

Pourquoi mandater un avocat même quand ce n’est pas obligatoire ?

Même dans les cas où la représentation par avocat n’est pas légalement imposée, plusieurs raisons peuvent inciter à recourir à ses services.

Complexité des règles de procédure

La procédure devant le tribunal de commerce, bien que réputée plus souple que devant d’autres juridictions, n’en demeure pas moins encadrée par des règles précises dont la méconnaissance peut être préjudiciable. Un avocat maîtrise ces aspects procéduraux : délais à respecter, formes des actes, pièces à communiquer, calendrier des échanges.

La procédure commerciale a d’ailleurs connu une évolution tendant à la rapprocher du droit commun des procédures écrites. Les réformes successives ont renforcé le formalisme et la technicité de cette procédure, notamment avec le développement de la communication électronique et l’instauration d’un « tribunal digital ».

En outre, le juge chargé d’instruire l’affaire dispose de pouvoirs importants pour organiser les échanges entre les parties, fixer un calendrier de procédure et statuer sur diverses difficultés. Face à ce magistrat, l’assistance d’un professionnel du droit constitue un atout considérable.

Maîtrise de l’argumentation juridique et de la présentation des preuves

Le litige commercial implique souvent des questions juridiques complexes, relevant aussi bien du droit des contrats que du droit des sociétés, du droit de la concurrence ou encore du droit des entreprises en difficulté. L’avocat apporte son expertise pour construire une argumentation juridique solide et pertinente.

Il saura également identifier les pièces utiles à la démonstration, les ordonner et les présenter de manière à convaincre le tribunal. Cette capacité à structurer un dossier et à mettre en valeur les éléments décisifs peut faire la différence dans l’issue du litige.

L’avocat veille aussi au respect du principe du contradictoire, fondamental en procédure. Il s’assure que toutes les pièces ont été régulièrement communiquées et que les arguments adverses ont été dûment réfutés.

Efficacité dans la gestion des délais et des échanges

La gestion temporelle d’un dossier contentieux est cruciale. L’avocat dispose des outils et de l’expérience nécessaires pour respecter les délais procéduraux, anticiper les échéances et réagir promptement aux initiatives de la partie adverse.

Dans le cadre de la procédure devant le tribunal de commerce, les échanges écrits et oraux se sont intensifiés, et leur bonne gestion requiert une disponibilité et une réactivité que les dirigeants d’entreprise, absorbés par leurs responsabilités opérationnelles, peuvent difficilement assurer.

L’avocat dispose également d’un accès au réseau privé virtuel des avocats (RPVA), qui facilite les communications électroniques avec la juridiction et les confrères. Cette dématérialisation des échanges, qui s’est considérablement développée ces dernières années, plaide en faveur du recours à un professionnel familier de ces outils.

Les conséquences d’un défaut de représentation obligatoire

Méconnaître l’obligation de constituer avocat dans les cas où elle s’impose peut avoir des conséquences graves sur l’issue du litige.

Irrecevabilité des actes

Lorsque la représentation par avocat est obligatoire, les actes de procédure effectués sans constitution d’avocat sont entachés d’une irrégularité de fond. Cette irrégularité peut entraîner leur nullité, conformément à l’article 117 du code de procédure civile.

Concrètement, une assignation délivrée sans indication du nom de l’avocat constitué, ou des conclusions déposées directement par une partie sans passer par un avocat, pourront être déclarées irrecevables par le tribunal. De même, la validité d’une assignation devant le tribunal de commerce peut être remise en cause si elle ne respecte pas les règles relatives à la représentation obligatoire.

Cette irrecevabilité peut être soulevée à tout moment de la procédure, par les parties ou d’office par le juge. Elle peut donc conduire à l’échec de l’action engagée, même si celle-ci était fondée sur le fond.

Risques pour la défense des intérêts de la partie

Au-delà des sanctions procédurales, l’absence d’avocat dans un contentieux commercial peut fragiliser considérablement la position de la partie concernée. Sans conseil professionnel, elle risque de commettre des erreurs stratégiques ou tactiques préjudiciables à ses intérêts.

La méconnaissance des règles de fond ou de procédure peut conduire à l’impossibilité de faire valoir certains arguments ou de produire certaines preuves. De même, une partie non assistée peut se trouver en difficulté face à une partie adverse représentée par un avocat expérimenté.

Dans certains cas, le déséquilibre peut être tel que le tribunal, sensible au principe d’égalité des armes, pourrait être tenté d’accorder des délais supplémentaires ou des renvois à la partie non représentée. Toutefois, cette bienveillance a ses limites et ne saurait compenser pleinement l’absence d’une défense professionnelle.

Si la constitution d’avocat représente un coût certain, elle constitue souvent un investissement judicieux au regard des enjeux financiers, juridiques et commerciaux d’un litige porté devant le tribunal de commerce.

Face à un contentieux commercial, qu’il s’agisse d’un litige contractuel, d’un différend entre associés ou d’une action en responsabilité, n’hésitez pas à faire appel à un avocat. Notre cabinet vous accompagne dans toutes les phases de la procédure, de l’évaluation initiale du dossier jusqu’à la plaidoirie, en veillant au respect scrupuleux des règles procédurales et à la défense efficace de vos intérêts.

Sources

  • Code de procédure civile, notamment articles 35 à 37, 117, 853 à 871
  • Décret n°2019-1333 du 11 décembre 2019 réformant la procédure civile
  • Décret n°2021-1322 du 11 octobre 2021 relatif à la procédure d’injonction de payer et modifiant diverses dispositions de procédure civile
  • Cour de cassation, chambre civile 1, 7 avril 1999, n°97-10.656
  • Cour de cassation, chambre commerciale, 23 novembre 1982, n°81-10.549
  • Conseil d’État, 6e et 5e ch. réunies, 22 septembre 2022, n°436939 et 437002

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