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Biens divers : définition, périmètre et opérations soumises à la réglementation

Table des matières

L’univers des placements dits « atypiques », comme le vin, les œuvres d’art, les manuscrits ou encore les diamants, attire de nombreux investisseurs par des promesses de rendement souvent élevées. Cependant, cet attrait peut masquer des risques importants, surtout en l’absence d’un cadre protecteur clair. Pour répondre à cet enjeu, le droit français a développé une catégorie juridique spécifique : les « biens divers ». Comprendre précisément ce que recouvre cette notion et quelles opérations y sont soumises est fondamental pour sécuriser un investissement ou une proposition commerciale. Cet article a pour but de clarifier le périmètre de cette réglementation, en complément des informations présentées dans le guide complet de la réglementation des intermédiaires en biens divers.

La notion de « biens divers » : une définition extensive

La notion de « biens divers » est volontairement large. Le législateur n’a pas dressé de liste exhaustive des actifs concernés. L’objectif de cette approche souple est de pouvoir englober une grande variété de placements, y compris ceux qui naîtront des innovations futures, afin d’assurer une protection constante de l’épargnant face à des produits d’investissement qui ne sont pas des instruments financiers classiques.

L’approche réglementaire et ses lacunes

Le Code monétaire et financier (CMF), notamment à travers son article L. 551-1, ne définit pas le bien divers par sa nature (vin, art, forêt…) mais par les caractéristiques de l’opération proposée à l’investisseur. Cette absence de définition positive est une particularité majeure du régime. Plutôt que de dire ce qu’est un bien divers, la loi décrit les situations dans lesquelles un investissement dans un bien, quel qu’il soit, tombe sous cette réglementation spécifique. Cette technique juridique a pour avantage une grande flexibilité, mais elle peut aussi créer une certaine incertitude pour les porteurs de projets qui peinent à savoir si leur activité est concernée.

Les caractéristiques juridiques des biens divers

Un « bien divers » est avant tout un bien au sens du Code civil : il peut s’agir d’une chose corporelle (un conteneur, une bouteille de vin) ou incorporelle (un droit de propriété sur un manuscrit). Sa valeur économique est un prérequis, puisqu’il fait l’objet d’un investissement. La particularité du bien divers ne réside pas dans sa nature, mais dans le montage contractuel qui l’entoure. La distinction est fondamentale : un placement atypique est un terme économique pour désigner un investissement non traditionnel, tandis qu’un « bien divers » est la qualification juridique qui déclenche une réglementation protectrice sous l’égide de l’Autorité des marchés financiers (AMF).

Ainsi, tous les placements atypiques ne sont pas automatiquement des biens divers. Ils ne le deviennent que si l’opération d’acquisition remplit les critères légaux, notamment l’existence d’une gestion déléguée ou la promesse d’un rendement financier.

Les opérations sur biens divers : critères d’assujettissement

L’application du régime des biens divers est déclenchée par la nature de l’opération proposée. L’article L. 551-1 du Code monétaire et financier pose plusieurs critères alternatifs qui permettent de qualifier une proposition commerciale d’opération sur biens divers, la soumettant de fait à un contrôle de l’AMF.

La souscription de rentes viagères

La première catégorie d’opérations visée est la souscription de rentes viagères, lorsque l’intermédiaire ne fait que recueillir des fonds pour le compte d’un tiers qui versera la rente. Il s’agit d’un cas historique de la réglementation, visant à encadrer des montages qui, sous couvert de rente, s’apparentaient à des produits d’épargne non régulés. Les ventes d’immeubles en viager classiques ne sont cependant pas concernées par ce dispositif.

L’acquisition de droits avec gestion par un tiers ou promesse de revalorisation

C’est le cœur historique du dispositif. Une opération sur un bien mobilier ou immobilier bascule dans la catégorie des biens divers si l’une de ces deux conditions est remplie :

  • L’acquéreur n’assure pas lui-même la gestion du bien : si vous achetez des droits sur une forêt mais que c’est une société tierce qui se charge de l’exploiter, de la vendre et de vous reverser les profits, vous n’êtes plus un simple propriétaire mais un investisseur dans un montage financier. La gestion doit être active et viser la valorisation de l’actif pour le compte de l’investisseur.
  • Le contrat offre une faculté de reprise ou d’échange avec revalorisation du capital investi : si le vendeur s’engage à vous racheter votre bien à une date future pour un prix supérieur à votre investissement initial, le droit considère qu’il ne s’agit plus d’une simple vente mais d’un produit de placement. La promesse d’un gain financier à la revente est l’élément déterminant.

Ces deux conditions sont alternatives. La présence d’une seule d’entre elles suffit à faire entrer l’opération dans le champ de la réglementation des biens divers.

L’apport de la loi hamon : le critère du « rendement financier »

La loi relative à la consommation de 2014, dite « loi Hamon », a considérablement élargi le champ d’application de cette réglementation. Elle a introduit un nouveau critère, beaucoup plus large : est une opération sur biens divers toute proposition d’acquérir des droits sur un ou plusieurs biens « en mettant en avant la possibilité d’un rendement financier direct ou indirect ou ayant un effet économique similaire ».

Concrètement, cela implique que le simple argumentaire commercial peut suffire à qualifier l’opération. Peu importe qu’il y ait gestion par un tiers ou promesse de rachat. Si la publicité, le site internet ou le discours du vendeur insiste sur le potentiel de plus-value, de revenu ou de performance financière, l’opération est susceptible d’être soumise au contrôle de l’AMF. Cette extension a permis de rattraper de nombreux montages qui échappaient auparavant à la régulation, mais elle a aussi accru l’incertitude pour les professionnels. La frontière entre la simple vente d’un bien de valeur et un produit d’épargne devient plus floue et dépend de la manière dont l’offre est présentée au public.

Les opérations expressément exclues du régime des biens divers

Le législateur a prévu une liste limitative d’opérations qui, même si elles pouvaient correspondre aux critères généraux, sont explicitement exclues du régime des biens divers. Cette exclusion s’explique par le fait que ces secteurs sont déjà soumis à leurs propres régulations, souvent tout aussi protectrices pour le consommateur ou l’investisseur.

Liste des exclusions et leur interprétation

L’article L. 551-1, VI du Code monétaire et financier écarte les propositions portant sur :

  • Les opérations de banque : tous les produits et services couverts par le monopole bancaire (comptes de dépôt, crédits, etc.).
  • Les instruments financiers et parts sociales : l’achat d’actions, d’obligations ou de parts de sociétés commerciales (SA, SARL, SAS) est régi par le droit des sociétés et le droit des marchés financiers.
  • Les opérations relevant du Code des assurances, de la mutualité ou de la sécurité sociale : l’assurance-vie, les plans d’épargne retraite et autres produits similaires disposent de leur propre cadre légal.
  • L’acquisition de droits sur des logements et locaux professionnels ou commerciaux : les opérations immobilières classiques (achat d’un appartement pour le louer, acquisition d’un local commercial) sont exclues, car elles relèvent du droit immobilier commun.

Il est important de noter que cette liste est stricte. Toute opération qui n’entre pas dans l’une de ces catégories peut potentiellement être qualifiée d’opération sur biens divers si elle en remplit les critères d’assujettissement.

Défis de qualification et nouvelles formes d’actifs

La généralité de la définition des biens divers, alliée à l’innovation financière et technologique, pose des défis de qualification constants. La question se pose avec une acuité particulière pour les montages complexes et les nouveaux actifs numériques.

Les titres de sociétés : quand sont-ils des biens divers ?

Comme vu précédemment, l’acquisition de parts sociales est en principe exclue. Cependant, la jurisprudence de l’AMF a montré que cette exclusion a des limites. Le cas des sociétés en participation (SEP) est éclairant. Une SEP n’a pas de personnalité morale propre, ce qui signifie qu’elle ne fait pas totalement « écran » entre l’investisseur et l’actif sous-jacent (par exemple, des panneaux photovoltaïques). Dans une affaire, l’AMF a considéré qu’un investissement dans des parts de SEP destinées à financer et exploiter des centrales solaires constituait une opération sur biens divers, car l’investisseur acquérait en réalité des droits sur un bien géré par un tiers en vue d’un rendement.

Le cas des actifs numériques, jetons et NFT

L’émergence des actifs numériques a ouvert un nouveau champ d’incertitudes. Le bitcoin, les autres cryptomonnaies ou les jetons non fongibles (NFT) ne figurent dans aucune des listes d’exclusion de l’article L. 551-1 du Code monétaire et financier. En l’absence d’exclusion expresse, leur qualification dépend donc des critères généraux.

Une offre de cryptomonnaies ou de NFT, si elle est présentée au public en mettant principalement en avant un espoir de rendement financier, pourrait tout à fait être considérée comme une opération sur biens divers. Le fait que l’actif soit numérique et décentralisé ne change rien à la logique de protection de l’épargne. L’investisseur est sollicité sur la base d’une promesse de gain, ce qui correspond précisément à l’esprit de la loi Hamon. Cette question complexe fait l’objet d’une analyse plus poussée dans notre article dédié à la qualification des actifs numériques et des NFT.

La qualification d’une opération en « biens divers » est un exercice subtil, aux conséquences importantes pour les initiateurs de projets comme pour les investisseurs. Face à l’innovation constante des produits de placement, une analyse juridique précise est indispensable pour sécuriser vos opérations. Pour un accompagnement sur ces sujets, vous pouvez vous appuyer sur l’expertise juridique de notre cabinet en financement et crédit.

Si vous envisagez de proposer un produit d’investissement ou si vous avez été sollicité pour une offre qui vous semble complexe, n’hésitez pas à contacter notre cabinet pour une analyse de votre situation.

Sources

  • Code monétaire et financier : articles L. 551-1 et suivants (régime des intermédiaires en biens divers).
  • Code civil : articles 516 et suivants (classification des biens).
  • Règlement général de l’Autorité des marchés financiers (AMF).

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