La précision des instruments de mesure est un élément fondamental pour garantir la loyauté des transactions commerciales, la protection des consommateurs et la sécurité publique. Pour assurer cette précision, le législateur a mis en place un système rigoureux de contrôle métrologique encadré par un ensemble de textes nationaux et européens. Ce dispositif, souvent méconnu des professionnels, impose pourtant des obligations strictes à tous les acteurs impliqués dans la fabrication, la commercialisation et l’utilisation d’instruments de mesure réglementés.
Cadre juridique du contrôle des instruments de mesure
Législation nationale et européenne
Le contrôle métrologique français est régi par plusieurs textes fondamentaux. Historiquement, la loi du 4 juillet 1837 relative au système métrique et à la vérification des poids et mesures a posé les bases de ce contrôle. Cette loi a été complétée par de nombreux textes, dont le décret n° 2001-387 du 3 mai 2001 relatif au contrôle des instruments de mesure, qui constitue aujourd’hui le texte central en la matière.
Au niveau européen, la directive 2009/34/CE du 23 avril 2009 établit les dispositions communes aux instruments de mesurage et aux méthodes de contrôle métrologique. Cette directive a remplacé la directive 71/316/CEE du 26 juillet 1971 et adopte une approche moderne laissant une plus grande marge de manœuvre en matière d’innovation technologique.
Plus récemment, la directive 2004/22/CE du 31 mars 2004 sur les instruments de mesure (directive MID) a harmonisé les exigences applicables à la mise sur le marché et à la mise en service d’un grand nombre d’instruments, en application du principe de la « nouvelle approche » qui privilégie la définition d’exigences essentielles plutôt que de spécifications techniques détaillées.
Ces textes européens ont été transposés en droit français, notamment par le décret n° 2006-447 du 12 avril 2006 relatif à la mise sur le marché et à la mise en service de certains instruments de mesure.
Champ d’application du contrôle métrologique
Le contrôle métrologique s’applique aux instruments qui mesurent directement ou indirectement des grandeurs dont les unités sont définies par le décret du 3 mai 1961 relatif aux unités de mesure. Pour être soumis à ce contrôle, les instruments doivent également appartenir à l’une des catégories listées en annexe du décret du 3 mai 2001 et être utilisés pour l’une des opérations suivantes :
- Fourniture d’eau et d’énergie
- Transactions commerciales
- Détermination de rémunérations
- Répartition de produits financiers, de charges financières, de biens ou de marchandises
- Expertises judiciaires
- Opérations de mesurage pouvant servir de base à des poursuites pénales ou à des décisions administratives
- Opérations fiscales
- Opérations intéressant la santé
- Opérations intéressant la sécurité des personnes, des animaux ou des biens
- Opérations ayant pour objet de déterminer ou de vérifier des caractéristiques annoncées ou imposées
Cette définition large englobe de nombreux instruments utilisés quotidiennement dans le commerce et l’industrie, des balances commerciales aux compteurs d’électricité, en passant par les pompes à essence ou les radars routiers.
Tout utilisateur d’instruments de mesure réglementés a l’obligation légale d’assurer l’adéquation à l’emploi, l’exactitude, le bon entretien et le fonctionnement correct de ces instruments, comme le précise la réglementation sur les unités de mesure en France.
Les différentes opérations de contrôle
Le décret du 3 mai 2001 prévoit quatre opérations principales de contrôle des instruments de mesure : l’examen de type, la vérification primitive, la vérification de l’installation et le contrôle en service.
L’examen de type
L’examen de type est la validation de la conception d’un instrument de mesure. Il s’agit d’une étape préalable obligatoire pour la plupart des instruments réglementés avant leur mise sur le marché.
Cette opération consiste à examiner les éléments présentés dans un dossier technique et, si nécessaire, à réaliser des essais sur un ou plusieurs exemplaires représentatifs du type d’instrument. L’objectif est de vérifier que le type d’instrument répond aux exigences réglementaires de sa catégorie.
L’examen de type est effectué par un organisme spécialisé désigné par le ministre de l’Industrie. En France, il s’agit généralement du Laboratoire national de métrologie et d’essais (LNE). Cet organisme délivre, en cas de conformité, un certificat d’examen de type qui est publié au Bulletin officiel du ministère chargé de l’industrie.
Ce certificat a généralement une durée de validité de dix ans, qui peut être prorogée pour des périodes n’excédant pas dix ans chacune. Le fabricant doit apposer sur chaque instrument la marque indiquée dans le certificat, attestant ainsi sa conformité au type approuvé.
La vérification primitive
La vérification primitive est l’opération de contrôle attestant que les instruments neufs ou réparés respectent les exigences de leur catégorie. Cette vérification peut prendre deux formes :
- La surveillance du système d’assurance de la qualité mis en œuvre par le fabricant ou le réparateur, lorsque ce système a fait l’objet d’une approbation préalable par un organisme désigné.
- Le contrôle individuel des instruments, réalisé soit par un organisme spécialisé désigné par le ministre de l’Industrie, soit par un organisme agréé conformément aux dispositions de l’arrêté réglementant la catégorie concernée.
Les instruments ayant satisfait à la vérification primitive reçoivent une marque spécifique. Pour certaines catégories d’instruments, cette vérification primitive peut tenir lieu de premier contrôle en service.
La vérification primitive est obligatoire avant l’exposition ou la mise sur le marché des instruments, sauf exceptions prévues par la réglementation, notamment pour les instruments en démonstration, ceux destinés à l’exportation, ou ceux ayant fait l’objet d’une vérification équivalente dans un autre État membre de l’Union européenne.
La vérification de l’installation
La vérification de l’installation est l’opération de contrôle attestant que l’instrument satisfait aux dispositions techniques qui lui sont applicables et que ses conditions d’installation en assurent une utilisation correcte et répondent aux prescriptions réglementaires.
Cette opération, sanctionnée par la délivrance d’un certificat, peut être réalisée selon deux modalités :
- La surveillance du système d’assurance de la qualité mis en œuvre par l’installateur, lorsque ce système a fait l’objet d’une approbation préalable par un organisme désigné. Dans ce cas, c’est l’installateur qui délivre le certificat.
- L’examen, par un organisme désigné, des éléments caractérisant l’installation de l’instrument. L’installateur doit alors adresser à cet organisme un dossier contenant les plans d’installation et diverses informations sur l’instrument et son utilisation.
L’installateur est tenu d’apposer sa marque d’identification sur chaque instrument qu’il installe et peut être contraint de produire une déclaration d’installation à la DIRECCTE (Direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi) du lieu d’installation.
Le contrôle en service
Le contrôle en service vise à s’assurer que les instruments en usage conservent leurs qualités métrologiques. Ce contrôle peut comporter trois types d’opérations :
- La vérification périodique, qui consiste à vérifier, à intervalles réguliers, que les instruments restent conformes aux exigences qui leur sont applicables. Cette vérification est effectuée soit par des organismes désignés ou agréés, soit par les DIRECCTE en l’absence d’organismes compétents.
- La révision périodique, qui est l’opération par laquelle les instruments font, à intervalles réguliers, l’objet des opérations d’entretien nécessaires pour les remettre en conformité.
- Le contrôle par le détenteur lui-même, qui peut être tenu d’effectuer ou de faire effectuer sous sa responsabilité certains contrôles à intervalles réguliers.
Le contrôle en service est attesté par l’apposition d’une marque spécifique. Les instruments soumis à ce régime qui ne seraient pas revêtus d’une marque de contrôle en cours de validité doivent être mis hors service, sous peine de sanctions pour leur détenteur, comme précisé dans notre analyse des sanctions applicables en cas d’instruments non conformes.
Les organismes chargés du contrôle
Organismes désignés et agréés
Le décret du 3 mai 2001 distingue deux types d’organismes pouvant effectuer les opérations de contrôle métrologique : les organismes désignés et les organismes agréés.
Les organismes désignés sont agréés par le ministre de l’Industrie. Ils doivent répondre à des critères stricts : disposer des moyens et de l’équipement nécessaires, présenter des garanties d’intégrité et d’impartialité, préserver la confidentialité des informations, être indépendants des personnes ayant un intérêt dans les instruments de mesure, et mettre en place un système d’assurance de la qualité.
Les organismes agréés, quant à eux, sont approuvés par le préfet du département où se situe leur siège ou établissement principal. Ils doivent mettre en œuvre un système d’assurance de la qualité garantissant leurs moyens techniques, leurs procédures et leurs compétences.
Ces organismes sont soumis à une surveillance régulière, soit par le ministre de l’Industrie pour les organismes désignés, soit par les DIRECCTE pour les organismes agréés. Leur agrément peut être suspendu ou retiré s’ils ne remplissent pas leurs obligations ou si leurs prestations ne répondent pas aux exigences réglementaires.
Rôle des DIRECCTE
Les Directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi (DIRECCTE), qui ont remplacé les DRIRE (Directions régionales de l’industrie, de la recherche et de l’environnement) en 2010, jouent un rôle important dans le contrôle métrologique au niveau régional.
Elles interviennent notamment pour :
- Effectuer la vérification périodique des instruments en l’absence d’organisme désigné ou agréé
- Surveiller les organismes agréés
- Évaluer les systèmes d’assurance de la qualité des fabricants, installateurs et réparateurs
- Contrôler les instruments mis sur le marché et en service
Les agents assermentés des DIRECCTE sont habilités à rechercher et constater les infractions à la réglementation métrologique. Ils peuvent opérer sur la voie publique, pénétrer dans les lieux professionnels et procéder au contrôle des instruments et de leur documentation.
Organismes nationaux et internationaux
Au niveau national, la métrologie légale est coordonnée par le Bureau de la métrologie, qui fait partie de la sous-direction de la métrologie, de la qualité et de la propriété industrielle du ministère chargé de l’industrie.
Ce bureau élabore les textes réglementaires, participe à l’élaboration des directives européennes, approuve les nouveaux modèles d’instruments en liaison avec les DIRECCTE et coordonne les contrôles.
Le Laboratoire national de métrologie et d’essais (LNE) est également un acteur majeur. Il assure notamment l’examen de type des instruments, l’approbation des systèmes d’assurance de la qualité et la délivrance des certificats de conformité au niveau international.
Au niveau international, la France participe aux travaux de l’Organisation internationale de métrologie légale (OIML), qui établit des recommandations pour harmoniser les réglementations nationales, et à ceux de l’association WELMEC (Western European Legal Metrology Cooperation), qui vise à faciliter les échanges d’information et la coopération entre les autorités métrologiques européennes.
Obligations des détenteurs d’instruments de mesure
Maintien en conformité
Les détenteurs d’instruments de mesure réglementés ont l’obligation légale d’assurer l’adéquation à l’emploi, l’exactitude, le bon entretien et le fonctionnement correct de leurs instruments.
Concrètement, cela implique de :
- S’assurer que les instruments utilisés sont conformes à un type ayant obtenu un certificat d’examen de type (lorsque ce certificat est requis)
- Soumettre les instruments aux vérifications périodiques obligatoires
- Faire réparer les instruments défectueux par des professionnels qualifiés
- Mettre hors service les instruments qui ne satisfont plus aux exigences réglementaires
Le non-respect de ces obligations peut entraîner des sanctions, notamment lorsque les instruments sont utilisés pour des transactions commerciales ou des opérations fiscales. Les détenteurs risquent alors des amendes et la confiscation des instruments non conformes, ainsi que des poursuites pour tromperie si les instruments sont utilisés pour déterminer des quantités facturées aux clients.
Documentation et traçabilité
Les détenteurs d’instruments de mesure doivent également maintenir une documentation adéquate sur leurs instruments. Selon la catégorie d’instruments, cette obligation peut inclure :
- La conservation des certificats de vérification primitive et des certificats de vérification de l’installation
- La tenue d’un carnet métrologique répertoriant toutes les interventions sur l’instrument
- L’enregistrement des contrôles effectués par le détenteur lui-même
Ces documents doivent être tenus à la disposition des agents assermentés chargés du contrôle. Ils permettent d’établir la traçabilité des instruments et de démontrer leur conformité continue aux exigences réglementaires.
Pour les instruments soumis à déclaration d’installation, les détenteurs doivent s’assurer que cette formalité a bien été accomplie par l’installateur. Cette déclaration, adressée à la DIRECCTE, permet le suivi ultérieur de l’instrument par les autorités de contrôle.
Les entreprises qui utilisent de nombreux instruments de mesure réglementés dans le cadre de leur activité ont tout intérêt à mettre en place une gestion centralisée de ces obligations. Diverses réglementations spécifiques s’appliquent selon les catégories d’instruments, rendant parfois complexe cette gestion pour les non-experts.
Vous avez des questions sur les obligations liées au contrôle de vos instruments de mesure? Notre équipe d’avocats est à votre disposition.
Sources
- Décret n° 2001-387 du 3 mai 2001 relatif au contrôle des instruments de mesure
- Directive 2009/34/CE du 23 avril 2009 relative aux dispositions communes aux instruments de mesurage
- Directive 2004/22/CE du 31 mars 2004 sur les instruments de mesure (MID)
- Décret n° 2006-447 du 12 avril 2006 relatif à la mise sur le marché des instruments de mesure
- Arrêté du 31 décembre 2001 fixant les modalités d’application du décret du 3 mai 2001