La convention d’affacturage constitue le socle contractuel des relations entre l’entreprise et l’affactureur. Ce contrat-cadre fixe les droits, obligations et garanties des parties. Son analyse juridique révèle un équilibre parfois fragile entre protection de l’affactureur et intérêts de l’entreprise adhérente. Examinons ses caractéristiques essentielles.
Caractéristiques juridiques de la convention d’affacturage
Nature juridique du contrat
La convention d’affacturage est un contrat innomé, synallagmatique et à exécution successive. Elle repose sur un fort intuitus personae, élément déterminant dans la relation entre les parties. Ce contrat commercial obéit à la règle de la preuve libre selon l’article L. 110-3 du Code de commerce.
Sa qualification juridique précise reste complexe. La jurisprudence le distingue nettement des contrats voisins :
- Elle diffère de l’escompte car l’affactureur n’a généralement pas de recours contre l’adhérent en cas de défaillance du débiteur
- Elle se distingue du mandat puisque l’affactureur devient titulaire des créances
- Elle n’est pas assimilable à l’assurance-crédit car l’affactureur règle souvent 100% de la créance et immédiatement
La Cour de cassation qualifie ce contrat de sui generis, combinant des éléments de crédit, de gestion commerciale et de garantie de paiement.
Formation et durée du contrat
La conclusion s’effectue par signature d’un contrat-cadre accompagné d’une notice explicative sur le fonctionnement pratique du dispositif. Ces documents forment un ensemble contractuel indivisible.
La convention peut être à durée déterminée ou indéterminée. Dans ce dernier cas, chaque partie peut la dénoncer moyennant préavis. L’article L. 313-12 du Code monétaire et financier impose à l’affactureur un délai minimal de préavis de 60 jours (article D. 313-14-1).
Pour comprendre le fonctionnement et les enjeux juridiques fondamentaux de l’affacturage, notre article de synthèse sur l’affacturage présente une vue d’ensemble de ce mécanisme.
Formules contractuelles
La pratique a développé plusieurs variantes contractuelles :
- L’affacturage traditionnel (full factoring) : formule complète incluant financement, gestion des comptes clients et garantie de bonne fin
- L’affacturage à l’échéance (maturity factoring) : sans financement anticipé, mais avec gestion et garantie
- L’affacturage sans garantie (factoring with recourse) : financement et gestion, mais sans garantie contre l’insolvabilité
- L’affacturage confidentiel (undisclosed factoring) : sans notification aux débiteurs, l’adhérent recouvrant lui-même les créances
Ces variantes influencent directement la répartition des risques et les garanties exigées. Le choix de la formule constitue un point essentiel de la négociation que notre cabinet accompagne attentivement pour sécuriser vos opérations d’affacturage.
Obligations des parties au contrat
Obligations de l’adhérent
L’adhérent s’engage principalement à :
- Céder l’ensemble de ses créances (clause de globalité). Cette exclusivité permet à l’affactureur une compensation des risques mais reste relative – l’affactureur conserve un droit de sélection des créances.
- Fournir des informations complètes sur sa clientèle. Cette obligation de transparence conditionne la bonne gestion des risques par l’affactureur.
- Notifier le transfert aux débiteurs. Chaque facture doit mentionner que seul un paiement à l’affactureur est libératoire.
- Garantir l’existence des créances cédées. L’adhérent ne peut transmettre que des droits dont il est effectivement titulaire.
- Rémunérer l’affactureur selon les conditions convenues et mettre en place les garanties requises.
La jurisprudence sanctionne sévèrement les manquements à ces obligations, notamment la cession de créances fictives ou litigieuses. L’affactureur dispose alors d’un recours contre son adhérent.
Obligations de l’affactureur
L’affactureur assume plusieurs obligations essentielles :
- Payer les créances approuvées selon les modalités convenues (immédiatement ou à l’échéance)
- Garantir la bonne fin des créances à 100% pour les créances approuvées
- Gérer les comptes clients et assurer le recouvrement des créances
- Fournir des services complémentaires de gestion commerciale et d’information sur les débiteurs
La principale caractéristique qui distingue l’affacturage réside dans l’absence de recours contre l’adhérent en cas de défaillance du débiteur (pour les créances approuvées). En revanche, l’affactureur dispose d’un pouvoir de sélection des créances qui constitue sa première ligne de défense contre le risque.
Les mécanismes juridiques permettant le transfert effectif des créances de l’adhérent vers l’affactureur sont expliqués en détail dans notre article sur les mécanismes juridiques de l’affacturage.
Garanties et conditions financières
Rémunération de l’affactureur
La rémunération se décompose généralement en deux éléments :
- La commission de factoring (0,5% à 2,5% du montant des factures) qui rémunère les services de gestion et la garantie
- Les intérêts perçus en cas d’anticipation du paiement des factures, généralement supérieurs de 2 points au taux de base bancaire
Cette rémunération échappe aux limitations du taux d’usure car il s’agit de crédit entre professionnels, sauf si le crédit prend la forme d’un découvert (C. consom., art. L. 313-1 et C. mon. fin., art. L. 313-5-1).
Compte courant et mécanisme compensatoire
Un compte courant est ouvert entre les parties pour enregistrer leurs remises réciproques. Ce mécanisme offre plusieurs avantages :
- Simplification des règlements
- Fusion des créances réciproques en un solde unique
- Effet novatoire (l’entrée en compte vaut paiement)
Ce compte constitue en lui-même une première garantie pour l’affactureur grâce à l’affectation générale des créances et au mécanisme compensatoire. Son régime a été précisé par une jurisprudence constante de la Cour de cassation.
Sûretés et garanties complémentaires
L’affactureur exige généralement plusieurs garanties additionnelles :
- La retenue de garantie : pourcentage (10-20%) des créances transmises bloqué sur un compte distinct, constituant une forme de gage-espèces. Cette réserve reste la propriété de l’adhérent mais demeure indisponible.
- Garanties classiques : hypothèques, nantissements ou cautionnements personnels des dirigeants sociaux, fréquemment exigés.
- Clauses de recours conditionnels : permettant à l’affactureur de se retourner contre l’adhérent dans certains cas (inexistence de la créance, fraude).
Ces garanties sont analysées de façon approfondie par les tribunaux, notamment en cas de procédure collective. Leur efficacité peut être remise en cause comme l’explique notre article sur l’affacturage face aux procédures collectives.
Le traitement comptable et fiscal de ces garanties mérite également attention. Le Conseil d’État considère que les opérations d’affacturage sont exonérées de TVA, mais l’option pour l’assujettissement reste possible.
Limites et recours possibles
La convention d’affacturage peut comporter des risques pour l’adhérent, notamment en ce qui concerne l’opposabilité des exceptions par les débiteurs cédés. Ces risques sont analysés en détail dans notre étude sur l’opposabilité des exceptions en matière d’affacturage.
Les principales difficultés surviennent lorsque :
- Le débiteur refuse de payer en invoquant des exceptions liées au contrat commercial
- L’affactureur exerce un recours contre l’adhérent pour créance litigieuse
- Une procédure collective affecte l’une des parties
Les tribunaux ont développé une jurisprudence nuancée sur ces questions, équilibrant la protection du mécanisme d’affacturage et les droits légitimes des parties.
Conclusion
La convention-cadre d’affacturage nécessite une analyse juridique approfondie. Ses clauses déterminent l’équilibre économique et juridique de l’opération. Une négociation attentive et une rédaction précise conditionnent la sécurité des parties. Pour une analyse personnalisée de votre convention d’affacturage et l’optimisation de vos garanties, notre cabinet vous propose un accompagnement sur mesure.
Sources
- Code monétaire et financier, articles L. 313-12 à L. 313-14
- Code de commerce, article L. 110-3
- Code de la consommation, article L. 313-1
- Décret n° 2005-1743 du 30 décembre 2005 (délai de préavis)
- Cour de cassation, chambre commerciale, arrêts de principe sur le compte courant