L’ouverture d’une procédure collective bouleverse les relations juridiques entre les parties d’un contrat d’affacturage. La protection des droits de chacun devient un enjeu crucial. Comment préserver l’efficacité du mécanisme d’affacturage face aux règles impératives des procédures collectives ? Quelles stratégies peuvent déployer les parties pour sécuriser leur position ? Pour un accompagnement sur mesure, n’hésitez pas à consulter notre service d’avocats spécialisés en affacturage.
Impact de la procédure collective de l’adhérent
Validité des transferts de créances en période suspecte
La période suspecte précédant l’ouverture d’une procédure collective constitue une zone à risque pour les opérations d’affacturage. L’article L. 632-1 du Code de commerce prévoit la nullité de plein droit de certains actes réalisés pendant cette période.
Les transferts de créances professionnelles effectués par l’adhérent à l’affactureur en période suspecte ne sont pas annulables de plein droit. La Cour de cassation l’a clairement établi dans un arrêt du 17 juin 1980. Ces opérations constituent des paiements reçus par l’adhérent et non des paiements effectués par lui.
En revanche, ces transferts pourraient tomber sous le coup de l’article L. 632-2 du Code de commerce si l’affactureur avait connaissance de l’état de cessation des paiements du subrogeant lors du transfert. Toutefois, la jurisprudence admet que les opérations ne sont que l’application d’un contrat-cadre antérieur à la période suspecte.
Sort du contrat d’affacturage après l’ouverture de la procédure
La continuation du contrat d’affacturage après ouverture d’une procédure collective reste possible malgré son caractère intuitu personae. La Cour de cassation a établi que ce caractère ne fait pas obstacle à l’option de l’administrateur judiciaire prévue à l’article L. 622-13 du Code de commerce.
Lorsque le contrat est poursuivi, l’affactureur bénéficie du privilège des créanciers postérieurs pour :
- Le règlement des factures approuvées
- La rémunération de ses services en période d’observation
- Le remboursement de ses avances nouvelles
Ce traitement préférentiel est justifié par la contribution de l’affactureur à la poursuite de l’activité. Pour plus de détails sur les conventions d’affacturage, consultez notre analyse des obligations et garanties dans les contrats d’affacturage.
Déclaration des créances de l’affactureur
L’affactureur doit déclarer ses créances contre l’adhérent dans le délai légal de deux mois à compter de la publication du jugement au BODACC. Cette obligation concerne :
- Les commissions et agios dus avant l’ouverture
- Les créances issues d’un recours contre l’adhérent pour créances fictives
- Les avances sur créances non approuvées restées impayées
Le défaut de déclaration entraîne l’inopposabilité de la créance à la procédure. Cette sanction empêche toute compensation ultérieure entre les créances réciproques.
Recours et droits de l’affactureur face à la procédure
Compensation et contre-passation en compte courant
La compensation constitue un mécanisme de protection essentiel pour l’affactureur. Elle lui permet d’imputer les créances qu’il détient contre l’adhérent sur le solde créditeur du compte courant.
Pour être efficace, cette compensation doit respecter plusieurs conditions :
- Les créances doivent être connexes
- L’affactureur doit avoir déclaré sa créance dans les délais légaux
- Les éléments de la compensation doivent avoir existé avant le jugement d’ouverture
La jurisprudence reconnaît la connexité des créances affectées au compte courant. Dans deux arrêts majeurs du 1er mars 2005 et du 19 avril 2005, la Cour de cassation a validé les clauses permettant à l’affactureur de débiter le compte de son client des dettes dont celui-ci serait tenu à son égard.
La contre-passation joue également un rôle déterminant. Si elle intervient en cours de fonctionnement du compte courant, elle vaut paiement. En revanche, après clôture du compte due à l’ouverture d’une procédure collective, elle ne vaut paiement que si le solde est suffisamment créditeur pour absorber le débit.
Revendication des créances transférées
L’affactureur peut se prévaloir de sa qualité de propriétaire des créances régulièrement transférées avant l’ouverture de la procédure. Ces créances échappent à la procédure collective de l’adhérent.
Ce droit de propriété s’étend aux créances nées de contrats en cours d’exécution lors de l’ouverture de la procédure. La Cour de cassation a confirmé cette solution en 2004, reconnaissant que l’ouverture de la procédure ne porte pas atteinte aux effets de la cession réalisée avant, même si la créance n’est exigible qu’après.
Toutefois, cette position favorable à l’affactureur peut être fragilisée en cas de conflit avec d’autres titulaires de droits, comme nous l’expliquons dans notre article sur les conflits entre l’affactureur et les tiers.
Efficacité des garanties et sûretés
Les garanties mises en place par l’affactureur conservent leur efficacité malgré la procédure collective, sous certaines conditions :
- La retenue de garantie reste opposable aux créanciers de l’adhérent. Cette indisponibilité du compte de garantie est respectée par les tribunaux.
- Les cautionnements demeurent valables, même si la caution peut bénéficier de certaines dispositions protectrices en cas de procédure collective du débiteur principal.
- Le compte courant maintient son effet de garantie grâce au mécanisme compensatoire, sous réserve de connexité.
Ces mécanismes juridiques font l’objet d’un examen approfondi dans notre étude sur les mécanismes juridiques de l’affacturage.
Situation de la procédure collective du débiteur cédé
Déclaration et vérification des créances
Lorsque le débiteur cédé fait l’objet d’une procédure collective, l’affactureur doit déclarer les créances qu’il a acquises de l’adhérent. Il doit respecter le délai légal de déclaration sous peine d’extinction de sa créance.
La qualité de créancier appartient exclusivement à l’affactureur subrogé ou cessionnaire. L’adhérent ne peut plus déclarer une créance qu’il a transférée.
En revanche, si les créances n’ont pas été approuvées par l’affactureur mais ont simplement fait l’objet d’un mandat de recouvrement, l’obligation de déclarer incombe à l’adhérent qui reste le créancier.
Opposabilité des exceptions par le débiteur
Le débiteur en procédure collective conserve le droit d’opposer à l’affactureur les exceptions inhérentes à la créance. Il peut notamment invoquer :
- La nullité ou la résolution du contrat
- L’exception d’inexécution
- La compensation pour dettes connexes
Cette question de l’opposabilité des exceptions est cruciale dans le cadre international.
Recouvrement des créances en liquidation judiciaire
En cas de liquidation judiciaire du débiteur, l’affactureur se trouve soumis à la règle de l’interdiction des poursuites individuelles. Il ne peut engager ou poursuivre d’action en paiement contre le débiteur.
Le liquidateur devient l’interlocuteur unique pour le recouvrement des créances. L’affactureur doit suivre la procédure de vérification et d’admission des créances pour espérer un paiement.
Si le débiteur a versé à tort au liquidateur de l’adhérent les sommes dues à l’affactureur subrogé, ce dernier ne peut pas les revendiquer. Il s’agit d’une action en paiement soumise à la suspension des poursuites et à l’obligation de déclarer.
Pour comprendre les différentes facettes de l’affacturage et ses implications juridiques, notre guide complet sur l’affacturage offre une vision synthétique de ce mécanisme complexe.
Conclusion
L’articulation entre affacturage et procédures collectives révèle une tension permanente entre deux impératifs : la protection des mécanismes de financement et la préservation des droits des créanciers dans la procédure. La sécurisation des opérations d’affacturage exige une maîtrise fine des règles juridiques applicables et une anticipation des risques. Notre cabinet peut vous accompagner dans la protection de vos droits face aux procédures collectives impactant vos opérations d’affacturage.
Sources
- Code de commerce, articles L. 622-7, L. 622-13, L. 622-24, L. 632-1, L. 632-2
- Code monétaire et financier, articles L. 313-23 et suivants
- Cour de cassation, chambre commerciale, 8 décembre 1987 (continuation des contrats)
- Cour de cassation, chambre commerciale, 1er mars 2005 et 19 avril 2005 (compte courant)
- Cour de cassation, chambre commerciale, 7 décembre 2004 (cession de créances futures)