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De la demande à la délivrance : l’office du juge dans la procédure d’injonction de payer européenne

Table des matières

Vous envisagez de recouvrer une créance auprès d’un débiteur établi dans un autre État membre de l’Union européenne ? La procédure d’injonction de payer européenne pourrait être la solution adaptée à votre situation. Mais que contrôle exactement le juge saisi d’une telle demande ? Comment évalue-t-il votre dossier ?

Le contrôle exercé par le juge : un examen sommaire

L’une des caractéristiques essentielles de la procédure d’injonction de payer européenne réside dans le contrôle limité exercé par le juge. Selon l’article 8 du règlement (CE) n° 1896/2006, le juge examine simplement « si la demande semble fondée ».

Cette formulation traduit clairement la volonté du législateur européen : permettre un examen sommaire, non approfondi du bien-fondé de la créance. Le règlement précise même que cet examen « peut être effectué au moyen d’une procédure automatisée », comme c’est déjà le cas en Allemagne et en Autriche.

Étendue du contrôle : que vérifie réellement le juge ?

Le juge vérifie principalement quatre éléments :

  1. Le caractère transfrontalier du litige (article 3)
  2. La nature pécuniaire, liquide et exigible de la créance (article 4)
  3. Sa compétence internationale (article 6)
  4. Le contenu de la demande (article 7)

Cette vérification s’effectue en scrutant le formulaire standardisé A, complété par le demandeur. En pratique, le juge ne contrôle pas l’exactitude des informations fournies, mais leur vraisemblance.

Cette approche « sans preuve » s’éloigne du modèle français qui exige habituellement la production de justificatifs à l’appui de la demande. Ici, le demandeur se contente de décrire les éléments de preuve sans les produire.

L’invitation à compléter ou rectifier : une seconde chance

Quand la demande est incomplète ou présente des irrégularités, le juge doit inviter le demandeur à la compléter ou la rectifier (article 9 du règlement).

Cette obligation connaît une exception : lorsque la demande est « manifestement non fondée ou irrecevable ». Dans ce cas, le juge peut la rejeter immédiatement.

Pour inviter le demandeur à régulariser sa demande, le juge utilise le formulaire B annexé au règlement. Il fixe alors un délai « approprié aux circonstances » que le demandeur doit respecter sous peine de rejet.

Les issues possibles : trois scénarios envisageables

Le juge dispose de trois options :

1. Le rejet de la demande

Selon l’article 11 du règlement, la demande peut être rejetée quand :

  • Les conditions des articles 2, 3, 4, 6 et 7 ne sont pas remplies
  • La demande est manifestement non fondée
  • Le demandeur n’a pas complété ou rectifié sa demande dans le délai imparti
  • Le demandeur a refusé une proposition d’injonction partielle

En cas de rejet, le demandeur reçoit un formulaire D expliquant les motifs. Ce rejet n’a pas l’autorité de chose jugée et n’empêche pas une nouvelle demande.

2. L’accueil partiel : la proposition d’injonction partielle

Mécanisme original, la proposition d’injonction partielle permet au juge, lorsque les conditions ne sont remplies que pour une partie de la créance, de proposer au demandeur une injonction réduite (article 10).

Le juge utilise alors le formulaire C pour formuler sa proposition. Le demandeur doit accepter ou refuser expressément cette offre. S’il l’accepte, le juge délivre l’injonction pour le montant réduit. S’il refuse ou ne répond pas, la demande est rejetée intégralement.

En droit français, l’article 1424-3 du Code de procédure civile précise que le demandeur ne peut plus agir pour le reliquat s’il accepte la proposition partielle, sauf à renoncer à signifier l’ordonnance.

3. L’admission intégrale : délivrance de l’injonction

Si toutes les conditions sont remplies, le juge délivre l’injonction de payer européenne en utilisant le formulaire E (article 12).

Le règlement fixe un objectif de célérité : l’injonction doit être délivrée « en principe dans un délai de trente jours à compter de l’introduction de la demande ». Cependant, les statistiques révèlent que ce délai n’est respecté que dans certains États membres.

Les informations communiquées au défendeur : un enjeu crucial

L’injonction de payer notifiée au défendeur contient des informations capitales, notamment :

  • L’origine de l’injonction (« sur le seul fondement des informations fournies par le demandeur »)
  • Les options qui s’offrent à lui (payer ou former opposition)
  • Le délai d’opposition (30 jours)
  • Les conséquences d’une absence d’opposition (caractère exécutoire de l’injonction)

Ces mentions garantissent l’information du défendeur et conditionnent la régularité de la procédure.

Sources

  • Règlement (CE) n° 1896/2006 du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2006 instituant une procédure européenne d’injonction de payer
  • Code de procédure civile, articles 1424-1 à 1424-15
  • Rapport de la Commission au Parlement européen, au Conseil et au Comité économique et social européen sur l’application du règlement (CE) n° 1896/2006 (COM(2015) 495 final)
  • CJUE, 1re ch., 13 déc. 2012, Iwona Szyrocka c/ SiGer Technologie GmbH, aff. C-215/11

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