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Découvrir qu’un concurrent imite ou copie l’apparence de votre produit, celle que vous avez mis du temps à concevoir et que vous avez pris soin de protéger par un enregistrement de dessin ou modèle, est souvent une expérience désagréable et préjudiciable pour votre activité. La copie peut détourner vos clients, dévaloriser votre image et réduire à néant vos efforts d’innovation et vos investissements. Face à une telle situation, rester passif n’est pas une option. Heureusement, le droit français vous offre un arsenal d’outils juridiques pour réagir, faire cesser l’atteinte à vos droits et obtenir réparation du préjudice subi.
L’action en contrefaçon est la voie principale pour défendre votre monopole, mais elle n’est pas la seule. D’autres procédures existent, notamment pour agir en urgence ou pour rassembler les preuves nécessaires avant un procès au fond. Comprendre ces différents recours, leurs conditions et leurs objectifs vous permettra de choisir la stratégie la plus adaptée pour protéger efficacement vos actifs immatériels. Cet article présente les principaux moyens d’action à votre disposition en France pour défendre vos dessins et modèles enregistrés.
L’action en contrefaçon : la voie principale
L’action en contrefaçon est l’action en justice fondamentale qui permet au titulaire d’un droit de dessin ou modèle de faire reconnaître et sanctionner l’atteinte portée à son monopole d’exploitation.
Qui peut agir en justice ?
Le droit d’engager une action en contrefaçon appartient en premier lieu au propriétaire du dessin ou modèle enregistré, tel qu’inscrit au Registre National des Dessins et Modèles (RNDM). Si le droit a été vendu (cédé), c’est le nouveau propriétaire (cessionnaire) qui pourra agir, à condition que la cession ait été inscrite au RNDM pour être opposable aux tiers (article L. 513-3 du CPI).
Le licencié exclusif (celui qui a obtenu une autorisation d’exploiter le modèle avec une garantie d’exclusivité sur un territoire donné) dispose également d’un droit d’agir, mais de manière subsidiaire. L’article L. 521-2 du CPI précise qu’il ne peut le faire que si, après avoir mis en demeure le propriétaire du dessin ou modèle d’agir, celui-ci n’agit pas. Le contrat de licence peut toutefois prévoir des modalités différentes.
Quant au licencié simple (non exclusif), il ne peut pas engager lui-même l’action en contrefaçon. Cependant, il peut intervenir dans l’instance engagée par le propriétaire pour demander la réparation du préjudice qui lui est propre (par exemple, la perte de chiffre d’affaires due à la contrefaçon).
Quand et où agir ?
L’action en contrefaçon peut être engagée dès que les actes litigieux sont commis, mais elle n’est recevable devant le tribunal qu’après la publication de l’enregistrement de votre dessin ou modèle au Bulletin Officiel de la Propriété Industrielle (BOPI). Avant cette publication, vous ne pouvez agir que si vous parvenez à prouver la mauvaise foi du contrefacteur présumé (c’est-à-dire qu’il connaissait votre dépôt non encore publié), comme le prévoit l’article L. 521-1 du CPI.
Attention aux délais : l’action civile en contrefaçon se prescrit par cinq ans à compter du jour où le titulaire du droit a connu ou aurait dû connaître le dernier fait de contrefaçon lui permettant d’exercer son action (article L. 521-3 CPI). L’action pénale, elle, se prescrit par six ans. Il est donc important de ne pas tarder à réagir une fois la contrefaçon découverte.
Concernant le tribunal compétent, toutes les actions civiles en matière de dessins et modèles (contrefaçon, nullité…) relèvent de la compétence exclusive d’un nombre limité de tribunaux judiciaires désignés par décret. Actuellement, il s’agit des tribunaux de Bordeaux, Lille, Lyon, Marseille, Nanterre, Nancy, Paris, Rennes, Strasbourg et Fort-de-France (article L. 521-3-1 CPI). Vous ne pouvez donc pas saisir n’importe quel tribunal. Le choix se fera généralement en fonction du domicile du défendeur ou du lieu où les actes de contrefaçon ont été commis.
Comment prouver la contrefaçon ?
C’est le cœur de l’action. Pour obtenir gain de cause, vous devrez démontrer au tribunal que le produit ou l’apparence utilisés par le défendeur constituent une contrefaçon de votre dessin ou modèle enregistré. La preuve implique généralement deux étapes :
- Prouver vos droits : Vous devez justifier que vous êtes bien le titulaire du droit invoqué (en produisant le certificat d’enregistrement) et que ce droit est en vigueur (dépôt publié, taxes de prorogation payées…).
- Prouver l’atteinte : Vous devez montrer que le produit du défendeur reproduit les caractéristiques protégées par votre enregistrement. Comme nous l’avons vu dans l’article précédent, la protection couvre non seulement la reproduction à l’identique, mais aussi toute apparence qui « ne produit pas sur l’observateur averti une impression visuelle d’ensemble différente » (article L. 513-5 CPI). La comparaison se fait donc entre votre modèle tel qu’enregistré et le produit argué de contrefaçon, en se plaçant du point de vue de cet utilisateur informé du secteur. Il faut identifier les ressemblances portant sur les éléments essentiels qui donnent son caractère propre à votre création.
La preuve peut être apportée par tous moyens : comparaison des produits, catalogues, publicités, témoignages, constats d’huissier… Mais un outil spécifique est souvent très utile pour établir la matérialité des faits : la saisie-contrefaçon.
Obtenir des preuves : la saisie-contrefaçon
Prouver la contrefaçon peut être difficile, surtout si les actes se déroulent chez le concurrent ou si vous manquez d’informations sur l’étendue de la copie (quantités fabriquées, circuits de distribution…). La saisie-contrefaçon est une procédure spécifique au droit de la propriété intellectuelle, conçue pour vous aider à recueillir ces preuves avant même d’engager le procès au fond.
Qu’est-ce que c’est ?
Prévue par l’article L. 521-4 du CPI, la saisie-contrefaçon vous permet, après avoir obtenu l’autorisation du président du tribunal judiciaire compétent (saisi sur requête, donc sans que l’adversaire soit prévenu), de mandater un huissier de justice pour se rendre dans les locaux du contrefacteur présumé (ou de toute personne détenant des produits contrefaisants : distributeur, importateur…). L’huissier pourra alors, selon ce qu’a autorisé le juge :
- Décrire de manière détaillée les objets ou procédés argués de contrefaçon.
- Procéder à une saisie réelle, c’est-à-dire prélever des échantillons des produits litigieux.
En matière de dessins et modèles, la saisie réelle est généralement limitée à quelques exemplaires servant de preuve, contrairement au droit d’auteur où elle peut parfois viser le stock entier.
Objectif et utilité
L’objectif principal est de constituer une preuve incontestable de l’existence de la contrefaçon et de son étendue. Le procès-verbal dressé par l’huissier, accompagné des descriptions et éventuellement des échantillons saisis, sera une pièce maîtresse de votre dossier lors du procès au fond. Elle permet aussi parfois de découvrir des informations sur l’origine des produits, les quantités, les fournisseurs…
Conditions et risques
La saisie-contrefaçon est une mesure intrusive, réalisée sans débat contradictoire préalable. Elle est donc strictement encadrée :
- Autorisation judiciaire indispensable : Vous devez présenter une requête motivée au président du tribunal, en justifiant de vos droits (produire le certificat d’enregistrement) et en fournissant des éléments rendant la contrefaçon vraisemblable.
- Délais stricts pour agir au fond : Après la saisie, vous disposez d’un délai très court (vingt jours ouvrables ou trente et un jours civils, selon ce qui est le plus long) pour assigner le saisi devant le tribunal compétent au fond (en contrefaçon). Si vous ne respectez pas ce délai, la saisie est automatiquement nulle et ne pourra plus être utilisée comme preuve.
- Saisie à vos risques et périls : Si la saisie s’avère finalement injustifiée (parce que la contrefaçon n’est pas reconnue par le tribunal, ou que votre propre titre est annulé) ou si elle est menée de manière abusive, vous pouvez être condamné à indemniser le saisi pour le préjudice subi. Le juge peut d’ailleurs exiger une caution de votre part avant d’autoriser la saisie.
Malgré ces contraintes, la saisie-contrefaçon reste un outil souvent décisif dans la stratégie de défense des droits de dessins et modèles.
Agir en urgence : l’interdiction provisoire
Parfois, la contrefaçon cause un préjudice immédiat et important, et attendre l’issue d’un procès au fond (qui peut prendre des mois, voire des années) n’est pas envisageable. C’est le cas, par exemple, si un concurrent s’apprête à lancer une copie massive de votre produit phare juste avant un salon professionnel important. Dans ces situations d’urgence, vous pouvez demander au juge d’ordonner des mesures provisoires.
Quand l’utiliser ?
L’article L. 521-6 du CPI permet à toute personne ayant qualité pour agir en contrefaçon de saisir le président du tribunal judiciaire, statuant en référé (procédure d’urgence), pour demander toute mesure visant à prévenir une atteinte imminente à ses droits ou à faire cesser provisoirement une atteinte déjà commencée.
La procédure et les mesures possibles
Il s’agit d’une procédure rapide où le juge prend une décision provisoire après avoir entendu les deux parties (sauf circonstances exceptionnelles justifiant une ordonnance sur requête). Pour obtenir ces mesures, vous devez apporter des éléments de preuve rendant vraisemblable l’atteinte à vos droits. Le juge n’a pas à trancher le fond du litige à ce stade, mais il évalue si l’urgence et la vraisemblance de la contrefaçon justifient une intervention immédiate.
S’il estime la demande fondée, le juge peut ordonner, souvent sous astreinte (pénalité financière par jour de retard) :
- L’interdiction provisoire de poursuivre les actes argués de contrefaçon (interdiction de fabriquer, vendre, importer…).
- La saisie provisoire des produits soupçonnés de contrefaçon pour empêcher leur entrée ou leur circulation dans les circuits commerciaux.
- La constitution de garanties par le défendeur pour assurer l’indemnisation éventuelle du demandeur.
Ces mesures sont provisoires et devront être confirmées (ou infirmées) par le jugement au fond. Comme pour la saisie-contrefaçon, si vous obtenez des mesures provisoires avant d’avoir saisi le juge du fond, vous devrez le faire dans un délai strict, faute de quoi les mesures seront annulées. Le juge peut aussi vous demander de fournir une garantie pour indemniser le défendeur si les mesures se révèlent injustifiées.
Les autres outils utiles
Au-delà de l’action en contrefaçon, de la saisie et du référé, d’autres mécanismes peuvent vous aider à défendre vos droits.
La retenue en douane
Si vous suspectez que des produits contrefaisants risquent d’être importés en France (ou exportés), vous pouvez déposer une demande d’intervention auprès des services douaniers français (et/ou européens) via le règlement UE 608/2013). Sur la base de cette demande, si les douanes interceptent des marchandises suspectes correspondant à la description fournie, elles peuvent les retenir et vous en informer (article L. 521-14 CPI).
Vous disposez alors d’un délai court (généralement 10 jours ouvrables) pour engager une action en justice (civile ou pénale) et obtenir une décision ordonnant la saisie ou l’interdiction. À défaut, la retenue est levée. C’est un outil très efficace pour bloquer les flux de contrefaçon aux frontières.
Le droit d’information
Parfois, vous savez qu’il y a contrefaçon, mais vous manquez d’informations sur l’ampleur du réseau : qui est le fabricant initial ? Quels sont les distributeurs ? Quelles quantités ont été écoulées ? L’article L. 521-5 du CPI instaure un droit d’information.
Sur votre demande, le juge saisi de l’action en contrefaçon (au fond ou en référé) peut ordonner au défendeur, ou même à des tiers impliqués dans le réseau (fournisseurs, transporteurs, distributeurs…) qui détiennent des informations pertinentes, de communiquer des documents ou renseignements sur :
- L’origine et les réseaux de distribution des produits contrefaisants.
- Les quantités produites, commercialisées, reçues ou commandées.
- Le prix obtenu pour ces produits.
C’est un moyen d’enquête judiciaire précieux pour mieux cerner l’étendue de la contrefaçon et évaluer votre préjudice.
Les sanctions de la contrefaçon
Si le tribunal reconnaît la contrefaçon, il prononcera des sanctions contre le responsable. Ces sanctions peuvent être civiles et/ou pénales.
Sanctions civiles
Elles visent principalement à faire cesser l’atteinte et à réparer le préjudice subi par le titulaire du droit :
- Interdiction de poursuivre les actes de contrefaçon, souvent sous astreinte.
- Rappel des circuits commerciaux, voire destruction des produits contrefaisants et des matériels ayant servi à leur fabrication.
- Confiscation des produits au profit du titulaire (parfois).
- Allocation de dommages-intérêts pour réparer l’intégralité du préjudice. L’article L. 521-7 du CPI précise que le juge doit prendre en compte distinctement :
- Les conséquences économiques négatives (le manque à gagner pour le titulaire, la perte subie).
- Le préjudice moral (atteinte à l’image, banalisation de la création…).
- Les bénéfices réalisés par le contrefacteur (y compris les économies d’investissements).
- Alternativement, le juge peut allouer une somme forfaitaire qui ne peut être inférieure aux redevances qui auraient été dues si une licence avait été accordée.
- Publication du jugement (aux frais du contrefacteur), comme mesure de réparation complémentaire et de dissuasion.
Sanctions pénales
Si la contrefaçon a été commise intentionnellement (« sciemment »), elle constitue également un délit pénal (article L. 521-10 CPI). Les peines encourues sont lourdes :
- Jusqu’à trois ans d’emprisonnement.
- Jusqu’à 300 000 euros d’amende (montants quintuplés pour les personnes morales).
Ces peines peuvent être doublées en cas de récidive ou si les faits sont commis en bande organisée. D’autres peines complémentaires peuvent s’ajouter, comme la fermeture temporaire ou définitive de l’établissement du contrefacteur. La voie pénale est souvent plus dissuasive, mais nécessite de prouver l’intention coupable du contrefacteur.
Sources
- Code de la propriété intellectuelle (CPI), Titre II du Livre V (Articles L. 521-1 à L. 521-14).
- Code de procédure civile (pour les règles de compétence et de procédure).
- Code pénal (pour certaines peines complémentaires).
- Règlement (UE) n° 608/2013 du Parlement européen et du Conseil du 12 juin 2013 concernant le contrôle, par les autorités douanières, du respect des droits de propriété intellectuelle.
D’accord, voici la proposition de rédaction pour l’Article 5, toujours en suivant scrupuleusement le plan et vos directives.
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