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Garanties autonomes et contre-garanties en droit bancaire international : maîtriser l’autonomie et les conflits de lois

Table des matières

Les garanties et contre-garanties autonomes sont des instruments fondamentaux du commerce international, offrant une sécurité de paiement appréciée des opérateurs économiques. Cependant, leur nature juridique complexe et la multiplicité des acteurs impliqués (donneur d’ordre, garant, bénéficiaire, contre-garant) créent un terrain fertile pour les conflits de lois. Déterminer quelle législation s’applique en cas de litige est un exercice délicat, mais essentiel pour sécuriser les transactions. Ces mécanismes constituent des cas d’étude avancés en droit bancaire international des conflits de lois, où l’expertise juridique prévient des risques financiers importants.

La garantie autonome en droit international privé : définition et enjeux

La garantie autonome, souvent qualifiée de garantie à première demande, est un engagement de paiement pris par un garant (généralement une banque) à la demande d’un donneur d’ordre (son client) au profit d’un bénéficiaire. Il s’agit d’un crédit par signature, une création de la pratique commerciale internationale (la *lex mercatoria*) avant d’être consacrée par la loi, notamment à l’article 2321 du Code civil. Sa particularité réside dans son caractère autonome : le garant s’oblige à payer le bénéficiaire dès lors que les conditions formelles prévues dans l’acte de garantie sont remplies, sans pouvoir opposer des exceptions tirées du contrat de base conclu entre le donneur d’ordre et le bénéficiaire.

Cette indépendance est la pierre angulaire de son efficacité. Elle la distingue d’autres outils de sécurisation. Contrairement à un cautionnement, qui est l’accessoire de la dette principale, la garantie autonome est un engagement principal et indépendant. Sa mise en œuvre ne dépend que de la présentation des documents stipulés dans la garantie elle-même. Cet instrument se différencie également des techniques de financement par mobilisation de créances, qui reposent sur le transfert d’un actif existant, alors que la garantie crée une nouvelle obligation de paiement à la charge du garant.

Le rôle des ruu 758 de la cci

Face à la diversité des pratiques nationales, la Chambre de Commerce Internationale (CCI) a joué un rôle unificateur en élaborant des règles uniformes. Les Règles et Usances Uniformes relatives aux Garanties sur Demande, dont la version la plus récente est la publication n° 758 (RUU 758), constituent aujourd’hui le standard de référence mondial. Ces règles n’ont pas force de loi. Leur application découle de la volonté des parties, qui choisissent de les intégrer par référence dans leur contrat de garantie. En pratique, la quasi-totalité des garanties bancaires internationales s’y soumettent, ce qui permet d’harmoniser les pratiques et d’offrir une prévisibilité accrue aux opérateurs. Les RUU 758 définissent les obligations des parties, les conditions d’examen des demandes de paiement et traitent même de la loi applicable en l’absence de choix des parties.

L’autonomie de la garantie par rapport au contrat de base

Le principe d’autonomie est la règle cardinale qui gouverne la garantie. Cela signifie que l’engagement du garant est complètement déconnecté du contrat commercial sous-jacent (vente de marchandises, contrat de construction, etc.). Le garant ne peut et ne doit pas s’immiscer dans les relations entre le donneur d’ordre et le bénéficiaire. Si le bénéficiaire présente une demande de paiement conforme aux termes de la garantie, le garant doit payer, même si le donneur d’ordre affirme avoir parfaitement exécuté ses obligations contractuelles.

Cette rigueur assure la liquidité et la certitude de l’instrument. Toutefois, ce principe connaît une limite importante : l’appel manifestement abusif ou frauduleux. Si le garant a la preuve immédiate et évidente que le bénéficiaire invoque la garantie de mauvaise foi, en sachant pertinemment que le donneur d’ordre n’a commis aucune faute, il peut refuser de payer. L’appréciation de cet abus est délicate et souvent soumise au contrôle du juge. Cette question soulève des enjeux complexes, notamment l’interaction entre la loi du contrat de garantie et les lois de police du for, qui peuvent être invoquées pour paralyser un appel frauduleux.

La loi applicable à la relation entre le donneur d’ordre et le garant de premier rang

La relation entre l’entreprise qui sollicite la garantie (le donneur d’ordre) et sa banque (le garant) est matérialisée par un contrat d’ouverture de crédit par signature. La détermination de la loi applicable à ce rapport est gouvernée par les règles de droit international privé des contrats, principalement le Règlement Rome I (CE) n° 593/2008 pour les contrats conclus après le 17 décembre 2009.

Le principe premier est celui de la liberté contractuelle. Les parties sont libres de choisir la loi qui régira leur convention. Cette liberté, connue comme le principe d’autonomie de la volonté, est fondamentale en droit des contrats internationaux. En pratique, le contrat liant le donneur d’ordre et sa banque étant le plus souvent conclu dans le même pays, la loi choisie est presque systématiquement la loi locale. À défaut de choix exprès, le Règlement Rome I désigne la loi du pays avec lequel le contrat présente les liens les plus étroits. Pour un contrat de prestation de services, il s’agit de la loi du pays de résidence habituelle du prestataire. Dans ce cas, le prestataire de la « prestation caractéristique » est le garant. La loi applicable sera donc celle du siège de la banque garante.

La loi applicable à la relation entre le garant de premier rang et le bénéficiaire

La relation entre le garant et le bénéficiaire constitue le cœur de la garantie autonome. C’est un engagement unilatéral du garant envers le bénéficiaire. Ici aussi, les parties peuvent choisir la loi applicable, mais cela reste peu fréquent dans la pratique. En l’absence de choix, la détermination de la loi compétente est plus débattue.

Le Règlement Rome I présume que la loi applicable est celle de la résidence de la partie qui fournit la prestation caractéristique. Dans ce rapport, le garant est le seul débiteur d’une obligation : celle de payer. La prestation caractéristique est donc la sienne, ce qui devrait conduire à appliquer la loi du pays du garant. Cette solution offre l’avantage de la simplicité et de la prévisibilité pour la banque, qui connaît parfaitement le cadre légal dans lequel elle opère.

Cependant, une autre approche, souvent privilégiée par la jurisprudence et la pratique pour des raisons de protection des attentes légitimes du bénéficiaire, consiste à retenir la loi du lieu de paiement de la garantie. L’objectif pour le bénéficiaire est d’obtenir des fonds dans un lieu et une monnaie qui lui sont familiers. La sécurité de l’opération dépend, pour lui, de la certitude d’être payé selon des règles qu’il maîtrise. Cette solution peut être retenue par le juge via la « clause d’exception » du Règlement Rome I, qui permet d’écarter la présomption générale si le contrat présente des liens « manifestement plus étroits » avec un autre pays, comme celui du lieu de paiement.

Les contre-garanties : déterminer la loi applicable aux relations interbancaires

Dans les opérations internationales, il est courant que le garant de premier rang (la banque du donneur d’ordre) ne soit pas directement en relation avec le bénéficiaire étranger. Il demande alors à une banque dans le pays du bénéficiaire d’émettre la garantie locale. Pour se couvrir, le garant de premier rang demande à cette banque locale de lui fournir une « contre-garantie ». Nous avons alors une chaîne de garanties : une contre-garantie liant les deux banques, et une garantie finale liant la banque locale au bénéficiaire.

La loi applicable à la contre-garantie, qui est un rapport purement interbancaire, obéit aux mêmes principes. En l’absence de choix, l’analyse se concentre à nouveau sur la prestation caractéristique. Le contre-garant s’engage à rembourser le garant de premier rang si ce dernier est appelé en paiement. La prestation caractéristique est donc celle du contre-garant, ce qui milite pour l’application de la loi de son siège. Cependant, ici encore, la clause d’exception peut jouer un rôle, la jurisprudence considérant parfois que l’ensemble de l’opération est si étroitement lié que la loi de la garantie principale devrait également s’appliquer à la contre-garantie pour assurer une cohérence d’ensemble.

L’application de la clause d’exception dans la jurisprudence anglaise

Les tribunaux anglais ont largement contribué à façonner le droit applicable aux garanties autonomes, notamment en faisant un usage notable de la clause d’exception. Dans des affaires comme *Samcrete Egypt Engineers and Contractors SAE v. Land Rover Exports Ltd.*, les juges ont montré leur pragmatisme. Alors que la présomption de base (loi du garant) désignait la loi égyptienne, la cour a appliqué la loi anglaise. Elle a estimé que des facteurs comme le lieu de paiement (l’Angleterre), la monnaie du contrat et le contexte global de la transaction commerciale créaient des liens manifestement plus étroits avec l’Angleterre, justifiant d’écarter la règle par défaut.

De même, dans l’affaire *British Arab Commercial Bank Plc. v. Bank of Communications*, la Haute Cour a jugé qu’une contre-garantie était régie par le droit syrien, comme la garantie principale qu’elle couvrait, et non par le droit anglais (loi du contre-garant). Elle a fondé sa décision sur le lien indissociable entre les deux instruments et sur le fait que l’interprétation de la validité de l’appel dépendait de la loi régissant la garantie principale. Ces décisions illustrent que, malgré les règles posées par les textes, la détermination de la loi applicable reste une analyse au cas par cas où le contexte économique et les liens factuels de l’opération peuvent l’emporter sur les présomptions légales.

La complexité de ces instruments et l’incertitude juridique qui peut entourer leur mise en jeu démontrent l’importance d’une rédaction méticuleuse des clauses de garantie, y compris celles relatives à la loi applicable et au tribunal compétent. Pour structurer, rédiger et sécuriser vos garanties et contre-garanties internationales, l’accompagnement par un avocat compétent en droit bancaire et financier est une précaution indispensable.

Sources

  • Code civil (notamment l’article 2321)
  • Règlement (CE) n° 593/2008 du 17 juin 2008 sur la loi applicable aux obligations contractuelles (Rome I)
  • Convention de Rome du 19 juin 1980 sur la loi applicable aux obligations contractuelles
  • Règles et Usances Uniformes relatives aux garanties sur demande (RUU 758) de la Chambre de Commerce Internationale (CCI)

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