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Indemnisation et protection des clients en cas de défaillance des banques et assureurs

Table des matières

La défaillance d’une banque ou d’une compagnie d’assurance est un événement redouté qui peut susciter une inquiétude légitime chez les particuliers et les chefs d’entreprise. Contrairement à une idée reçue, la faillite d’un établissement financier ne signifie pas la perte automatique des fonds ou des droits des clients. Des mécanismes de protection spécifiques et robustes existent, conçus pour préserver la confiance et la stabilité du système. Ces dispositifs s’inscrivent dans un cadre juridique global et spécifique aux entreprises réglementées, qui déroge sur de nombreux points au droit commun des entreprises en difficulté. Comprendre le fonctionnement de cette protection est essentiel pour tout déposant, investisseur ou assuré.

Les fondements de la protection de la clientèle

La protection des clients des entreprises du secteur financier ne relève pas du droit commun des procédures collectives. Elle est organisée par des textes spécifiques qui visent un double objectif : éviter la contagion d’une crise à l’ensemble du système et garantir le remboursement des avoirs des clients dans des conditions et délais définis.

Le contexte post-crise et les objectifs européens

La crise financière mondiale de 2008, marquée par la faillite de la banque Lehman Brothers, a agi comme un électrochoc. Elle a mis en lumière le risque dit systémique, c’est-à-dire le risque qu’une défaillance isolée ne se propage en cascade et ne déstabilise toute l’économie, ce qui souligne l’importance des mécanismes de sécurisation des marchés financiers et des systèmes de paiement. Pour éviter qu’un tel scénario ne se reproduise et pour que les contribuables n’aient plus à supporter le coût du sauvetage des banques, l’Union européenne a profondément remanié sa législation. Des directives comme la directive sur le redressement et la résolution des établissements de crédit (BRRD) ont instauré des procédures de résolution administrative. Celles-ci permettent de gérer la défaillance d’une banque de manière ordonnée, en faisant contribuer en priorité ses actionnaires et certains de ses créanciers, un mécanisme connu sous le nom de renflouement interne (ou bail-in). Parallèlement, le cadre de la garantie des dépôts a été uniformisé et renforcé pour rassurer les épargnants et prévenir les mouvements de panique (bank run).

Les mécanismes de garantie : une indemnisation externe à la procédure collective

Le pilier central de la protection des clients repose sur des fonds de garantie. Il ne s’agit pas de puiser dans les actifs de l’établissement défaillant pour indemniser les clients, mais de faire appel à un mécanisme d’assurance mutualisé, financé en amont par les contributions de tous les établissements du secteur. Ces fonds agissent comme un dispositif externe à la procédure de liquidation judiciaire. Leur intervention est déclenchée par l’autorité de supervision, l’Autorité de Contrôle Prudentiel et de Résolution (ACPR) en France, lorsqu’elle constate que l’établissement n’est plus en mesure de restituer les avoirs de ses clients. Cette approche permet une indemnisation rapide et distincte du sort des autres créanciers de l’entreprise.

Le fonds de garantie des dépôts et de résolution (FGDR)

Le FGDR est l’acteur principal de la protection des clients des banques, des sociétés de financement et des entreprises d’investissement en France. Il est chargé de gérer plusieurs mécanismes, chacun avec un périmètre et des plafonds d’indemnisation propres.

Périmètre et plafonds d’indemnisation

L’intervention du FGDR couvre plusieurs types d’avoirs, avec des règles de protection différentes. Il est essentiel de bien les distinguer.
La garantie des dépôts couvre l’ensemble des sommes laissées en compte courant, sur des comptes à terme, des livrets d’épargne (hors Livret A, LDDS et LEP qui sont garantis par l’État) ou des plans d’épargne logement (PEL). L’indemnisation est plafonnée à 100 000 euros par déposant et par établissement. Ce plafond s’applique à l’ensemble des comptes d’un même client au sein d’une même banque. Pour un compte joint, chaque cotitulaire dispose de son propre plafond de 100 000 euros.
La garantie des titres protège les investisseurs dont les instruments financiers (actions, obligations, parts d’OPCVM) inscrits sur un compte-titres ou un Plan d’Épargne en Actions (PEA) deviendraient indisponibles. Le plafond d’indemnisation est ici de 70 000 euros par investisseur et par établissement.
La garantie des cautions couvre les engagements de caution réglementés, souscrits par des professionnels (constructeurs, agents immobiliers, etc.) auprès d’un établissement de crédit. L’indemnisation est de 90 % du montant de la caution, avec un minimum non indemnisé de 3 000 euros.
Certains dépôts et instruments sont explicitement exclus de la garantie. C’est le cas par exemple des dépôts entre banques, des dépôts des organismes d’assurance ou de certaines entités publiques.

Processus et délais d’indemnisation

Le processus est initié par une décision de l’ACPR qui constate « l’indisponibilité des dépôts » et saisit le FGDR. À partir de ce moment, les délais légaux d’indemnisation commencent à courir. Pour la garantie des dépôts, ce délai est particulièrement court : 7 jours ouvrables. Le FGDR prend directement contact avec les clients pour leur verser l’indemnité, sans qu’aucune démarche de leur part ne soit nécessaire dans un premier temps. Une fois l’indemnisation versée, le FGDR est subrogé dans les droits du client. Concrètement, cela signifie que le fonds prend la place du client en tant que créancier dans la procédure de liquidation de l’établissement, afin de tenter de récupérer les sommes avancées sur les actifs restants de la banque. Pour la garantie des titres, le délai d’indemnisation est plus long, généralement de trois mois, en raison de la complexité des vérifications à effectuer.

Les fonds de garantie pour les assurances (FGAP et FGAO)

Le secteur de l’assurance dispose également de ses propres fonds de garantie pour protéger les assurés en cas de défaillance d’une compagnie. Leur fonctionnement et leur champ d’intervention sont adaptés aux spécificités des contrats d’assurance.

Le fonds de garantie des assurés contre la défaillance des sociétés d’assurance de personnes (FGAP)

Le FGAP intervient en cas de défaillance d’une entreprise d’assurance vie, de capitalisation ou couvrant des risques de dommages corporels (accidents, maladie). Sa mission première est de préserver la continuité des contrats. Saisi par l’ACPR, le FGAP lance un appel d’offres pour transférer le portefeuille de contrats de la société défaillante à une ou plusieurs autres compagnies. Si le transfert aboutit, les contrats continuent avec le repreneur. Si aucun transfert n’est possible, le FGAP indemnise directement les assurés. L’indemnisation est plafonnée à 70 000 euros par assuré et par entreprise, pour l’ensemble de ses contrats. Ce plafond est porté à 90 000 euros pour les rentes d’incapacité ou d’invalidité et les prestations découlant de contrats d’assurance décès.

Le fonds de garantie des assurances obligatoires (FGAO)

Le FGAO a un rôle plus spécifique. En cas de défaillance d’un assureur, il intervient pour garantir le paiement des indemnités dues aux victimes au titre de contrats d’assurance dont la souscription est légalement obligatoire. Les deux principaux domaines concernés sont l’assurance de responsabilité civile automobile et l’assurance de dommages-ouvrage en construction. Sa mission est de s’assurer que les victimes d’accidents ou les maîtres d’ouvrage confrontés à des malfaçons graves soient indemnisés, même si l’assureur du responsable ou du constructeur a fait faillite. Le FGAO se substitue à l’assureur défaillant pour honorer ses engagements. L’indemnisation est limitée à 90 % de l’indemnité qui aurait été due, sauf pour les dommages corporels en assurance automobile où elle est intégrale.

Les techniques de préservation des droits des clients au sein de la procédure collective

Au-delà de l’indemnisation externe par les fonds de garantie, des règles spécifiques protègent les clients au cœur même des procédures collectives applicables aux entités financières. Ces techniques dérogent au droit commun pour simplifier les démarches des clients et sécuriser leurs avoirs.

Dispense de déclaration pour les dépôts et titres financiers

En droit commun, tout créancier d’une entreprise en liquidation doit déclarer sa créance au liquidateur dans un délai strict pour espérer être payé. Cette obligation peut être une source d’erreurs ou d’oublis. Pour les clients des banques et entreprises d’investissement, la loi a prévu une protection majeure : la dispense de déclaration de créances. L’article L. 613-30 du Code monétaire et financier prévoit que les déposants et les investisseurs dont les avoirs sont couverts par un mécanisme de garantie n’ont pas à effectuer cette déclaration. C’est le FGDR ou le liquidateur, sur la base des relevés comptables de l’établissement, qui établit la liste des créances des clients. Ce dispositif allège considérablement la charge administrative pesant sur les particuliers et les PME, et sécurise leurs droits au sein de la procédure.

Protection des fonds détenus par les établissements de paiement

Les établissements de paiement, qui ne sont pas des banques, sont soumis à une règle de protection des fonds très stricte. La loi leur impose de « cantonner » les fonds reçus de leurs clients. Cela signifie que l’argent des utilisateurs doit être complètement séparé des fonds propres de l’établissement. Ce cantonnement peut prendre deux formes : soit un dépôt sur un compte dédié ouvert dans une banque, soit la souscription d’une police d’assurance ou d’une garantie équivalente. En cas de procédure collective de l’établissement de paiement, ces fonds cantonnés ne tombent pas dans l’actif à partager entre tous les créanciers. Ils sont affectés par priorité à la restitution aux clients. Ce mécanisme, prévu par l’article L. 522-17 du Code monétaire et financier, constitue une garantie fondamentale pour les utilisateurs de ces services.

La défaillance d’une institution financière est un événement encadré par un arsenal juridique complexe et protecteur. Entre les fonds de garantie externes et les mécanismes dérogatoires au sein même des procédures, la protection des clients est une priorité. Toutefois, la diversité des plafonds, des périmètres de garantie et des procédures applicables peut rendre la situation difficile à appréhender. Pour naviguer ces procédures et faire valoir vos droits, l’assistance d’un avocat compétent en procédures collectives est un atout déterminant pour sécuriser vos intérêts.

Sources

  • Code monétaire et financier, notamment les articles L. 312-4 et suivants (Fonds de garantie des dépôts et de résolution), L. 322-1 et suivants (Garantie des titres), L. 522-17 (Protection des fonds des utilisateurs de services de paiement), L. 613-30 (Dispense de déclaration de créances).
  • Code des assurances, notamment les articles L. 421-1 et suivants (Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages), et L. 423-1 et suivants (Fonds de garantie des assurés contre la défaillance des sociétés d’assurance de personnes).
  • Directive 2014/49/UE du Parlement européen et du Conseil du 16 avril 2014 relative aux systèmes de garantie des dépôts.
  • Directive 2014/59/UE du Parlement européen et du Conseil du 15 mai 2014 établissant un cadre pour le redressement et la résolution des établissements de crédit et des entreprises d’investissement.

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