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Procédures de résolution et de rétablissement pour les établissements financiers : le rôle central des autorités de contrôle

Table des matières

Gérer la crise d’une banque ou d’une compagnie d’assurance ne relève pas du droit commun des faillites. Face au risque de contagion qui pourrait déstabiliser l’ensemble du système financier, les pouvoirs publics ont mis en place un régime administratif spécifique, axé sur la prévention et une gestion contrôlée des défaillances. Ce dispositif, qui s’inscrit dans un cadre juridique plus large pour les entreprises réglementées en difficulté, a été profondément renforcé après la crise de 2008. Il vise un objectif clair : permettre une résolution ordonnée des établissements financiers, en protégeant les déposants et en limitant l’appel aux fonds publics. Comprendre le rôle central des autorités de contrôle est donc essentiel pour tout dirigeant du secteur.

Le cadre institutionnel de supervision et de résolution

La gestion des difficultés d’un établissement financier ou d’une entreprise d’assurance est orchestrée par un ensemble d’autorités, dont les compétences s’articulent entre le niveau national et européen. Cette architecture a été conçue pour garantir une surveillance continue et une capacité d’intervention rapide et coordonnée.

L’autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) : pouvoirs et missions

En France, l’ACPR est le gendarme du secteur de la banque et de l’assurance. Adossée à la Banque de France, elle exerce une mission de surveillance permanente. Ses prérogatives sont étendues : elle accorde les agréments, s’assure de la solidité financière des entités qu’elle supervise et veille à la protection de leur clientèle. Lorsque la situation d’un établissement se dégrade, l’ACPR dispose d’un arsenal de mesures préventives et correctrices.

Elle peut par exemple exiger la mise en place d’un programme de rétablissement, interdire ou limiter certaines opérations, voire suspendre les dirigeants. Son pouvoir le plus significatif réside dans sa capacité à déclencher une procédure de résolution. Cette intervention administrative vise à gérer la crise de manière ordonnée, en dehors du cadre d’une procédure judiciaire classique, lorsque l’intérêt général et la stabilité financière sont en jeu. L’ACPR agit alors en qualité d’autorité de résolution nationale pour la majorité des établissements.

L’influence de la banque centrale européenne (BCE) et du conseil de résolution unique (CRU)

Depuis la mise en place de l’Union bancaire, l’architecture de supervision a évolué pour les plus grands acteurs. La Banque Centrale Européenne (BCE) est devenue le superviseur direct des établissements de crédit dits « d’importance significative » (SI), sur la base de critères comme la taille de leur bilan. Pour ces entités, la BCE exerce les missions de surveillance prudentielle, en étroite coopération avec l’ACPR qui demeure le point de contact national.

En cas de crise d’un de ces grands groupes bancaires, le pouvoir de décision en matière de résolution n’appartient plus à l’autorité nationale, mais au Conseil de Résolution Unique (CRU). Cet organisme européen est chargé de planifier et de mettre en œuvre la résolution des banques les plus importantes de la zone euro ainsi que des groupes transfrontaliers. Cette centralisation a pour but d’assurer une gestion cohérente et efficace des crises susceptibles d’avoir un impact systémique à l’échelle européenne. Cette architecture à double niveau illustre l’influence déterminante du droit européen dans la gestion des crises transfrontalières.

Les mesures préventives : plans de rétablissement et de résolution

Avant même qu’une crise ne survienne, la réglementation impose une préparation rigoureuse. Les établissements financiers et les autorités de contrôle doivent anticiper les scénarios de dégradation et planifier les réponses adéquates. Ces exercices de planification constituent le cœur du volet préventif du cadre de résolution.

Plans préventifs de rétablissement

Chaque établissement de crédit ou entreprise d’assurance d’une certaine taille doit élaborer et maintenir à jour un « plan préventif de rétablissement ». Ce document interne, qui doit être validé par l’autorité de contrôle, est une sorte de guide de survie. Il identifie les différentes options que l’établissement pourrait activer par ses propres moyens pour surmonter une crise financière grave et restaurer sa viabilité à long terme.

Le plan détaille un éventail de mesures, comme la cession d’actifs, la recherche de capitaux frais, la restructuration de certaines activités ou encore des modifications de la gouvernance. Il doit s’appuyer sur des indicateurs précis qui, une fois atteints, déclenchent l’application des mesures prévues. L’objectif est de permettre à l’entreprise de réagir vite et de manière structurée, sans attendre que la situation devienne irrémédiable.

Plans préventifs de résolution et résolvabilité

En parallèle, les autorités de résolution (ACPR ou CRU) élaborent de leur côté un « plan préventif de résolution » pour chaque établissement. À la différence du plan de rétablissement, ce document n’est pas destiné à sauver l’entreprise, mais à organiser sa « mort » ordonnée si elle venait à faire défaut. Il s’agit de préparer les outils et stratégies qui seraient déployés pour gérer la défaillance sans provoquer de panique sur les marchés ni recourir à l’argent public.

Au cours de ce processus, l’autorité évalue la « résolvabilité » de l’entité. Autrement dit, elle analyse si l’établissement peut faire l’objet d’une procédure de résolution de manière efficace et sans risque systémique. Si des obstacles sont identifiés (une structure juridique trop complexe, une imbrication excessive des activités critiques, etc.), l’autorité peut exiger de l’établissement qu’il prenne des mesures pour les lever. Cela peut aller jusqu’à imposer des changements structurels pour garantir qu’une résolution soit techniquement possible.

Les instruments de résolution bancaire et assurantielle

Lorsqu’une crise est avérée et que les mesures préventives sont insuffisantes, les autorités de résolution disposent d’une boîte à outils spécifique pour gérer la situation. Ces instruments, largement harmonisés au niveau européen, permettent une intervention rapide et modulée en fonction des circonstances.

Quatre principaux instruments sont à leur disposition :

  • La cession d’activités : Il s’agit de vendre tout ou partie de l’entreprise défaillante à un repreneur solvable. Cette solution permet d’assurer la continuité des activités cédées et de préserver les emplois et les relations clients.
  • L’établissement-relais (ou « bridge bank ») : Les autorités peuvent transférer les actifs et passifs « sains » ou les fonctions critiques de l’établissement défaillant vers une nouvelle entité, un établissement-relais, entièrement contrôlé par les pouvoirs publics. Cette structure temporaire permet de maintenir les services essentiels en attendant une vente ultérieure.
  • La séparation des actifs (ou « bad bank ») : Cet outil consiste à isoler les actifs dépréciés (« toxiques ») de l’établissement défaillant en les transférant dans une structure de défaisance. L’objectif est d’assainir le bilan de la banque pour faciliter son redressement ou sa vente.
  • Le renflouement interne (bail-in) : C’est l’instrument le plus emblématique du nouveau régime. Il vise à absorber les pertes et à recapitaliser l’établissement en faisant contribuer ses propres actionnaires et créanciers.

Le renflouement interne (bail-in) et le MREL/TLAC

Le principe du renflouement interne (bail-in) marque une rupture avec les sauvetages bancaires du passé (bail-out). L’idée fondamentale est de ne plus faire appel à l’argent du contribuable pour éponger les pertes d’une banque. À la place, les pertes sont imputées aux actionnaires puis, si nécessaire, à certains créanciers, selon un ordre de priorité strict défini par la loi.

Concrètement, les actions et autres titres de capital sont les premiers à absorber les pertes, pouvant être annulés ou fortement dilués. Si cela ne suffit pas, certaines dettes de la banque peuvent être converties de force en capital ou leur valeur peut être réduite. Pour que ce mécanisme soit opérationnel, les banques sont tenues de respecter des exigences minimales de fonds propres et d’engagements éligibles au renflouement interne, connues sous les acronymes MREL (Minimum Requirement for own funds and Eligible Liabilities) et TLAC (Total Loss-Absorbing Capacity) pour les plus grandes banques mondiales. Ces exigences, qui contribuent à prévenir le risque systémique sur les marchés financiers et les systèmes de paiement, leur imposent de détenir en permanence un « matelas » suffisant d’instruments financiers spécifiquement conçus pour pouvoir absorber les pertes en cas de résolution.

Spécificités du secteur assurantiel

Bien que le cadre de résolution s’applique également aux entreprises d’assurance, il présente des adaptations importantes pour tenir compte des spécificités de leur modèle économique. Les crises dans l’assurance sont souvent plus lentes à se manifester et les risques de contagion immédiate sont généralement considérés comme plus faibles que dans le secteur bancaire.

La principale différence réside dans l’absence d’un outil de renflouement interne (bail-in) généralisé comme pour les banques. La complexité des droits des assurés rendait une telle mesure difficile à mettre en œuvre. Les autorités privilégient d’autres instruments, notamment le transfert de portefeuilles de contrats d’assurance à un ou plusieurs autres organismes. En cas de défaillance, l’objectif premier est de trouver un repreneur pour les contrats afin de garantir la continuité de la couverture pour les assurés. Les fonds de garantie assurantiels jouent également un rôle essentiel pour protéger les droits des assurés si aucune solution de reprise n’est trouvée.

Le financement de la résolution bancaire

Même si le principe est d’éviter l’argent public, une procédure de résolution peut nécessiter des liquidités pour être menée à bien. Par exemple, pour capitaliser un établissement-relais ou pour garantir certains passifs le temps de la restructuration. Pour couvrir ces besoins, un système de financement dédié, alimenté par le secteur bancaire lui-même, a été créé.

Ce financement repose sur des fonds de résolution, pré-financés par des contributions régulières versées par les banques. L’architecture est à deux niveaux. Au niveau national, le Fonds de Garantie des Dépôts et de Résolution (FGDR) collecte les contributions pour le compartiment français. Au niveau de la zone euro, ces contributions alimentent le Fonds de Résolution Unique (FRU), qui dispose d’une capacité financière de plusieurs dizaines de milliards d’euros.

Le FRU a vocation à intervenir pour financer la résolution des banques d’importance significative supervisées par la BCE. Cette mutualisation des ressources permet de disposer d’une force de frappe financière crédible pour gérer la crise d’un grand groupe bancaire, sans dépendre des finances d’un seul État membre.

Le retrait d’agrément : conséquence ultime de l’action administrative

Le retrait d’agrément par l’ACPR (ou la BCE sur proposition de l’ACPR) est l’une des mesures les plus graves que peut prendre une autorité de contrôle. Il ne s’agit pas d’un outil de résolution à proprement parler, mais plutôt de la conséquence d’une situation jugée irrémédiablement compromise ou d’une sanction pour des manquements graves.

Cette décision administrative met fin au droit de l’établissement d’exercer ses activités réglementées. En pratique, elle entraîne de plein droit la dissolution de l’entreprise et son entrée en liquidation judiciaire. Le retrait d’agrément marque souvent la fin de la phase administrative et le début de la phase judiciaire. C’est ici que s’articulent la décision de l’autorité et l’ouverture d’une procédure collective de droit commun, bien que cette dernière soit encadrée par des règles spécifiques pour le secteur financier.

Les procédures de résolution et de rétablissement sont des domaines complexes, à la croisée du droit administratif et du droit des entreprises en difficulté. Pour un conseil juridique avisé sur les procédures de résolution et de rétablissement des établissements financiers ou pour anticiper les exigences réglementaires, notre cabinet est à votre écoute.

Sources

  • Directive 2014/59/UE du 15 mai 2014 établissant un cadre pour le redressement et la résolution des établissements de crédit et des entreprises d’investissement (dite « BRRD »).
  • Règlement (UE) n° 806/2014 du 15 juillet 2014 établissant des règles et une procédure uniformes pour la résolution des établissements de crédit (dit « Règlement MRU »).
  • Code monétaire et financier, notamment les articles L. 511-41-1 et suivants (mesures de prévention et de résolution) et L. 612-1 et suivants (pouvoirs de l’ACPR).
  • Code des assurances, notamment les articles L. 311-1 et suivants (régime de résolution pour le secteur de l’assurance) et L. 323-1 et suivants (mesures de sauvegarde).

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