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La procédure civile regorge de pièges techniques pouvant anéantir vos démarches juridiques. Parmi ces écueils, la caducité reste mal connue mais redoutable. Un acte caduc entraîne des conséquences graves : extinction d’instance, perte de droits, impossibilité d’agir à nouveau. Ce mécanisme sanctionne principalement les négligences procédurales.
Qu’est-ce que la caducité ?
La caducité est la sanction qui frappe un acte juridique valablement formé mais perdant, après sa création, un élément essentiel à sa validité. Comme le note le Professeur Pierre Callé dans son récent répertoire de procédure civile (juillet 2024), cet acte devient alors sans effet.
Cette notion diffère fondamentalement des autres sanctions procédurales :
- Nullité : sanctionne un vice existant dès la formation de l’acte
- Résolution : anéantit un acte pour inexécution
- Révocation : met fin à un acte par décision volontaire
- Inopposabilité : empêche l’acte de produire effet à l’égard des tiers
La Cour de cassation précise régulièrement cette distinction. Dans un arrêt du 12 novembre 1986 (Civ. 1re, n° 84-16.606, Bull. civ. I, n° 261), elle rappelle que la caducité intervient lorsqu’un acte perd son objet ou fondement juridique postérieurement à sa formation.
Les finalités de la caducité en procédure civile
La caducité poursuit deux objectifs principaux :
- Sanctionner l’inactivité des parties
- Préserver l’efficacité de la justice
Dans une décision du 3 avril 1987 (Ass. plén., n° 86-11.536), la Cour de cassation a clarifié cette double fonction. La caducité empêche qu’un demandeur puisse, par des assignations successives jamais suivies d’effet, interrompre indéfiniment la prescription.
Le code de procédure civile organise ce mécanisme de façon systématique. L’article 406 prévoit que « la citation est caduque dans les cas et conditions déterminés par la loi ». Ces conditions varient selon les juridictions et les procédures.
Les principaux cas de caducité en pratique
1. Caducité de l’assignation (article 754 CPC)
L’assignation devient caduque si une copie n’est pas remise au greffe au moins quinze jours avant la date d’audience. Ce cas de figure, comme la caducité en appel, est un exemple des pièges liés à la caducité des actes introductifs d’instance. Cette règle vise à empêcher les « assignations à toutes fins » – pratique consistant à délivrer des assignations sans réellement saisir le tribunal.
Une sanction similaire s’applique devant le tribunal de commerce (délai de huit jours, article 857 CPC).
2. Caducité pour défaut de comparution
L’article 468 du code de procédure civile sanctionne le demandeur qui ne comparaît pas à l’audience sans motif légitime. Le défendeur peut alors demander au juge de déclarer la citation caduque.
La chambre sociale de la Cour de cassation applique strictement cette règle. Dans un arrêt du 19 février 1992 (n° 89-44.145), elle confirme que cette caducité s’applique même devant le bureau de jugement du conseil de prud’hommes.
3. Caducité en procédure d’appel
En appel, la caducité sanctionne plusieurs négligences :
- Défaut de signification de la déclaration d’appel à l’intimé (article 902 CPC)
- Non-remise des conclusions au greffe dans le délai de trois mois (article 908 CPC)
- Absence de notification des conclusions aux parties (article 911 CPC)
La deuxième chambre civile rappelle fermement ces règles dans un arrêt du 4 novembre 2021 (n° 20-15.757). La caducité frappe même l’appel dont les conclusions ne mentionnent pas expressément la demande d’infirmation ou d’annulation du jugement.
4. Caducité des mesures d’exécution
Les mesures conservatoires deviennent caduques si le créancier n’engage pas de procédure au fond dans le mois suivant leur exécution (article R. 511-7 du code des procédures civiles d’exécution).
De même, l’autorisation judiciaire d’accomplir une mesure conservatoire devient caduque si la mesure n’est pas exécutée dans les trois mois (article R. 511-6 CPCE).
Les effets dévastateurs de la caducité
La caducité produit des effets radicaux :
- Anéantissement rétroactif de l’acte et de tous les actes subséquents
- Extinction de l’instance en cas de caducité de la citation
- Perte de l’effet interruptif de prescription (Ass. plén., 3 avril 1987)
Il est également crucial de comprendre quand une décision de justice devient caduque, un enjeu essentiel pour les parties.
Une assignation caduque est réputée n’avoir jamais existé. La prescription continue donc de courir comme si aucun acte n’avait été accompli.
Dans certains cas comme l’appel, la caducité peut être définitive. L’article 385 al. 2 du CPC permet théoriquement d’introduire une nouvelle instance après caducité de la citation. Mais en appel, la caducité de la déclaration entraîne l’irrecevabilité définitive du recours (Civ. 2e, 13 mai 2015, n° 14-13.801).
Le juge constate généralement la caducité sans pouvoir d’appréciation. Une fois les délais écoulés, la sanction s’impose automatiquement (Civ. 2e, 15 mai 1974, n° 73-13.955). Il existe néanmoins des voies de recours et stratégies pour contester une décision de caducité.
L’intervention d’un spécialiste en procédure s’avère donc indispensable pour éviter ces pièges techniques. Un avocat maîtrisant les subtilités procédurales saura prévenir les risques de caducité et, le cas échéant, exploiter les voies de recours ouvertes contre cette sanction (relevé de caducité, recours en rétractation, déféré).
Notre cabinet accompagne quotidiennement des justiciables confrontés à ces difficultés procédurales. N’attendez pas que vos droits soient compromis par une caducité. Contactez-nous pour une analyse préventive de votre dossier.
Sources
- Code de procédure civile, articles 406, 468, 754, 902, 908, 911
- Code des procédures civiles d’exécution, articles R. 511-6 et R. 511-7
- Répertoire de procédure civile, « Caducité » par Pierre Callé, Professeur à l’Université de Paris-Saclay, juillet 2024
- Cass. Ass. plén., 3 avril 1987, n° 86-11.536, Bull. civ., n° 2
- Cass. Civ. 1re, 12 novembre 1986, n° 84-16.606, Bull. civ. I, n° 261
- Cass. Soc., 19 février 1992, n° 89-44.145, Bull. civ. V, n° 102
- Cass. Civ. 2e, 13 mai 2015, n° 14-13.801, Bull. civ. II, n° 115
- Cass. Civ. 2e, 4 novembre 2021, n° 20-15.757
- Cass. Civ. 2e, 15 mai 1974, n° 73-13.955, Bull. civ. II, n° 165
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