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La clause d’anatocisme, ou capitalisation des intérêts

Table des matières

La capitalisation des intérêts, plus techniquement appelée anatocisme, est un mécanisme financier qui peut avoir des conséquences significatives sur le coût d’une dette en cas de retard de paiement. Si le terme peut sembler barbare, son fonctionnement et ses implications, notamment en matière de crédit immobilier, méritent d’être compris. Cet article décrypte pour vous ce qu’est la clause d’anatocisme, ses conditions d’application et ses limites, particulièrement dans le cadre protecteur du droit de la consommation.

Qu’est-ce que l’anatocisme ? Une définition

L’anatocisme, régi par l’ article 1343-2 du Code civil (anciennement l’article 1154), permet à un créancier de faire produire des intérêts aux intérêts déjà échus et non payés. Pour que cette capitalisation puisse intervenir une première fois, ces intérêts doivent être dus pour au moins une année entière. Concrètement, les intérêts impayés s’ajoutent au capital initial et génèrent à leur tour de nouveaux intérêts.

Si ce mécanisme peut s’avérer avantageux pour le créancier en augmentant sa rémunération, il est potentiellement périlleux pour le débiteur, car il peut entraîner une accélération de l’endettement.

Pour être applicable, la capitalisation des intérêts doit :

  • Soit être expressément prévue dans le contrat (clause d’anatocisme).
  • Soit être ordonnée par une décision de justice, suite à une demande spécifique en ce sens.

Une interrogation a pu naître lors de la réforme du droit des contrats et la recodification de l’ancien article 1154 en article 1343-2 du Code civil. L’ancienne formulation précisait une capitalisation des intérêts dus « au moins pour une année entière », ce qui ancrait une périodicité annuelle. La nouvelle rédaction, bien que légèrement différente, maintient l’exigence que les intérêts soient dus « au moins pour une année entière » pour qu’ils puissent commencer à produire eux-mêmes des intérêts. Si la question d’une périodicité différente pour des capitalisations ultérieures (après la première année) peut être débattue en théorie pour certains contrats, la prudence est de mise, et cette flexibilité est fortement limitée en droit de la consommation.

Anatocisme : une origine légale ou conventionnelle

La possibilité de capitaliser les intérêts peut donc découler directement de la loi, si une décision de justice l’ordonne, ou d’un accord entre les parties, matérialisé par une clause dans le contrat. La Cour de cassation a reconnu de longue date la validité de principe des clauses d’anatocisme dans les contrats (par exemple, Civ. 1re, 10 mai 1978, n° 76-12.292), une position confirmée et étendue par la suite (Civ. 1re, nov. 2013, n° 12-16.625 ; Civ. 2e, 22 mai 2014, n° 13-14.698 pour les intérêts moratoires en général). Cependant, cette liberté contractuelle trouve une limite majeure en droit de la consommation.

L’interdiction de la capitalisation des intérêts conventionnels en droit de la consommation

Le droit de la consommation a pour vocation de protéger le consommateur, considéré comme la partie la plus vulnérable dans sa relation avec un professionnel. Ce principe a des implications directes sur la validité des clauses d’anatocisme dans les contrats de crédit.

En matière de crédit à la consommation comme de crédit immobilier consenti à un particulier, la capitalisation des intérêts conventionnels (ceux prévus au contrat de prêt) est interdite. Les articles du Code de la consommation (notamment l’article L. 312-38 pour le crédit à la consommation et l’ article L. 313-52 pour le crédit immobilier) listent de manière limitative les sommes que le prêteur peut réclamer à l’emprunteur en cas de défaillance. La capitalisation des intérêts ne figure pas dans cette liste.

La jurisprudence est constante sur ce point :

  • Une clause d’anatocisme des intérêts conventionnels dans un contrat de crédit à la consommation est illicite (Civ. 1re, 9 févr. 2012, n° 11-14.605).
  • De même, pour le crédit immobilier, une telle clause est réputée non écrite (Cass. 1re civ., 20 avr. 2022, n° 20-23.617). Le juge a l’obligation de soulever d’office cette irrégularité, même si l’emprunteur ne l’invoque pas.

Cette protection est essentielle, compte tenu de l’impact financier potentiellement lourd de l’anatocisme. Pour mieux comprendre la réforme du crédit immobilier et vos droits, il est crucial de connaître ces limites.

Qu’en est-il de la capitalisation des intérêts moratoires ?

Une distinction importante doit être faite. Si la capitalisation des intérêts conventionnels est interdite en droit de la consommation, qu’advient-il des intérêts moratoires ? Il s’agit des intérêts dus en cas de retard de paiement, calculés au taux légal, souvent après une condamnation en justice.

La Cour de cassation a admis que le Code de la consommation ne fait pas obstacle à la capitalisation des intérêts moratoires au taux légal (Com., 4 juill. 2018, n° 17-13.128). Dans l’affaire jugée, une banque avait été déchue de son droit aux intérêts conventionnels suite à des manquements. L’emprunteur restait redevable du capital et des intérêts au taux légal sur les sommes dues. La Cour a validé la capitalisation de ces intérêts légaux, sur le fondement de l’article 1343-2 du Code civil (ancien article 1153 du Code civil, devenu pour partie l’article 1231-6).

Cette capitalisation des intérêts légaux reste soumise aux conditions de l’article 1343-2 du Code civil : elle doit être demandée en justice et les intérêts doivent être dus pour au moins une année entière pour être capitalisés la première fois.

Faut-il s’inquiéter de la clause d’anatocisme dans votre contrat de prêt immobilier ?

En pratique, il n’est pas rare de trouver des clauses d’anatocisme dans d’anciens contrats de prêt immobilier. Toutefois, leur présence n’a souvent pas de conséquence directe pour l’emprunteur consommateur, pour plusieurs raisons :

  1. L’illicéité en droit de la consommation : Comme expliqué, si la clause porte sur les intérêts conventionnels, elle est réputée non écrite et la banque ne peut s’en prévaloir.
  2. Les conditions strictes d’application : Même si la capitalisation était théoriquement possible (par exemple pour des intérêts légaux après une procédure), il faudrait que des intérêts soient impayés et dus depuis au moins un an.
  3. La pratique bancaire : Les établissements de crédit sont généralement conscients de ces règles. Leurs systèmes de calcul des sommes dues en cas de défaillance sont souvent configurés pour respecter la législation et ne pas appliquer une capitalisation illicite des intérêts conventionnels.

Néanmoins, la vigilance reste de mise. La présence d’une telle clause, même inactive, peut être source de confusion. Il est toujours conseillé de bien relire son contrat et, en cas de doute sur une clause ou sur les sommes réclamées par la banque, de ne pas hésiter à demander des éclaircissements. Une analyse approfondie du contrat peut révéler d’autres points d’attention, par exemple concernant le calcul du TAEG et sa vérification. Si vous avez souscrit votre emprunt il y a plusieurs années, il peut être utile de consulter notre article sur le régime juridique des crédits immobiliers avant la réforme de 2016 pour comprendre le contexte applicable.

Il ressort de ce qui précède que si la clause d’anatocisme est un mécanisme prévu par le Code civil, son application est strictement encadrée, voire interdite, en matière de crédit immobilier consenti aux consommateurs pour les intérêts conventionnels. Face à la complexité de ces règles et aux enjeux financiers, une vigilance particulière s’impose. En cas de difficultés ou d’interrogations sur votre contrat de prêt, nos avocats vous conseillent en crédit immobilier pour analyser votre situation et faire valoir vos droits.

Sources

  • Code civil : articles 1343-2 (anciennement article 1154), 1231-6 (dispositions relatives à l’ancien article 1153).
  • Code de la consommation : articles L. 312-38 (crédit à la consommation), L. 313-52 (crédit immobilier).
  • Cour de cassation, 1re chambre civile, 10 mai 1978, n° 76-12.292.
  • Cour de cassation, 1re chambre civile, 9 février 2012, n° 11-14.605.
  • Cour de cassation, 1re chambre civile, novembre 2013, n° 12-16.625.
  • Cour de cassation, 2e chambre civile, 22 mai 2014, n° 13-14.698.
  • Cour de cassation, Chambre commerciale, 4 juillet 2018, n° 17-13.128.
  • Cour de cassation, 1re chambre civile, 20 avril 2022, n° 20-23.617.

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