L’injonction de payer européenne constitue un outil efficace pour recouvrer des créances transfrontalières non contestées. Créée par le règlement (CE) n° 1896/2006, cette procédure simplifie considérablement le recouvrement des créances entre entreprises ou particuliers situés dans différents États membres de l’Union européenne.
Les étapes clés pour initier la procédure
La demande d’injonction de payer européenne se déroule selon un processus standardisé, avec des formulaires spécifiques. Cette procédure écrite ne nécessite pas d’audience, ni même la représentation obligatoire par un avocat.
Le demandeur doit d’abord identifier la juridiction compétente. En France, la compétence est attribuée au juge du tribunal d’instance en matière civile (article L. 221-7 du code de l’organisation judiciaire) et au président du tribunal de commerce en matière commerciale (article L. 722-3-1 du code de commerce).
Forme et contenu de la demande : le formulaire type A
La demande s’effectue via le formulaire type A annexé au règlement. Ce document, disponible dans toutes les langues officielles de l’UE, comporte onze tableaux à remplir et une note explicative.
Selon l’article 7 du règlement, la demande doit contenir :
- L’identité et l’adresse des parties et de la juridiction saisie
- Le montant de la créance (principal, intérêts, pénalités, frais)
- La cause de l’action avec description des circonstances
- Une description des éléments de preuve
- Les chefs de compétence
- Le caractère transfrontalier du litige
La Cour de justice de l’Union européenne a confirmé le caractère limitatif de cette liste dans son arrêt Iwona Szyrocka du 13 décembre 2012 (aff. C-215/11). Les juridictions nationales ne peuvent exiger des informations supplémentaires.
Modalités d’introduction : support papier vs électronique
L’article 7§5 du règlement prévoit que la demande peut être introduite sur support papier ou par voie électronique. La France accepte ces deux modalités.
Plus récemment, un arrêté du 1er août 2017 a autorisé la mise en œuvre d’un traitement automatisé de données à caractère personnel dénommé « e-CODEX ». Ce dispositif permet l’introduction et le suivi dématérialisés de la procédure.
« Les formulaires de demande sont remis ou adressés par voie postale au greffe de la juridiction et sont conservés à titre de minute auprès de ce dernier. » (Article 1424-2 du code de procédure civile)
Les informations essentielles à fournir dans la demande
Le demandeur doit impérativement remplir le formulaire en français pour les juridictions françaises. Toutefois, les juridictions françaises peuvent « admettre un formulaire standard rédigé dans une langue étrangère, à condition qu’il soit complété en français » (Circulaire DACS C3 06-09 du 26 mai 2009).
Pour les créances avec intérêts, la CJUE a précisé que le demandeur peut réclamer les intérêts pour la période allant de la date de leur exigibilité à la date du paiement du principal (CJUE, 1re ch., 13 décembre 2012, aff. C-215/11).
Description des éléments de preuve : une spécificité importante
Contrairement à certaines procédures, le demandeur n’a pas à produire les preuves à l’appui de sa demande. L’article 7§2(e) exige uniquement une « description des éléments de preuve ».
Cette caractéristique, inspirée du modèle « sans preuve » ou « non documentaire » (utilisé notamment en Allemagne et en Autriche), contraste avec le modèle français traditionnel d’injonction de payer qui requiert généralement des justificatifs.
Il s’agit d’un point critique : l’injonction est délivrée sur la base des seules déclarations du demandeur, avec un contrôle limité de la juridiction. Le défendeur en est informé dans le formulaire d’injonction.
Options du demandeur en cas d’opposition
La demande comporte deux appendices, non communiqués au défendeur. Le second permet au demandeur d’anticiper une éventuelle opposition du défendeur (article 7§4).
Il peut choisir entre trois options :
- Mettre fin à la procédure en cas d’opposition
- Poursuivre selon les règles de la procédure européenne de règlement des petits litiges
- Poursuivre selon les règles d’une procédure civile nationale appropriée
Le règlement modificatif (UE) n° 2015/2421 du 16 décembre 2015 a justement renforcé l’articulation entre la procédure d’injonction de payer européenne et celle de règlement des petits litiges.
Déclaration de véracité et responsabilité
Le demandeur doit déclarer que les informations fournies sont exactes et reconnaître que toute fausse déclaration intentionnelle pourrait entraîner des sanctions prévues par le droit de l’État membre d’origine (article 7§3).
Ce renvoi aux législations nationales constitue une limite à l’uniformisation de la procédure. Les sanctions encourues varient selon les États membres, ce qui peut favoriser le forum shopping.
Transmission et traitement de la demande
Une fois complétée, la demande est examinée « dans les meilleurs délais » par la juridiction compétente (article 8). Cet examen peut être effectué au moyen d’une procédure automatisée, comme c’est le cas en Allemagne et en Autriche.
Si les conditions ne sont pas remplies, la juridiction peut inviter le demandeur à compléter ou rectifier sa demande (article 9).
Pour les entreprises ayant régulièrement des créances à recouvrer dans différents États membres, maîtriser cette procédure européenne peut représenter un gain de temps et d’argent considérable. N’hésitez pas à contacter notre cabinet pour évaluer si l’injonction de payer européenne constitue la meilleure option pour votre dossier.
Sources
- Règlement (CE) n° 1896/2006 du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2006 instituant une procédure européenne d’injonction de payer
- Code de l’organisation judiciaire, article L. 221-7
- Code de commerce, article L. 722-3-1
- Code de procédure civile, articles 1424-1 à 1424-15
- CJUE, 1re ch., 13 décembre 2012, Iwona Szyrocka c/ SiGer Technologie GmbH, aff. C-215/11
- Arrêté du 1er août 2017 autorisant la mise en œuvre d’un traitement automatisé de données à caractère personnel dénommé « e-CODEX »
- Circulaire de la DACS C3 06-09 du 26 mai 2009 relative à l’application du règlement (CE) n° 1896/2006
- Règlement (UE) n° 2015/2421 du 16 décembre 2015 modifiant le règlement (CE) n° 1896/2006