Busy shibuya crossing at night with many people.

La réforme des sûretés : ce qui a changé

Table des matières

Le droit des sûretés a connu deux vagues de réformes majeures en 15 ans. La première en 2006 a posé les bases d’une modernisation. La seconde en 2021 a révolutionné certains aspects clés. Cette évolution a profondément transformé le paysage juridique des garanties, impactant notamment les droits et obligations du propriétaire d’un bien hypothéqué.

Les objectifs des réformes

L’ordonnance du 23 mars 2006 visait à remettre à plat un droit devenu obsolète. Créer un livre IV du Code civil dédié aux sûretés constituait l’innovation principale. Cette clarification structurelle a permis de distinguer les sûretés personnelles des sûretés réelles.

La réforme de 2021 avait des ambitions plus pragmatiques. Elle cherchait principalement à :

  • Simplifier les mécanismes existants
  • Réduire les sources d’insécurité juridique
  • Améliorer l’efficacité des sûretés
  • Harmoniser les règles applicables

Les innovations de 2006

Cette première réforme a introduit plusieurs innovations majeures, renforçant notamment la place de l’hypothèque en tant que principale sûreté immobilière :

  1. La création du gage sans dépossession
  2. L’introduction de l’hypothèque rechargeable
  3. L’apparition du prêt viager hypothécaire
  4. La reconnaissance de la fiducie comme sûreté (complétée par une loi de 2007)

Ces nouveautés ont permis de répondre à certains besoins mais ont laissé subsister des zones d’ombre et des incohérences.

La révolution de 2021

L’ordonnance du 15 septembre 2021 a apporté des changements profonds. Sa mesure phare : la transformation des privilèges immobiliers spéciaux en hypothèques légales spéciales.

La fin des privilèges immobiliers spéciaux

Avant 2021, les privilèges immobiliers pouvaient être généraux ou spéciaux. Les privilèges spéciaux (du vendeur, du prêteur de deniers, du copartageant…) bénéficiaient d’une rétroactivité de leur rang à la date de naissance de la créance, si leur inscription intervenait dans un délai légal.

Cette situation engendrait une insécurité juridique. Un créancier hypothécaire pouvait voir sa garantie primée par un privilège inscrit postérieurement.

La réforme a supprimé cette catégorie en la transformant en hypothèques légales spéciales. Désormais, l’article 2376 du Code civil affirme que « les privilèges immobiliers sont accordés par la loi » et « sont généraux ».

Les hypothèques légales spéciales

Ce nouveau type d’hypothèques combine certains avantages des anciens privilèges avec une sécurité juridique renforcée. Elles prennent rang à la date de leur publication et non plus rétroactivement.

Ces hypothèques bénéficient aux:

  • Vendeurs d’immeubles
  • Prêteurs de deniers
  • Copartageants
  • Architectes et entrepreneurs
  • Syndicats de copropriété

L’hypothèque légale du syndicat reste néanmoins dispensée de publicité, comme l’ancien privilège.

Autres innovations importantes

La réforme de 2021 a aussi:

  1. Clarifié le statut du cautionnement réel en lui appliquant certaines règles du cautionnement
  2. Corrigé une terminologie confuse en qualifiant d’hypothèque légale (et non plus judiciaire) celle qui est attachée aux jugements de condamnation
  3. Précisé le régime de l’hypothèque judiciaire conservatoire
  4. Créé un article L.643-8 dans le Code de commerce établissant un classement précis des créanciers en cas de procédure collective

Impact pratique pour les professionnels

Pour les notaires et banquiers, ces changements simplifient la pratique quotidienne:

  1. Plus de vérification des délais d’inscription des privilèges spéciaux et de calcul de rétroactivité
  2. Un rang clair déterminé par la date d’inscription
  3. Une meilleure prévisibilité des droits de chacun

Pour les débiteurs en difficulté, l’article L.643-8 du Code de commerce apporte une lisibilité accrue. Cet article établit un classement précis des créanciers en cas de procédure collective:

  • Droits exclusifs (propriété, rétention) hors classement
  • Superprivilège des salariés en tête
  • Frais de justice et autres privilèges de procédure collective
  • Sûretés immobilières selon leur rang
  • Puis autres créanciers selon leur nature

À retenir dans la pratique quotidienne

  1. Il n’existe plus que des privilèges immobiliers généraux (frais de justice, salaires)
  2. Les anciens privilèges spéciaux sont devenus des hypothèques légales spéciales
  3. Le rang des sûretés immobilières est désormais déterminé par leur date d’inscription (hors exceptions)
  4. Le droit de rétention et la propriété-sûreté restent des garanties « hors concours »
  5. En cas de procédure collective, un classement précis est établi par l’article L.643-8 du Code de commerce

Ces réformes ont réussi à moderniser et rationnaliser un droit complexe. Elles offrent un cadre plus sûr et prévisible pour tous les acteurs économiques. L’hypothèque demeure la reine des sûretés immobilières, mais chaque garantie trouve désormais clairement sa place dans l’ordonnancement juridique. Pour naviguer dans ce nouveau droit et garantir la conformité de vos opérations, n’hésitez pas à consulter un avocat spécialisé en hypothèques et sûretés.

Sources

  • Ordonnance n°2006-346 du 23 mars 2006 relative aux sûretés
  • Ordonnance n°2021-1192 du 15 septembre 2021 portant réforme du droit des sûretés
  • Code civil, articles 2284 à 2488-12
  • Code de commerce, article L.643-8

Vous souhaitez échanger ?

Notre équipe est à votre disposition et s’engage à vous répondre sous 24 à 48 heures.

07 45 89 90 90

Vous êtes avocat ?

Consultez notre offre éditoriale dédiée.

Dossiers

> La pratique de la saisie immobilière> Les axes de défense en matière de saisie immobilière

Formations professionnelles

> Catalogue> Programme

Poursuivre la lecture

fr_FRFR