La réserve de propriété : guide complet du dispositif et de ses effets en 2025

Table des matières

La réserve de propriété est un mécanisme juridique aussi discret qu’efficace, permettant à un vendeur de sécuriser le paiement de ses créances. En suspendant le transfert de propriété jusqu’à l’encaissement intégral du prix, elle constitue une garantie redoutable, particulièrement en cas de défaillance de l’acheteur. Notre cabinet, dont la pratique est dédiée au droit des sûretés et garanties, observe que la portée et les conditions de cette clause sont souvent méconnues. Cet article propose un survol complet de ce dispositif, de sa nature juridique à sa mise en œuvre, en passant par ses effets lors d’une procédure collective. Chaque aspect abordé ici est traité plus en détail dans des articles dédiés, accessibles par les liens proposés.

Introduction à la réserve de propriété : définition et nature juridique

Définition et fonction de garantie

La clause de réserve de propriété est définie par l’article 2367 du Code civil comme la stipulation qui « suspend l’effet translatif d’un contrat jusqu’à complet paiement de l’obligation qui en constitue la contrepartie ». En d’autres termes, bien que l’acheteur puisse avoir matériellement reçu le bien, le vendeur en demeure le propriétaire légal tant que le prix n’a pas été intégralement réglé. Sa fonction première est donc celle d’une garantie de paiement. En cas d’impayé, le vendeur ne se joint pas à la masse des créanciers pour réclamer une somme d’argent : il agit en tant que propriétaire pour récupérer son bien.

Usage de la propriété à titre de garantie

La réserve de propriété s’inscrit dans une catégorie plus large de sûretés fondées sur le droit de propriété. Contrairement aux sûretés classiques comme l’hypothèque ou le gage, qui confèrent un droit sur le bien d’autrui, la propriété-sûreté renforcée utilise la propriété elle-même comme garantie. D’autres mécanismes, tels que la fiducie-sûreté, permettent au débiteur de transférer temporairement la propriété d’un bien à son créancier. La réserve de propriété, elle, consiste pour le créancier à retenir une propriété qu’il détient déjà, offrant une sécurité juridique de premier ordre.

Lien avec les branches du droit (obligations, sûretés, entreprises en difficulté)

Ce mécanisme se situe au carrefour de plusieurs disciplines. Il relève du droit des obligations, car il naît d’une clause contractuelle qui modifie l’un des effets principaux de la vente, à savoir le transfert de propriété. Il intéresse évidemment le droit des biens et le droit des sûretés, par sa nature de garantie réelle. Enfin, son efficacité se révèle pleinement en droit des entreprises en difficulté, où elle permet au créancier-propriétaire d’échapper au principe d’égalité entre les créanciers de la procédure collective.

Nature juridique : une sûreté réelle et accessoire

La réserve de propriété est qualifiée de sûreté réelle, c’est-à-dire qu’elle porte sur une chose (le bien vendu) et non sur une personne. Elle est également l’accessoire de la créance de prix qu’elle garantit. Ce caractère accessoire implique qu’elle ne peut exister sans la créance et qu’elle se transmet avec elle. La jurisprudence et la loi la classent parmi les sûretés mobilières, bien que son régime déroge sur certains points à celui des autres garanties, notamment en ce qu’elle ne confère pas un droit de préférence sur un prix de vente, mais un droit à restitution.

Sources nationales et européennes

En droit français, la réserve de propriété est principalement régie par les articles 2367 à 2372 du Code civil, issus de l’ordonnance de 2006 sur les sûretés, et par le livre VI du Code de commerce pour son application dans le cadre des procédures collectives. Ces dispositions ont été précisées et complétées par les changements de l’ordonnance de 2021 en droit des sûretés et procédures collectives. Au niveau européen, des directives, notamment celles concernant la lutte contre les retards de paiement, encadrent ses conditions de validité dans les transactions commerciales.

La constitution de la réserve de propriété : conditions de validité et d’opposabilité

Validité : domaine d’application (contrats et biens concernés)

La clause de réserve de propriété peut être insérée dans tout contrat emportant transfert de propriété. Si la vente est son terrain de prédilection, elle est également valable dans un contrat d’entreprise. Son champ d’application est vaste : elle peut porter sur des biens meubles corporels (marchandises, matériels) ou incorporels (fonds de commerce, parts sociales), mais aussi sur des biens immobiliers, même si la propriété immobilière comme garantie est une pratique moins courante et dont le régime est moins détaillé.

Accord des parties : conditions de droit commun et commercial (écrit, acceptation)

Pour être valable, la clause doit avoir été convenue par écrit entre les parties. Cette exigence, posée par l’article L. 624-16 du Code de commerce, est une condition d’opposabilité en cas de procédure collective. L’acceptation par l’acheteur doit être établie au plus tard au moment de la livraison. Si une signature sur un bon de commande ou un devis constitue la preuve la plus sûre, la jurisprudence admet que, dans le cadre de relations d’affaires suivies, l’acceptation puisse résulter de l’exécution du contrat en connaissance de cause, par exemple par la mention systématique de la clause sur les factures ou bons de livraison, sans protestation de l’acheteur.

Opposabilité : preuve du droit de propriété et rôle de la publicité

L’opposabilité de la clause aux tiers, et notamment à la procédure collective de l’acheteur, repose sur la capacité du vendeur à prouver son droit de propriété. L’écrit est donc fondamental. Contrairement à d’autres sûretés, la réserve de propriété n’est soumise à aucune formalité de publicité obligatoire pour être opposable. Une publication est cependant possible et présente un avantage procédural majeur : elle dispense le propriétaire d’exercer l’action en revendication formelle et lui permet de demander une simple restitution du bien.

La réalisation de la réserve de propriété : action en revendication et conséquences

Revendication de la chose : en l’absence et en présence de procédures collectives (meubles et immeubles)

En dehors de toute procédure collective, le vendeur impayé peut engager une action judiciaire, telle que la saisie-revendication, pour obtenir la restitution de son bien. Cependant, il faut être conscient des obstacles et limites aux procédures de saisie-revendication et d’appréhension. C’est toutefois face à un débiteur en sauvegarde, redressement ou liquidation judiciaire que la clause révèle toute sa force. Le vendeur-propriétaire peut exercer une action en revendication auprès de l’administrateur ou du mandataire judiciaire. Cette action, qui doit être intentée dans un délai de trois mois à compter de la publication du jugement d’ouverture, lui permet de récupérer son bien sans être en concours avec les autres créanciers. Ce mécanisme illustre bien le sort des droits de créancier garanti pendant la procédure collective, où le propriétaire prime sur les autres.

Revendication du prix : mécanisme de la subrogation réelle et conflits

Que se passe-t-il si le bien a été revendu par l’acheteur avant que le vendeur initial ait pu le revendiquer ? Le mécanisme de la subrogation réelle, prévu à l’article L. 624-18 du Code de commerce, s’applique. Le droit de propriété du vendeur se reporte alors sur la créance du prix de revente que détient l’acheteur initial sur le sous-acquéreur. Le vendeur initial peut ainsi réclamer le paiement directement au sous-acquéreur. L’ordonnance du 15 septembre 2021 a clarifié un point longtemps débattu : le sous-acquéreur peut désormais opposer au vendeur initial les exceptions qu’il aurait pu faire valoir contre son propre vendeur, alignant ce régime sur celui de la cession de créance.

Le sort de la réserve de propriété : transmission et survie

Transmission : options du créancier et modes de circulation (subrogation)

La réserve de propriété, en tant qu’accessoire de la créance de prix, est transmissible. Un vendeur qui cède sa créance à un établissement financier, par exemple via un bordereau Dailly, lui transmet également le bénéfice de la clause. De même, un prêteur qui finance l’acquisition du bien peut, par le mécanisme de la subrogation conventionnelle, être investi des droits du vendeur et se prévaloir de la réserve de propriété. Cette circulation de la sûreté en fait un outil de financement efficace.

Survie : impact de l’effacement des dettes

Une question délicate concerne le sort de la clause lorsque la dette de l’acheteur est effacée, par exemple dans le cadre d’une procédure de rétablissement personnel. Une décision de la Cour de cassation de 2014 a jugé que l’effacement de la dette n’équivalait pas à son paiement et que, par conséquent, le transfert de propriété n’avait pas lieu, laissant la réserve de propriété survivre. Bien que la nature accessoire de la sûreté puisse faire douter de cette solution, la réforme du droit des sûretés de 2021, malgré des débats sur le sujet, n’a pas consacré de disposition contraire. Le débat sur la survie de la clause en cas d’extinction de la créance pour une autre cause que le paiement reste donc ouvert.

La clause de réserve de propriété est un instrument puissant mais technique, dont la validité et l’efficacité dépendent du respect de conditions précises. Pour une analyse approfondie de votre situation et la mise en place de garanties adaptées, prenez contact avec notre équipe d’avocats experts en sûretés et garanties.

Foire aux questions

Qu’est-ce que la clause de réserve de propriété ?

C’est une clause contractuelle qui retarde le transfert de propriété d’un bien jusqu’au paiement complet du prix par l’acheteur. Elle sert de garantie au vendeur, qui reste propriétaire tant qu’il n’est pas intégralement payé.

Comment faire valoir ma réserve de propriété en cas de procédure collective ?

Il faut engager une action en revendication auprès du mandataire judiciaire ou du liquidateur dans un délai de trois mois suivant la publication du jugement d’ouverture de la procédure. Cette action permet de réclamer la restitution du bien.

La réserve de propriété s’applique-t-elle aux immeubles ?

Oui, le Code civil prévoit que la propriété d’un immeuble peut être retenue en garantie. Cependant, cette pratique est moins fréquente que pour les biens mobiliers et les règles spécifiques aux procédures collectives visent principalement ces derniers.

Puis-je revendiquer le prix de vente si le bien a été revendu ?

Oui, grâce au mécanisme de la subrogation réelle, votre droit de propriété se reporte sur la créance du prix de revente. Vous pouvez ainsi réclamer le paiement directement au sous-acquéreur, dans la limite du prix restant dû.

La réforme des sûretés a-t-elle modifié la réserve de propriété ?

Oui, l’ordonnance de 2021 a notamment précisé les droits du sous-acquéreur, qui peut désormais opposer certaines exceptions au vendeur initial. Elle a également fait évoluer le débat sur le sort de la clause en cas d’effacement de la dette, même si la question n’est pas définitivement tranchée.

Que faire si le débiteur ne paie pas et que j’ai une réserve de propriété ?

Vous devez engager une action en justice pour obtenir la restitution de votre bien. Hors procédure collective, il peut s’agir d’une saisie-revendication. En cas de procédure collective, il est impératif de respecter la procédure de revendication dans les délais légaux.

Sources

Code civil, articles 2367 à 2372

Code de commerce, articles L624-9 à L624-18

Ordonnance n° 2021-1192 du 15 septembre 2021 portant réforme du droit des sûretés

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