La responsabilité du commissaire de justice : quels recours en cas de faute ?

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Un acte de signification égaré. Une vente aux enchères entachée d’irrégularités. Une saisie pratiquée sur de mauvais biens. Pour mieux appréhender le cadre de sa responsabilité, il est utile de se pencher sur son statut professionnel issu de la fusion. Même le commissaire de justice, officier ministériel assermenté, n’est pas infaillible. Quand une erreur survient, les conséquences peuvent être lourdes pour les parties concernées. Votre dossier judiciaire retardé, votre créance perdue, vos biens vendus à perte… La loi prévoit des mécanismes de responsabilité précis. Examinons vos recours possibles.

1. Fondements de la responsabilité civile du commissaire de justice

Responsabilité contractuelle envers le mandant

Le commissaire de justice que vous mandatez pour recouvrer une créance ou signifier un acte répond des fautes commises dans l’exécution de sa mission. Cette responsabilité découle du contrat de mandat qui vous lie, conformément aux articles 1991 et suivants du Code civil.

La Cour de cassation a rappelé dans un arrêt récent que « la responsabilité du commissaire de justice n’a pas un caractère subsidiaire. Elle est donc engagée si le dommage subi par sa faute est certain et même si la victime dispose, contre un tiers, d’une action propre à assurer la réparation de ce préjudice » (Civ. 1re, 24 janvier 2024, n° 22-14.748).

Cette responsabilité se manifeste notamment par :

  • Un défaut de conseil sur l’utilité des actes demandés
  • Un dépassement des limites du mandat
  • Un retard anormal dans les opérations
  • Une absence d’information sur des éléments essentiels

En pratique, le commissaire de justice doit prouver qu’il a exécuté son obligation de conseil. Dans un arrêt du 15 décembre 1998 (n° 96-15.321), la Cour de cassation a clairement posé ce principe.

Responsabilité délictuelle envers les tiers et le débiteur

Aucun mandat ne liant le débiteur ou les tiers au commissaire de justice, leur action se fonde sur la responsabilité délictuelle des articles 1240 et 1241 du Code civil.

La jurisprudence offre plusieurs illustrations :

  • Un commissaire de justice procédant à une expulsion ne peut décider seul de l’enlèvement immédiat des meubles vers la décharge publique (CA Bordeaux, 8 février 2000)
  • Un commissaire de justice vendant un véhicule aux enchères sans remettre les accessoires administratifs nécessaires engage sa responsabilité (Civ. 1re, 13 janvier 1987, n° 84-15.493)
  • L’absence de précaution lors d’une vente publique entraîne la responsabilité du commissaire si un accident survient (Civ. 2e, 16 octobre 1991, n° 90-17.492)

Spécificités en matière de ventes aux enchères

L’article L. 321-17 du Code de commerce s’applique aux prisées et ventes judiciaires réalisées par les commissaires de justice, comme le précise l’article 21 de l’ordonnance n° 2016-728 du 2 juin 2016.

Ce texte prévoit une prescription de 5 ans pour les actions en responsabilité civile liées aux ventes aux enchères. Les clauses limitatives de responsabilité sont expressément interdites.

2. Conditions d’engagement de la responsabilité

Faute professionnelle : critères jurisprudentiels

Pour engager la responsabilité du commissaire de justice, une faute doit être prouvée.

Plusieurs types de fautes sont sanctionnés par les tribunaux :

  • Les actes illicites ou disproportionnés. Selon l’article L. 122-1 du Code des procédures civiles d’exécution, le commissaire doit décliner son ministère si la mesure requise lui paraît revêtir un caractère illicite ou si les frais risquent de dépasser le montant de la créance.
  • Les actes inutiles. La Cour d’appel de Lyon a sanctionné un huissier qui avait procédé à la vente publique de meubles de faible valeur, générant une vente déficitaire (CA Lyon, 10 décembre 1996).
  • Les retards excessifs. Un retard de quatre mois pour signifier une décision constitue un manquement à l’obligation de diligence (CA Paris, 8 décembre 1995).
  • L’inaction prolongée. Un commissaire de justice qui s’abstient pendant six années de diligenter une saisie-attribution sur des loyers perçus par un débiteur commet une faute (Civ. 1re, 20 mars 2013, n° 12-15.749).

Le commissaire n’est toutefois tenu qu’à une obligation de moyens en matière de recouvrement de créances. La Cour de cassation précise qu’il satisfait à cette obligation s’il a mis en œuvre « tous les soins et diligences propres à assurer, dans les conditions prescrites par la loi, l’exécution de son mandat » (Civ. 1re, 7 février 1995, n° 93-10.523).

Préjudice et lien de causalité

La responsabilité du commissaire de justice n’est engagée que si sa faute a causé un préjudice réel. Le demandeur doit établir ce lien de causalité.

Dans un arrêt du 26 octobre 2004 (n° 01-16.523), la première chambre civile de la Cour de cassation a rejeté une action en responsabilité, faute pour le créancier d’avoir démontré le lien entre la faute de l’huissier et le préjudice allégué.

En revanche, l’annulation de saisies conservatoires par la faute du commissaire de justice constitue pour le créancier un préjudice « né, actuel, direct et certain » ouvrant droit à réparation (Civ. 1re, 30 mai 2012, n° 11-19.202).

Condamnation aux frais d’exécution

Au-delà des dommages-intérêts, le commissaire de justice peut être condamné aux frais de l’exécution dans trois situations :

  1. Lorsqu’il dépasse les limites de son mandat (article 697 du Code de procédure civile)
  2. Lorsqu’il engage des frais non nécessaires (article 698 du Code de procédure civile)
  3. Lorsque les actes sont nuls par sa faute (article 698 du Code de procédure civile)

Le Conseil d’État a validé ces dispositions en précisant qu’elles ne portent atteinte ni au droit au recours, ni aux prérogatives de la défense (CE, 25 mai 2005, n° 265719).

3. Mise en œuvre des recours

Juridictions compétentes

La compétence varie selon la nature de l’action en responsabilité :

  • Le juge de l’exécution est compétent pour les actions fondées sur l’exécution ou l’inexécution dommageable des mesures d’exécution (article L. 213-6, alinéa 4 du Code de l’organisation judiciaire), même si la mesure n’est plus en cours (Civ. 2e, 27 février 2014, n° 13-11.788).
  • Le juge de droit commun (tribunal judiciaire) connaît des actions en responsabilité contractuelle intentées par le créancier contre le commissaire de justice qu’il a mandaté (Civ. 2e, 21 février 2019, n° 18-10.205).

Une particularité : le commissaire de justice peut demander la délocalisation de l’affaire lorsqu’une action en responsabilité est portée devant la juridiction dans le ressort de laquelle il exerce, en vertu de l’article 47 du Code de procédure civile.

Délais de prescription

Les actions en responsabilité contre les commissaires de justice obéissent aux délais de prescription suivants :

  • 5 ans pour les actions liées aux ventes aux enchères, selon l’article L. 321-17 du Code de commerce.
  • 5 ans pour les actions en responsabilité contractuelle, selon le délai de droit commun de l’article 2224 du Code civil.
  • 5 ans pour les actions en responsabilité délictuelle, selon ce même article 2224.

Ces délais courent à compter du jour où le titulaire du droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d’exercer son action.

Garantie financière et assurance professionnelle

L’article 21 de l’ordonnance n° 2016-728 du 2 juin 2016 prévoit que la Chambre nationale des commissaires de justice garantit la responsabilité professionnelle pour les actes accomplis par ces professionnels, y compris pour les activités accessoires.

Cette garantie collective s’ajoute à l’assurance personnelle que doit souscrire chaque commissaire de justice.

En cas de préjudice, cette double protection assure l’indemnisation effective des victimes, même en cas d’insolvabilité du professionnel.

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Sources

  • Ordonnance n° 2016-728 du 2 juin 2016 relative au statut de commissaire de justice, articles 10 et 21
  • Code des procédures civiles d’exécution, articles L. 122-1, L. 122-2, L. 213-6
  • Code civil, articles 1240, 1241, 1991 et suivants, 2224
  • Code de procédure civile, articles 47, 649, 697, 698
  • Code de commerce, article L. 321-17
  • Civ. 1re, 24 janvier 2024, n° 22-14.748
  • Civ. 1re, 15 décembre 1998, n° 96-15.321
  • Civ. 1re, 20 mars 2013, n° 12-15.749
  • Civ. 2e, 27 février 2014, n° 13-11.788
  • Civ. 2e, 21 février 2019, n° 18-10.205
  • CE, 25 mai 2005, n° 265719

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