Recevoir un acte de saisie-attribution sur son compte bancaire ou être informé qu’un tiers détenant des fonds pour son compte a été saisi est une situation déstabilisante. Cette mesure d’exécution forcée, la plus répandue en droit français en matière de recouvrement de créances, permet à un créancier de récupérer directement les sommes qui lui sont dues. Il ne s’agit pas d’une simple menace, mais d’une procédure civile aux effets immédiats et puissants. Cet article a pour objectif de vous fournir une vue d’ensemble claire et structurée du mécanisme de la saisie-attribution, de ses conditions de mise en œuvre à ses conséquences et ses voies de contestation. Chaque aspect est ensuite approfondi dans des articles dédiés pour vous offrir une information complète et, le cas échéant, la possibilité d’approfondir chaque point.
Qu’est-ce que la saisie-attribution ?
Par définition, la saisie-attribution est une procédure d’exécution forcée qui autorise un créancier, muni d’un titre exécutoire, à saisir les sommes d’argent qu’une tierce personne ou une entreprise doit à son débiteur. Ce mécanisme est encadré par les dispositions du code de procédure civile d’exécution (art. L. 211-1 et suivants), qui en fixe chaque modalité. Le tiers saisi, qui devient un acteur central de la procédure, est ainsi contraint de verser les fonds non plus au débiteur saisi, mais directement au créancier saisissant.
Le cas le plus fréquent est la saisie attribution sur compte bancaire. Le commissaire de justice (anciennement huissier de justice), grâce à son pouvoir d’accès au Fichier des comptes bancaires (FICOBA), peut identifier les banques où le débiteur est titulaire d’un compte et procéder à la saisie. Toutefois, la portée de cette mesure est bien plus large. Un créancier peut saisir toute créance d’argent, par exemple :
- Les loyers dus par un locataire au débiteur propriétaire, qui crée un lien d’obligation direct ;
- Les dividendes qu’une société s’apprête à verser à un associé débiteur ;
- Le prix de vente d’un bien détenu par un notaire (agissant comme tiers détenteur) pour le compte du débiteur.
Quelles sont les conditions pour lancer une procédure de saisie ?
La mise en œuvre d’une saisie-attribution n’est pas possible à la légère. La loi impose des conditions strictes pour protéger le débiteur contre des actions abusives. Le créancier doit impérativement remplir deux conditions cumulatives.
Un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible
Pour engager une telle procédure, le créancier doit être en possession d’un titre exécutoire. Il s’agit d’un acte juridique qui constate officiellement l’existence d’une créance et donne l’autorité nécessaire à son recouvrement forcé. Les titres exécutoires les plus courants sont les décisions de justice (jugement, ordonnance) ayant force exécutoire, une notion précisée par la jurisprudence constante de la Cour de cassation. De plus, la créance doit être liquide, c’est-à-dire chiffrée en argent ou dont le montant est facilement déterminable, et exigible, ce qui signifie que son terme de paiement est arrivé à échéance.
Une créance saisissable et disponible
Toutes les sommes d’argent ne peuvent pas faire l’objet d’une saisie. La loi protège certaines ressources considérées comme vitales. C’est le cas d’une partie des rémunérations du travail, du salaire ou des pensions de retraite, qui obéissent à un régime de saisie spécifique (la saisie sur salaire), ou encore de certaines indemnités. De plus, lors d’une saisie sur un compte bancaire, un montant minimum, appelé le solde bancaire insaisissable (SBI), doit obligatoirement être laissé à la disposition du débiteur, même si ce dernier est inférieur au montant de la dette. Ce montant équivaut au revenu de solidarité active (RSA) pour une personne seule. C’est une protection fondamentale prévue par la loi du 9 juillet 1991 portant réforme des procédures civiles d’exécution. Il existe d’autres types de créances indisponibles ou insaisissables, comme certaines créances de nature administrative, dont le régime est complexe.
Comment se déroule la procédure de saisie-attribution ?
Le déroulement de la saisie est une suite d’actes juridiques très formalisée, dont chaque étape est soumise à des délais stricts, à ne pas confondre avec le délai de prescription du titre lui-même. Pour un examen approfondi du formalisme et des différentes phases de cette procédure, notre guide sur la procédure de saisie-attribution et ses étapes détaille chaque point.
L’acte de saisie par commissaire de justice
La procédure débute lorsque le créancier mandate un commissaire de justice. Ce dernier, véritable bras armé de l’administration judiciaire, pourra alors signifier un procès-verbal de saisie-attribution au tiers saisi (la banque, le locataire, etc.), portant injonction de ne plus payer les sommes dues entre les mains du débiteur. Cet acte juridique informe le tiers de l’existence de la saisie. L’acte doit contenir, à peine de nullité, des mentions précises comme l’identité des parties, l’énonciation du titre exécutoire et le décompte détaillé de la créance.
Les obligations du tiers saisi
Dès la réception de l’acte, le tiers saisi a l’obligation de répondre immédiatement au commissaire de justice. Il doit déclarer la nature et l’étendue de son obligation envers le débiteur. Convient de noter que s’il s’agit d’une banque, elle doit communiquer le solde de tous les comptes du débiteur au jour de la saisie. Un tiers qui ne répond pas, ou qui fait une déclaration inexacte ou mensongère, commet une faute grave. Le banquier ou tout autre détenteur des fonds risque d’être condamné par le juge à payer personnellement la dette du débiteur, en plus d’éventuels dommages et intérêts.
La dénonciation de la saisie au débiteur
Dans un délai de 8 jours suivant la signification au tiers saisi, le commissaire de justice doit informer le débiteur de la mesure prise à son encontre. C’est ce qu’on appelle la dénonciation de la saisie. Cet acte, signifié au débiteur, doit contenir une copie du procès-verbal de saisie et, surtout, l’informer, par une lettre qui vaut mise en demeure et avis formel, qu’il dispose d’un délai d’un mois pour contester la saisie. Le non-respect de ce délai de 8 jours entraîne la caducité de la saisie, c’est-à-dire son annulation.
Quels sont les effets et les moyens de contestation ?
La saisie-attribution produit des effets juridiques puissants et immédiats, mais le débiteur dispose de moyens pour se défendre. Les effets juridiques de la saisie et ses voies de contestation sont multiples et méritent une attention particulière.
L’effet attributif immédiat : un transfert de propriété
L’originalité de la saisie-attribution réside dans son effet attributif immédiat, prévu par l’art. L. 211-2 du code des procédures civiles d’exécution. Dès la signification de l’acte au tiers saisi, la propriété des sommes saisies est instantanément transférée du patrimoine du débiteur à celui du créancier. Les fonds sont bloqués chez le tiers en attendant l’issue de la procédure, mais ils n’appartiennent déjà plus au débiteur. Une conséquence majeure de ce principe est qu’il devient impossible pour le débiteur de demander des délais de paiement (au sens de l’art. 1343-5 du Code civil) sur les sommes qui ont fait l’objet de la saisie.
La contestation de la saisie devant le juge de l’exécution
Le débiteur qui souhaite contester la saisie dispose d’un délai d’un mois à compter de la dénonciation pour agir. La contestation doit être portée devant le juge de l’exécution (JEX) du lieu où demeure le débiteur, en vertu du Code de l’organisation judiciaire. La procédure est initiée par une assignation rédigée et signifiée au créancier par un commissaire de justice. Il convient d’en informer l’huissier saisissant par lettre recommandée. L’assistance d’un avocat, qui seul a le pouvoir de représenter les parties, est obligatoire lorsque le montant en jeu dépasse 10 000 euros. Les motifs de contestation, qui peuvent donner lieu à un litige fondé, peuvent porter sur la validité du titre exécutoire, le montant de la créance réclamée, le non-respect de la procédure de saisie ou le caractère insaisissable des fonds.
La saisie-attribution est une procédure technique dont les enjeux sont importants tant pour le créancier que pour le débiteur ou le tiers saisi. La complexité de certains dossiers, notamment en présence de comptes joints ou lors de l’articulation avec une procédure collective d’une entreprise, requiert une expertise judiciaire et juridique affirmée. En amont, une saisie conservatoire peut aussi être envisagée pour garantir les droits du créancier. Pour une analyse de votre dossier et la défense de vos droits, notre cabinet d’avocats se tient à votre disposition pour vous conseiller et vous assister.
Foire aux questions
Qu’est-ce que le solde bancaire insaisissable (SBI) ?
Le solde bancaire insaisissable est une somme que la banque a l’obligation de laisser sur le compte du débiteur personne physique, quel que soit le montant de la saisie. Ce montant est fixé par décret (cf. art. R. 162-2 du CPCE) et correspond au montant forfaitaire du Revenu de Solidarité Active (RSA) pour un allocataire seul.
Une saisie-attribution peut-elle porter sur un compte joint ?
Oui, un compte joint peut faire l’objet d’une saisie-attribution, même si la dette ne concerne qu’un seul des cotitulaires. En principe, la saisie porte sur la totalité du solde disponible. Il appartient alors au cotitulaire non-débiteur, qui a un lien juridique avec le débiteur, de prouver que les fonds lui appartiennent en propre pour en obtenir la restitution ou la mainlevée de la saisie sur sa part.
Que se passe-t-il si le solde du compte est insuffisant pour couvrir la dette ?
Si la saisie est infructueuse ou ne couvre que partiellement la créance, le créancier peut la maintenir et la compléter par d’autres mesures d’exécution. Une attribution sur compte bancaire peut donc être suivie d’une saisie vente de biens mobiliers. La banque prélève généralement des frais pour le traitement d’une saisie, même si le solde est nul, ce qui peut aggraver la situation du débiteur.
Combien de temps dure le blocage du compte bancaire ?
L’ensemble des comptes du compte bancaire du débiteur auprès de la banque saisie sont rendus indisponibles pendant un délai de 15 jours ouvrables. Ce temps permet à la banque de calculer le solde définitif à la date de la saisie en tenant compte des opérations en cours. Passé ce délai, seule la somme due au créancier reste bloquée jusqu’au paiement, que le créancier pourra obtenir en faisant présenter un certificat de non-contestation attestant de l’absence de recours.
Un créancier peut-il effectuer plusieurs saisies-attributions ?
Oui, un créancier peut renouveler une procédure de saisie-attribution tant que sa créance n’est pas intégralement payée. Il n’existe aucune limite légale au nombre de saisies, la seule restriction étant l’abus de droit, qui reste difficile à prouver en pratique.
Peut-on obtenir des délais de paiement après une saisie ?
En raison de l’effet attributif immédiat, il n’est pas possible de demander au juge des délais de paiement pour la partie de la dette qui a été saisie. En revanche, si la saisie n’a couvert qu’une partie de la créance, le débiteur peut solliciter un échéancier pour le paiement du solde restant dû, souvent après un accord avec le créancier.