La saisie-attribution et les délais de paiement

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Lorsqu’un créancier engage une procédure de recouvrement, la saisie-attribution est souvent la première arme choisie pour sa redoutable efficacité. Pour le débiteur, cette mesure d’exécution forcée est fréquemment une source de confusion et de difficulté, notamment sur la possibilité d’obtenir des délais de paiement. Contrairement à une idée reçue, une fois la saisie-attribution pratiquée, il est juridiquement impossible de solliciter un échelonnement pour les sommes concernées. Cette règle, souvent découverte tardivement, a des conséquences majeures et souligne l’importance d’une stratégie de défense anticipée. Cet article décrypte ce mécanisme et explique pourquoi la temporalité de votre action est déterminante.

La saisie-attribution : définition et conditions

Qu’est-ce qu’une saisie-attribution ?

La saisie-attribution est une procédure d’exécution qui permet à un créancier de se faire payer une dette en saisissant les sommes d’argent que détient une tierce personne (le tiers détenteur) pour le compte de son débiteur. Le plus souvent, il s’agit d’une saisie sur un compte bancaire, ce qui explique la confusion courante. Toutefois, son champ d’action est bien plus large. La procédure peut viser toute créance de somme d’argent, qu’elle soit à exécution successive ou non, comme des loyers dus par un locataire en vertu d’un contrat de bail, des dividendes à verser par une société, ou encore des fonds détenus par un notaire. L’huissier de justice, aujourd’hui commissaire de justice au statut redéfini, peut identifier les comptes bancaires du débiteur via le fichier FICOBA (qui recense les numéros de comptes), rendant cette pratique particulièrement rapide et fréquente dans le cadre du recouvrement de créances. Cette procédure privée se distingue de la saisie administrative à tiers détenteur (SATD), mise en œuvre par un comptable public pour le recouvrement des créances de l’État ou des collectivités. Pour approfondir le fonctionnement de cette mesure, vous pouvez consulter notre article général sur la saisie-attribution.

Quelles sont les conditions pour la mettre en œuvre ?

Pour la mise en œuvre d’une procédure de saisie-attribution par un créancier, plusieurs conditions strictes doivent être réunies. En premier lieu, le créancier, qualifié de « saisissant », doit être muni d’un titre exécutoire. Il s’agit d’un acte juridique (jugement, ordonnance d’injonction de payer, acte notarié) qui constate officiellement l’existence de sa créance et autorise le recours à l’exécution forcée. Conformément à l’art. L. 111-6 du Code des procédures civiles d’exécution, le montant de la créance cause de la saisie doit également être liquide, c’est-à-dire évalué en argent, et exigible, ce qui signifie que son terme est échu. Sans la réunion de ces éléments, la saisie est irrégulière. La procédure implique donc trois acteurs : le créancier saisissant, le débiteur saisi, et le tiers saisi, détenteur des fonds (la banque, le locataire, etc.).

L’effet attributif immédiat : le cœur du mécanisme

Le transfert de propriété de la créance

La particularité fondamentale de la saisie-attribution réside dans son « effet attributif immédiat », un principe puissant énoncé à l’article L. 211-2 du Code des procédures civiles d’exécution. Ce texte dispose que « L’acte de saisie emporte, à concurrence des sommes pour lesquelles elle est pratiquée, attribution immédiate au profit du saisissant de la créance saisie, disponible entre les mains du tiers ». Concrètement, dès l’instant où l’acte de saisie est signifié par le commissaire de justice au tiers saisi (par exemple, la banque), la propriété de la somme d’argent concernée est instantanément transférée du patrimoine du débiteur à celui du créancier. La créance sort ainsi juridiquement et de manière immédiate du patrimoine du débiteur. Les fonds deviennent alors indisponibles sur le compte du débiteur et sont, en pratique, séquestrés par le tiers détenteur des fonds jusqu’à l’expiration du délai de contestation. C’est le pivot de toute la procédure, dont il est essentiel de comprendre les effets et les possibilités de contestation.

Conséquence : la neutralisation des événements postérieurs

Cet effet attributif immédiat a une conséquence majeure : il fige la situation au jour et à l’heure de la saisie. Tout événement postérieur est sans effet sur le sort des sommes attribuées au créancier saisissant. Ainsi, une autre saisie pratiquée ultérieurement par un autre créancier, même un créancier privilégié comme le Trésor public (via une saisie administrative), ne pourra pas porter sur les fonds déjà attribués. La règle est celle du « premier arrivé, premier servi ». De même, et c’est un point capital pour une entreprise en difficulté économique, la survenance d’un jugement d’ouverture de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire après la saisie ne remet pas en cause l’attribution. La créance ayant déjà quitté le patrimoine de l’entreprise débitrice, elle n’entre pas dans l’actif géré par les organes de la procédure collective.

L’obstacle insurmontable à la demande de délais de paiement

Pourquoi est-il impossible d’obtenir un délai de paiement ?

La logique juridique est implacable et découle directement de l’effet attributif. Un débiteur ne peut solliciter des délais de paiement que pour une dette qui lui incombe personnellement et qui porte sur des fonds qui sont encore dans son patrimoine. Or, dès l’acte de saisie, les sommes ne lui appartiennent plus ; elles sont devenues la propriété du créancier saisissant. Demander un échelonnement reviendrait à vouloir disposer d’un bien qui n’est plus à soi. La jurisprudence de la Cour de cassation a confirmé cette position de manière constante, notamment dans un arrêt de la deuxième chambre civile du 4 octobre 2001 (Cass. 2e civ., pourvoi numéro 00-11.609), en jugeant que le juge de l’exécution ne peut accorder de délais de paiement, car la saisie-attribution « ayant pour effet de transmettre la propriété des fonds saisis au créancier, […] le paiement fait au créancier ne pouvait être remis en cause ». L’attribution est définitive, à la condition bien sûr que la procédure de saisie soit régulière et qu’aucune contestation ne vienne l’anéantir.

La distinction capitale : agir avant ou après la saisie

Il est donc essentiel de comprendre que l’impossibilité d’obtenir un délai de paiement n’est pas absolue ; elle est conditionnée par la chronologie de la procédure. Tant que la saisie-attribution n’a pas été diligentée, c’est-à-dire tant que l’acte n’a pas été signifié au tiers détenteur des fonds, le débiteur conserve la possibilité de négocier un échéancier avec son créancier ou même de formuler une demande de délais de grâce auprès d’un juge. Le droit de demander un délai existe, mais il est anéanti par l’effet de la saisie. C’est toute la différence entre une gestion proactive d’une dette, où des solutions sont envisageables, et une réaction tardive face à une mesure d’exécution déjà pratiquée. Une fois l’acte de saisie signifié, la porte se ferme sur cette option.

Stratégies de défense et importance de l’anticipation

Négocier en amont : la seule voie pour un échéancier

Face à une créance certaine, liquide et exigible, la seule véritable manière d’obtenir un échelonnement de paiement est d’anticiper l’action du créancier. Dès la réception d’une mise en demeure ou la signification d’un jugement, il est primordial d’entrer en contact avec le créancier ou son conseil pour proposer un plan de paiement réaliste. Une négociation menée avant toute mesure d’exécution forcée peut aboutir à un contrat d’échéancier qui, s’il est formalisé par écrit, préviendra le déclenchement de la saisie. Cette démarche, bien que reconnaissant la dette, permet de garder le contrôle et d’éviter le blocage brutal de sa trésorerie ou de son compte bancaire.

Contester la saisie sur le fond ou la forme

Si la saisie a déjà été pratiquée, la demande de délais de paiement n’est plus une option. La seule voie de défense réside alors dans la contestation de la saisie elle-même, qui doit être portée devant le juge de l’exécution dans un délai d’un mois à compter de la dénonciation (c’est-à-dire la notification officielle) de la saisie. Plusieurs motifs peuvent être invoqués. Il peut s’agir d’une irrégularité de fond, comme l’invalidité du titre exécutoire fondant les poursuites, l’extinction de la créance par l’effet du délai de prescription ou l’insaisissabilité de la créance objet de la saisie (par exemple, des parts de rémunération issues d’un contrat de travail ou le solde bancaire insaisissable). La contestation peut également porter sur des vices de forme dans la procédure, comme une erreur dans le décompte des sommes dues ou le non-respect des mentions obligatoires dans l’acte de saisie. L’assistance d’un avocat est alors nécessaire pour identifier les failles potentielles et construire une argumentation juridique solide afin d’obtenir une ordonnance de mainlevée.

L’ouverture d’une procédure collective : un cas particulier

Pour une entreprise en difficulté économique, l’articulation entre la saisie-attribution et l’ouverture d’une procédure collective (sauvegarde, redressement ou liquidation judiciaire) est un point de droit technique. Comme évoqué, une saisie dont la date est antérieure au jugement d’ouverture conserve son plein effet. En revanche, le jugement d’ouverture arrête et interdit toute nouvelle procédure d’exécution (telle qu’une saisie vente ou une autre saisie-attribution) de la part des créanciers antérieurs. Ainsi, si l’entreprise se place sous la protection du tribunal de commerce avant que ses créanciers n’aient eu le temps de pratiquer une saisie (ou de convertir une saisie conservatoire), son patrimoine est protégé. Cette démarche stratégique permet de geler les poursuites individuelles et de traiter la difficulté de manière globale, sous l’égide du tribunal. C’est une autre illustration de l’importance de l’anticipation face aux difficultés financières.

La gestion d’une saisie-attribution est une affaire de timing et de stratégie. Pour anticiper les procédures de recouvrement, négocier avant toute mesure d’exécution ou explorer les voies de contestation d’une saisie déjà effectuée, contactez notre cabinet pour un accompagnement par un avocat compétent en saisie-attribution.

Sources

  • Code des procédures civiles d’exécution (C. proc. civ. exéc.) (notamment les articles L. 111-1 et suivants, L. 211-1 et suivants, R. 211-1 et suivants)
  • Code de commerce (notamment les articles relatifs aux procédures collectives)
  • Code civil (notamment les articles relatifs au droit des obligations)

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