Staircase with handrails and light and shadows.

La saisie des droits d’associés : une voie d’exécution méconnue

Table des matières

« `html

La saisie des droits d’associés permet aux créanciers de placer sous main de justice puis de vendre les parts sociales ou actions détenues par leur débiteur. Cette procédure existe depuis la réforme des voies d’exécution de 1991-1992, mais reste rarement utilisée. Pourquoi cet outil juridique, qui pourrait être redoutable, est-il si peu mobilisé en pratique?

Une procédure codifiée mais sous-exploitée

Le code des procédures civiles d’exécution consacre tout un chapitre à cette saisie, désormais intégrée dans le cadre plus large de la saisie des droits incorporels. Un créancier muni d’un titre exécutoire peut théoriquement faire vendre les parts sociales ou actions de son débiteur pour se payer sur le prix.

Cette procédure concerne aussi bien les droits dans les sociétés de personnes (parts sociales de SCI, SARL, SNC) que dans les sociétés de capitaux (actions de SA, SAS).

En théorie, c’est un levier puissant. En pratique, les commissaires de justice y recourent peu.

Le choc des logiques juridiques : exécution vs droit des sociétés

Le problème central tient au conflit entre deux logiques juridiques contradictoires:

  • Celle du droit des procédures civiles d’exécution qui cherche l’efficacité du recouvrement
  • Celle du droit des sociétés qui protège l’ordre sociétaire et la liberté des associés

La procédure d’agrément constitue le principal obstacle. Pour les sociétés non cotées, l’entrée d’un tiers après adjudication est soumise à l’accord des autres associés. Ces derniers peuvent s’opposer à l’arrivée de l’adjudicataire.

Pour la SNC, l’unanimité des associés est requise – y compris celle du débiteur lui-même! Pour les SARL, c’est la majorité des associés représentant la moitié des parts sociales. Dans les sociétés civiles, tous les associés doivent donner leur consentement.

Le législateur a tranché en faveur du droit des sociétés: l’article R. 233-9 du code des procédures civiles d’exécution affirme que « les procédures légales et conventionnelles d’agrément, de préemption ou de substitution sont mises en œuvre conformément aux dispositions propres à chacune d’elles. »

Difficultés pratiques de mise en œuvre

Accès limité aux informations patrimoniales

Les commissaires de justice peinent souvent à identifier les participations sociales du débiteur. Aucun fichier central ne recense l’ensemble des droits sociaux détenus par une personne. Cette opacité rend la saisie difficile à initier.

L’évaluation complexe des titres non cotés

Pour les droits non cotés en bourse, la valeur est incertaine. Comment fixer une mise à prix? Les parts de SCI ou d’entreprises familiales n’ont pas de valeur de marché évidente. Cette incertitude décourage les potentiels enchérisseurs.

Le découragement des enchérisseurs

L’épée de Damoclès que constituent les procédures d’agrément dissuade les acheteurs potentiels. Pourquoi enchérir sur des titres quand on sait que la société ou les associés peuvent ensuite bloquer l’entrée ou exercer un droit de préemption?

Des solutions pratiques existent

Pour les valeurs cotées: une procédure simplifiée

Pour les valeurs mobilières admises aux négociations sur un marché réglementé, la procédure est plus souple. L’agrément est exclu et la vente s’effectue directement au prix du marché. Le tiers saisi (intermédiaire financier) procède lui-même à la vente des titres.

La saisie comme levier de négociation

Plus qu’une procédure visant réellement la vente, la saisie des droits d’associés fonctionne comme un puissant moyen de pression. Une fois les parts sociales ou actions bloquées, le débiteur est souvent incité à négocier un règlement amiable.

Des adaptations jurisprudentielles

La pratique s’adapte: certains rédacteurs de cahiers des charges incluent des clauses stipulant que l’adjudication se fait « au prix d’adjudication » en cas de rachat après refus d’agrément, afin d’éviter l’application de l’article 1843-4 du code civil sur l’expertise.

Les droits pécuniaires

La saisie rend indisponibles non seulement les titres mais aussi les « droits pécuniaires » qui y sont attachés. Ainsi, les dividendes futurs sont bloqués. Cette perspective peut également inciter le débiteur à payer sa dette.

Une nécessaire réforme?

Comme l’écrivait le professeur Rudy Laher: « Il aurait fallu que le pouvoir réglementaire aille jusqu’au bout de son propos. Plutôt que de renvoyer aux règles d’agrément existantes pour chaque type de parts ou d’actions, il aurait dû mettre en place une procédure propre à la vente forcée, moins respectueuse des autres associés, et plus énergique pour leur imposer l’adjudicataire. »

Sans une telle réforme, la saisie des droits d’associés restera probablement un instrument sous-utilisé, malgré son potentiel considérable. Pour surmonter ces obstacles et maximiser l’efficacité de cette procédure, l’accompagnement d’un avocat spécialisé en saisie des droits d’associés est vivement recommandé.

Sources

  • Code des procédures civiles d’exécution, articles L. 231-1 à L. 233-3 et R. 231-1 à R. 233-9
  • LAHER Rudy, « La vente forcée sur saisie de droits sociaux: propositions de réforme des procédures d’agrément, de préemption et de substitution », Revue des sociétés, 2019
  • LAHER Rudy, « Saisie des droits incorporels », Répertoire de procédure civile, Dalloz, juillet 2023
  • PERROT Roger et THÉRY Philippe, « Procédures civiles d’exécution », 3e édition, Dalloz, 2013

« `

Vous souhaitez échanger ?

Notre équipe est à votre disposition et s’engage à vous répondre sous 24 à 48 heures.

07 45 89 90 90

Vous êtes avocat ?

Consultez notre offre éditoriale dédiée.

Dossiers

> La pratique de la saisie immobilière> Les axes de défense en matière de saisie immobilière

Formations professionnelles

> Catalogue> Programme

Poursuivre la lecture

fr_FRFR