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La tierce opposition en procédure civile : un recours pour les tiers lésés

Table des matières

Vous découvrez qu’une décision de justice affecte vos droits alors que vous n’étiez pas partie au procès ? La tierce opposition pourrait être votre solution. Ce recours extraordinaire permet aux personnes étrangères à une instance de contester un jugement qui leur porte préjudice.

Introduction : qu’est-ce que la tierce opposition ?

La tierce opposition est définie par l’article 582 du Code de procédure civile comme une voie de recours qui « tend à faire rétracter ou réformer un jugement au profit du tiers qui l’attaque ». Elle remet en question les points jugés pour qu’il soit statué à nouveau en fait et en droit.

Classée parmi les voies de recours extraordinaires à l’article 580 du Code de procédure civile, la tierce opposition se distingue des voies ordinaires (opposition et appel) par son caractère exceptionnel. Elle coexiste avec le recours en révision et le pourvoi en cassation.

Contrairement à ce que pourrait laisser penser sa classification, l’article 585 du Code de procédure civile précise que « tout jugement est susceptible de tierce opposition si la loi n’en dispose autrement ». Cette disposition généreuse ouvre largement ce recours, à condition que les critères spécifiques de recevabilité soient remplis.

Les conditions de recevabilité de la tierce opposition

L’intérêt à agir

Pour former tierce opposition, il faut justifier d’un intérêt. L’article 583 du Code de procédure civile est clair : « Est recevable à former tierce opposition toute personne qui y a intérêt, à la condition qu’elle n’ait été ni partie ni représentée au jugement qu’elle attaque. »

Cet intérêt doit être :

  • Légitime (conformément à l’article 31 du Code de procédure civile)
  • Direct et personnel
  • Actuel

La jurisprudence interprète largement cette notion. Dans un arrêt du 17 juin 2020, la Chambre commerciale de la Cour de cassation a précisé qu’il n’est pas nécessaire de démontrer un préjudice effectif ; il suffit que le jugement soit susceptible d’en causer un (Com. 17 juin 2020, n° 18-25.262).

Les juges du fond apprécient souverainement cet intérêt au jour où ils statuent (Civ. 2e, 29 sept. 2022, n° 21-14.926).

La qualité pour former tierce opposition

Avoir un intérêt ne suffit pas toujours. Dans certains domaines, la loi réserve l’exercice de l’action à certaines personnes (actions « attitrées »). Par exemple, en matière de divorce, la tierce opposition est généralement fermée car l’action est réservée aux époux.

La jurisprudence a clarifié cette règle : « la voie de recours de la tierce opposition n’est pas ouverte lorsque la décision qu’elle prétend critiquer a été rendue à la suite d’une action dont la loi réserve l’exercice à certaines personnes qu’elle désigne » (Civ. 1re, 11 juin 1991, n° 89-20.962).

Exceptions notables :

  • En matière de filiation (article 324 du Code civil)
  • En matière d’adoption en cas de dol ou fraude (article 353-2 du Code civil)
  • En matière de nationalité (article 29-5 du Code civil)

Ne pas avoir été partie ou représenté au jugement

C’est la condition fondamentale : le tiers opposant doit être véritablement étranger à l’instance initiale. Il ne doit avoir été ni partie ni représenté au jugement qu’il attaque.

La notion de représentation pose parfois des difficultés pratiques. La jurisprudence a précisé certains points :

  • Un syndicat de copropriétaires ne représente pas les copropriétaires (Civ. 3e, 28 janv. 2015, n° 13-19.080)
  • Un acquéreur ne représente pas le vendeur (Civ. 3e, 23 juin 2016, n° 14-25.645)
  • Un dirigeant démissionnaire avant le début de la procédure ne représente pas la société (Com. 12 mai 2015, n° 14-12.483)

En droit des sociétés, la question est particulièrement sensible. Traditionnellement, les associés étaient considérés comme représentés par le représentant légal de la société. Mais depuis un arrêt important du 19 décembre 2006, la Chambre commerciale admet qu’un associé peut former tierce opposition s’il invoque une fraude à ses droits ou un moyen qui lui est propre (Com. 19 déc. 2006, n° 05-14.816).

Les effets de la tierce opposition

Effet sur la décision attaquée

La tierce opposition n’a pas d’effet suspensif (article 579 du Code de procédure civile). Toutefois, l’article 590 permet au juge saisi de suspendre l’exécution du jugement attaqué.

Si la tierce opposition aboutit, le jugement est rétracté ou réformé, mais uniquement sur les points préjudiciables au tiers opposant. L’article 591 du Code de procédure civile précise : « La décision qui fait droit à la tierce opposition ne rétracte ou ne réforme le jugement attaqué que sur les chefs préjudiciables au tiers opposant. »

Portée de la rétractation

Un point crucial : la rétractation n’a d’effet que pour le tiers opposant. Le jugement initial conserve ses effets entre les parties originelles, même sur les chefs annulés (article 591 du Code de procédure civile).

C’est cette caractéristique qui fait douter certains auteurs de la qualification de « voie de rétractation » pour la tierce opposition. Il s’agirait davantage d’une inopposabilité au tiers opposant.

Exception importante : en cas d’indivisibilité (article 584 du Code de procédure civile), la chose jugée sur tierce opposition a effet à l’égard de toutes les parties appelées à l’instance.

Limites des effets de la tierce opposition

La tierce opposition ne permet pas de former un nouveau litige ni de présenter des demandes nouvelles. La Cour de cassation a rappelé que « l’effet dévolutif de la tierce opposition est limité à la remise en question, relativement à son auteur, des points jugés critiqués par le tiers opposant » (Civ. 3e, 4 mars 2021, n° 20-14.195).

Le jugement rendu sur tierce opposition est susceptible des mêmes recours que les décisions de la juridiction dont il émane (article 592 du Code de procédure civile).

Conseils pratiques pour évaluer la pertinence d’une tierce opposition

Quand envisager ce recours

La tierce opposition se révèle utile dans plusieurs situations :

  • Vous découvrez qu’un jugement affecte vos droits alors que vous n’étiez pas partie au procès
  • Vous êtes créancier et constatez qu’un jugement a été rendu en fraude de vos droits
  • Vous êtes associé d’une société et un jugement porte atteinte à vos intérêts personnels

En matière commerciale, la tierce opposition est souvent utilisée dans le cadre des procédures collectives. L’article L. 661-3 du Code de commerce ouvre explicitement cette voie contre les jugements arrêtant ou modifiant le plan de sauvegarde ou de redressement.

Analyse préalable indispensable

Avant d’engager une tierce opposition, une analyse approfondie s’impose :

  1. Vérifiez votre intérêt à agir et votre qualité
  2. Assurez-vous de n’avoir été ni partie ni représenté à l’instance
  3. Identifiez précisément les chefs du jugement qui vous causent préjudice
  4. Respectez les délais (30 ans en principe, mais souvent bien moins dans des procédures spéciales)

Pour les procédures collectives, le délai n’est que de 10 jours à compter de la publication au BODACC (article R. 661-2 du Code de commerce).

Limites et risques

La tierce opposition comporte des risques non négligeables :

  • Recours jugé abusif ou dilatoire : risque de condamnation à une amende et des dommages-intérêts
  • Complexité procédurale, notamment pour démontrer l’existence d’un « moyen propre » ou d’une fraude
  • Effet limité si le jugement a déjà été exécuté

Dans certaines situations complexes, d’autres voies peuvent s’avérer plus efficaces, comme l’intervention volontaire dans une instance en cours.

Le choix entre tierce opposition principale (devant la juridiction qui a rendu le jugement) ou incidente (lors d’un procès en cours) peut également influencer l’issue du recours.

Notre cabinet a développé une expertise particulière en matière de tierce opposition, notamment dans les domaines des procédures collectives et du droit des sociétés. Si vous pensez qu’une décision de justice porte atteinte à vos droits alors que vous n’y étiez pas partie, contactez-nous pour une analyse personnalisée de votre situation.

Sources

  • Code de procédure civile, articles 579 à 592
  • Code de commerce, articles L. 661-2, L. 661-3 et R. 661-2
  • Code civil, articles 29-5, 324 et 353-2
  • Cour de cassation, Chambre commerciale, 17 juin 2020, n° 18-25.262
  • Cour de cassation, 2e Chambre civile, 29 septembre 2022, n° 21-14.926
  • Cour de cassation, 1re Chambre civile, 11 juin 1991, n° 89-20.962
  • Cour de cassation, 3e Chambre civile, 28 janvier 2015, n° 13-19.080
  • Cour de cassation, 3e Chambre civile, 23 juin 2016, n° 14-25.645
  • Cour de cassation, Chambre commerciale, 12 mai 2015, n° 14-12.483
  • Cour de cassation, Chambre commerciale, 19 décembre 2006, n° 05-14.816
  • Cour de cassation, 3e Chambre civile, 4 mars 2021, n° 20-14.195
  • DEHARO Gaëlle, « Tierce opposition », Répertoire de procédure civile, novembre 2023

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