En procédure civile, l’acquiescement constitue un mécanisme juridique permettant à une partie d’accepter soit les prétentions de son adversaire, soit la décision rendue par le juge. Cette pratique crée des effets juridiques significatifs et mérite une attention particulière.
Nature juridique de l’acquiescement
Un acte juridique unilatéral
L’acquiescement est, par nature, un acte juridique unilatéral. Il ne nécessite pas l’acceptation de l’adversaire pour produire ses effets, selon l’article 410 du Code de procédure civile.
La jurisprudence confirme ce caractère unilatéral. Dans un arrêt du 18 novembre 1999, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation a précisé qu’un « acquiescement n’a pas besoin d’être accepté par l’adversaire pour être parfait » (Civ. 2e, 18 nov. 1999, n° 97-15.921).
Cette caractéristique distingue l’acquiescement de nombreux autres actes de procédure qui exigent souvent un accord bilatéral.
Distinction avec le désistement
Contrairement au désistement d’instance qui nécessite généralement l’acceptation du défendeur, l’acquiescement produit des effets dès sa manifestation. L’article 5 du Code de procédure civile prévoit également que le désistement d’instance n’éteint que la procédure, l’action restant intacte, alors que l’acquiescement au jugement a des conséquences plus graves.
Par ailleurs, selon l’article 403 du Code de procédure civile, « le désistement de l’appel emporte acquiescement au jugement » – ce qui souligne la différence entre ces deux notions tout en montrant leur interconnexion.
Différence avec la transaction
La transaction, définie par l’article 2044 du Code civil comme un contrat écrit par lequel les parties terminent une contestation ou en préviennent une à naître, suppose des concessions réciproques.
L’acquiescement, lui, représente une reconnaissance pure et simple des prétentions adverses ou une adhésion à un jugement sans contrepartie.
Pour illustrer cette distinction : un tuteur peut acquiescer plus facilement qu’il ne peut transiger (C. civ., art. 2045, al. 2).
Les types d’acquiescement
Acquiescement à la demande
L’acquiescement à la demande est l’acte par lequel la partie défenderesse reconnaît le bien-fondé des prétentions de son adversaire. L’article 408 du Code de procédure civile précise qu’il « emporte renonciation à l’action ».
Dans la pratique, cet acquiescement met fin au litige. Il représente pour le défendeur ce qu’est le désistement d’action pour le demandeur.
Le juge n’intervient pas pour constater cet acquiescement, sauf si les parties le demandent expressément.
Acquiescement au jugement
L’acquiescement au jugement exprime la soumission aux chefs d’un jugement déjà rendu. Selon l’article 409 du Code de procédure civile, il « emporte renonciation aux voies de recours ».
Cette forme d’acquiescement, plus fréquente en pratique, peut intervenir pour tout jugement, y compris ceux rendus par défaut.
Contrairement à l’acquiescement à la demande, celui au jugement peut porter sur tous les chefs de décision ou seulement certains d’entre eux, quand ils sont distincts et indépendants.
Domaines d’application et limites
Matières concernées par l’acquiescement
L’acquiescement au jugement est « toujours admis, sauf dispositions contraires » selon l’article 409 du Code. Cette règle générale s’explique logiquement : il est moins grave d’acquiescer à un jugement qu’à une demande puisqu’un contrôle judiciaire a déjà été exercé.
En revanche, l’acquiescement à la demande « n’est admis que pour les droits dont la partie a la libre disposition » (art. 408, al. 2 du CPC). Les matières touchant à l’ordre public sont donc exclues.
Restrictions liées à l’ordre public
Les restrictions concernent principalement l’acquiescement à la demande. Les actions relatives à l’état des personnes, comme la filiation, ne peuvent généralement pas faire l’objet d’un acquiescement.
L’article 323 du Code civil prévoit expressément que les actions en filiation « ne peuvent faire l’objet de renonciation ».
Cependant, des exceptions existent : un défendeur à une action en recherche de paternité peut acquiescer à la demande puisqu’il aurait pu, de sa seule volonté, faire acte de reconnaissance (Paris, 18 juill. 1947, Gaz. Pal. 1947. 2. 244).
Pour l’acquiescement au jugement, la seule limite clairement identifiée concerne les majeurs protégés en matière de divorce (art. 1120 du CPC).
Les enjeux pratiques de l’acquiescement
L’acquiescement représente un choix stratégique dans la conduite d’un litige. Sa forme – expresse ou implicite – et son moment – avant ou après jugement – peuvent avoir des conséquences importantes.
Un acquiescement mal compris peut entraîner la perte de droits fondamentaux. Par exemple, exécuter volontairement un jugement non exécutoire sans formuler de réserves peut constituer un acquiescement tacite, fermant la voie à tout recours ultérieur.
De même, la jurisprudence a évolué concernant l’effet de certains actes comme le paiement des dépens ou la participation à une mesure d’instruction. Il convient d’analyser précisément la situation avant toute action qui pourrait être interprétée comme un acquiescement.
La rédaction précise des réserves est essentielle pour éviter qu’un acte d’exécution ne soit qualifié d’acquiescement. La formule « sous réserve de tous droits et recours » peut s’avérer insuffisante. Il est préférable de mentionner expressément la « réserve du droit de faire appel ».
Ces subtilités procédurales justifient souvent un conseil juridique personnalisé. Une consultation avec un avocat spécialiste permet d’éviter ces pièges et de préserver ses droits dans le cadre d’une stratégie contentieuse cohérente.
Sources
- Code de procédure civile, articles 408 à 410
- Code civil, articles 2044 et 2045
- Civ. 2e, 18 novembre 1999, n° 97-15.921, RTD civ. 2000
- Civ. 2e, 22 mai 1995, n° 93-11.413, Bull. civ. II, n° 146
- Paris, 18 juillet 1947, Gaz. Pal. 1947. 2. 244
- Strickler, Yves. « Acquiescement. » Répertoire de procédure civile, Dalloz, avril 2021