Lorsqu’un débiteur fait face à des difficultés financières pouvant mener à une saisie immobilière, la procédure de surendettement peut représenter une solution pour tenter de préserver son logement ou son appartement. Si vous vous trouvez dans cette situation délicate, comprendre l’articulation entre ces deux procédures peut vous aider à adopter la meilleure stratégie. Cet article analyse spécifiquement comment ces deux mécanismes s’entrecroisent dans le cadre du traitement de votre dette.
Les effets du dépôt d’un dossier de surendettement sur une saisie immobilière en cours
La décision de recevabilité du dossier par la commission de surendettement emporte automatiquement la suspension des poursuites diligentées à l’encontre du débiteur, conformément aux dispositions du code de la consommation.
Cette suspension offre au débiteur un répit temporaire pour tenter de trouver une solution à ses difficultés financières. En pratique, cette suspension et interdiction des poursuites signifie que la procédure de saisie immobilière est suspendue, tout en laissant subsister les effets du commandement valant saisie immobilière. À cet égard, il faut comprendre que l’immeuble ne peut pas être vendu sans l’accord des créanciers.
Toutefois, l’effet de cette suspension varie selon le stade de la procédure de saisie:
- Si la saisie n’a pas encore atteint le stade du jugement d’orientation, la suspension est totale.
- Si le jugement d’orientation ordonnant la vente forcée a déjà été rendu par le juge du tribunal, la situation devient plus complexe.
Dans cette seconde hypothèse, la simple décision de recevabilité ne suffit plus à suspendre automatiquement l’audience d’adjudication prévue pour la vente aux enchères. C’est là qu’intervient le mécanisme spécifique de demande de report de la date d’adjudication.
Le rôle de la Commission dans la procédure de saisie immobilière
La Commission de surendettement, rattachée à la Banque de France, dispose d’un pouvoir particulier d’intervention auprès du juge de l’exécution. Selon l’article R. 322-28 du code des procédures civiles d’exécution, la vente forcée ne peut être reportée que pour deux motifs : un cas de force majeure ou sur demande de la Commission de surendettement formée en application des articles L. 722-4 ou L. 721-7 du code de la consommation (la vente peut également être reportée à la demande du créancier poursuivant, lorsqu’un appel est en cours).
Lorsque la vente forcée a déjà été ordonnée par jugement d’orientation, la Commission peut saisir directement le juge chargé de la saisie immobilière pour demander de reporter l’adjudication. Cette saisine s’effectue en application de l’article L. 721-7 du code de la consommation. Pour que cette demande soit déclarée recevable, la Commission doit justifier de « causes graves et dûment justifiées ».
La procédure est précisément décrite à l’article R. 721-7 du code de la consommation qui impose :
- Une transmission de la demande par lettre recommandée ou remise contre émargement au greffe
- Un délai minimum de quinze jours avant la date prévue pour la vente
- L’indication des noms, prénoms et adresses du débiteur et des créanciers poursuivants
- Une justification des causes graves invoquées
- La production d’un état des revenus, d’un relevé du patrimoine et des poursuites en cours
Contrairement à d’autres demandes, celle formée par la Commission peut être accueillie même après l’audience d’orientation, ce qui constitue une exception notable à la règle générale de concentration des demandes à ce stade de la procédure.
Le pouvoir du juge de l’exécution face au surendettement
Le juge des contentieux de la protection, en fonction de sa mission au sein du tribunal judiciaire, doit apprécier souverainement le caractère « grave » des causes invoquées pour justifier le report. La jurisprudence montre qu’il examine notamment:
- La situation financière réelle du débiteur saisi
- Les chances de réussite d’un plan conventionnel de redressement
- L’existence d’alternatives à la vente forcée, comme une vente amiable par exemple
Il est important de noter que le jugement rejetant la demande de report présentée par la Commission est insusceptible d’appel. Comme l’a précisé la Cour de cassation dans un arrêt rendu par la 2e chambre civile le 29 septembre 2011 (n° 10-27.658), cette impossibilité d’appel constitue une fin de non-recevoir d’ordre public que la cour doit relever d’office conformément à l’article 125 du code de procédure civile.
Les stratégies procédurales pour le débiteur en difficulté
Le débiteur en difficulté dispose de plusieurs leviers pour tenter de préserver sa maison en jouant sur les délais de procédure et les protections offertes par les différentes étapes du traitement du surendettement.
Le timing optimal du dépôt
Le moment du dépôt du dossier de surendettement est stratégique:
- Un dépôt avant la signification du commandement de payer valant saisie immobilière permet d’éviter l’engagement de la procédure de saisie
- Un dépôt entre la signification du commandement et l’audience d’orientation permet de suspendre la procédure
- Un dépôt après l’audience d’orientation nécessitera une intervention de la Commission pour demander le report
Dans la première situation, le débiteur bénéficie de la protection la plus complète puisqu’aucune mesure d’exécution ne pourra être prise à son encontre une fois son dossier déclaré recevable.
De la théorie à la pratique : les choix de la Commission
La Commission de surendettement dispose de trois options principales face à un débiteur propriétaire:
- Établir un plan conventionnel de redressement pour régulariser les dettes
- Recommander une procédure de rétablissement personnel avec liquidation judiciaire
- Mettre en place un moratoire pour permettre au débiteur de vendre son bien
En pratique, pour un propriétaire immobilier ayant contracté un crédit immobilier, la Commission choisit généralement la troisième option quand le montant de la dette est trop important par rapport aux capacités de remboursement du débiteur.
Cela crée un paradoxe: la Commission qui peut demander le report d’une vente forcée est aussi celle qui, dans ses propres recommandations, prescrit généralement au débiteur de vendre son bien. Elle sera donc peu encline à solliciter un report d’adjudication auprès du juge de l’exécution, puisqu’elle préconiserait elle-même une vente dans le cadre du traitement de la situation de surendettement.
Par ailleurs, lorsque la Commission saisit le juge de l’exécution, celui-ci ne peut que reporter la vente, sans possibilité de geler durablement la procédure. Cette nouvelle audience de vente doit être fixée dans un délai de deux à quatre mois selon l’article R. 322-29 du code des procédures civiles d’exécution.
C’est pourquoi ce report limité ne fait souvent que retarder une issue inévitable, sans régler la question de fond liée à la dette du débiteur.
Le recours à la procédure de surendettement est donc recommandé non pas pour éviter définitivement la vente, mais plutôt pour vendre dans de meilleures conditions lorsqu’aucune autre solution n’est envisageable. En effet, le moratoire accordé par la Commission s’accompagne généralement d’un gel des intérêts, limitant ainsi l’augmentation de la dette. De plus, ce moratoire peut atteindre une durée maximale de deux ans, et la durée accordée dépasse très souvent un an, offrant au débiteur des délais bien plus larges que ceux de la procédure de saisie pour réaliser une vente amiable dans des conditions optimales.
L’importance du conseil face à cette situation
Il peut être utile de consulter un avocat spécialisé pour vous accompagner dans ce type de contentieux.
En fonction de votre régime matrimonial (séparation de biens ou communauté), les implications peuvent également varier, notamment si le bien saisi fait partie de la communauté ou s’il s’agit d’un bien propre à l’un des époux. La présence d’une caution personnelle consentie par un tiers peut également influencer la stratégie à adopter.
Dans certains cas, si la procédure de rétablissement personnel est ordonnée et que le débiteur ne possède que très peu de biens, l’effacement des dettes non professionnelles (à l’exception des créances alimentaires) peut être une conséquence favorable pour un nouveau départ.
Sources
- Code de la consommation, articles L. 721-7, L. 722-4, R. 721-7
- Code des procédures civiles d’exécution, articles R. 322-28, R. 322-29
- Cour de cassation, 2e chambre civile, 29 septembre 2011, n° 10-27.658
- Site de la Banque de France sur le traitement des situations de surendettement
- Information du Ministère de la Justice sur les procédures d’expulsion et de saisie immobilière