gray concrete bricks painted in blue

Le recours en révision: quand et comment contester un jugement définitif

Table des matières

L’autorité de la chose jugée représente un pilier fondamental de notre système juridique. Pourtant, que faire lorsqu’un jugement définitif s’avère fondé sur une fraude ou une erreur majeure? La justice française a prévu une solution exceptionnelle: le recours en révision. Notre cabinet constate régulièrement que cette voie de droit reste méconnue de nombreux justiciables qui s’estiment définitivement vaincus. Cet article vous présente les cas où un jugement peut être remis en cause malgré son caractère définitif.

Qu’est-ce que le recours en révision?

Le recours en révision constitue une voie de recours extraordinaire permettant de contester un jugement qui n’est plus susceptible d’être attaqué par les voies ordinaires (appel, opposition). L’article 593 du Code de procédure civile le définit précisément: il « tend à faire rétracter un jugement passé en force de chose jugée pour qu’il soit à nouveau statué en fait et en droit ».

Cette procédure vise à corriger des erreurs judiciaires dues à une information incomplète ou falsifiée qui a trompé le juge. Elle permet de remettre en cause un jugement même lorsque tous les délais d’appel sont expirés – parfois depuis des années.

Le recours en révision se distingue nettement des autres voies de recours:

  • Contrairement à l’appel, il ne vise pas à obtenir un réexamen général du litige
  • À la différence du pourvoi en cassation, il ne conteste pas l’application du droit mais remet en cause l’appréciation des faits
  • Contrairement à la tierce opposition, il est formé par une partie au jugement et non par un tiers

Cette voie de recours s’inscrit dans la tradition juridique française qui, malgré l’importance accordée à la stabilité des décisions de justice, reconnaît que la vérité doit parfois prévaloir sur l’autorité de la chose jugée.

Quelles décisions peuvent faire l’objet d’un recours en révision?

La condition essentielle: la force de chose jugée

Pour être susceptible d’un recours en révision, une décision doit avoir acquis force de chose jugée. D’après l’article 500 du Code de procédure civile, cette qualité s’attache au jugement qui n’est plus susceptible d’aucun recours suspensif d’exécution.

En pratique, sont concernés:

  • Les jugements de première instance non susceptibles d’appel
  • Les jugements contre lesquels les délais d’appel ont expiré
  • Les arrêts des cours d’appel, puisque le pourvoi en cassation n’est pas suspensif (sauf exceptions)

Cette exigence traduit le caractère subsidiaire du recours en révision: tant qu’une voie ordinaire reste ouverte, c’est celle-ci qui doit être utilisée. Cela est d’autant plus vrai pour les procédures aux délais stricts, telle que la saisie immobilière, où l’engagement d’une défense dès la première instance est crucial pour éviter l’irrecevabilité des arguments en appel.

Les domaines d’application

Le recours en révision peut être formé dans toutes les matières civiles, commerciales, rurales ou prud’homales. L’article 749 du Code de procédure civile précise cette application générale.

Cette voie de recours est également ouverte en matière d’arbitrage interne. L’article 1502 du Code de procédure civile autorise expressément le recours en révision contre une sentence arbitrale, même si le tribunal arbitral a statué comme amiable compositeur. Depuis la réforme de 2011, cette possibilité s’étend également à l’arbitrage international.

En matière gracieuse, bien que le code reste muet, la jurisprudence admet généralement le recours en révision. La Cour de cassation l’a ainsi validé contre un jugement homologuant un changement de régime matrimonial (Civ. 1re, 5 janvier 1999, n° 96-22.914).

Pour les jugements de divorce, la situation est plus complexe. Si le principe même du divorce paraît difficilement révocable, les dispositions pécuniaires définitives peuvent faire l’objet d’une révision (Civ. 2e, 23 octobre 1991, n° 90-10.015). En revanche, pour les divorces par consentement mutuel, la Cour de cassation a refusé cette possibilité en raison de l’indivisibilité entre le prononcé du divorce et l’homologation de la convention (Civ. 1re, 5 novembre 2008, n° 07-14.439).

Quelles décisions sont exclues du recours en révision?

Certaines décisions échappent par nature au recours en révision:

Les décisions provisoires

Les ordonnances de référé ne peuvent faire l’objet d’un recours en révision. La Cour de cassation l’a clairement établi (Civ. 2e, 27 avril 1988). Cette exclusion s’explique par le fait que ces décisions peuvent déjà être modifiées ou rétractées en cas de circonstances nouvelles selon l’article 488 du Code de procédure civile.

La même logique s’applique aux ordonnances sur requête et aux dispositions provisoires ordonnées durant une procédure de divorce.

Les arrêts de la Cour de cassation

Les arrêts rendus par la Cour de cassation ne peuvent faire l’objet d’un recours en révision (Civ. 3e, 12 juin 1991, n° 90-15.411). Cette exclusion s’explique par la fonction même de la Cour de cassation, qui contrôle l’application du droit mais n’apprécie pas les faits. Or, le recours en révision concerne précisément des erreurs sur la matérialité des faits.

Les décisions des juridictions pénales

Les décisions rendues par les juridictions répressives, même lorsqu’elles statuent sur les intérêts civils, ne peuvent faire l’objet d’un recours en révision au sens du Code de procédure civile. La Cour de cassation justifie cette exclusion par la nature réglementaire des dispositions du Code de procédure civile, qui ne peuvent s’appliquer aux juridictions pénales relevant du domaine législatif (Crim. 19 janvier 1982).

Le Code de procédure pénale prévoit cependant sa propre procédure de révision pour les condamnations pénales.

Qui peut former un recours en révision?

Les parties au jugement contesté

Conformément à l’article 594 du Code de procédure civile, le recours en révision ne peut être formé que par les personnes qui ont été parties ou représentées au jugement.

Cette qualité s’attache au demandeur, au défendeur et aux intervenants de l’instance initiale. Elle s’étend également aux personnes représentées lors du jugement, comme les enfants représentés par leurs parents dans un jugement d’homologation de changement de régime matrimonial (Paris, 31 octobre 1996).

En revanche, les tiers totalement étrangers au litige ne peuvent pas exercer cette voie de recours. Ils doivent emprunter la voie de la tierce opposition s’ils souhaitent contester un jugement.

L’intérêt à agir

Comme pour toute action en justice, le demandeur au recours en révision doit justifier d’un intérêt à obtenir la rétractation du jugement. Cette condition, posée par l’article 31 du Code de procédure civile, exclut les recours formés par une partie qui a obtenu satisfaction dans le jugement contesté.

La question de la renonciation

Peut-on renoncer par avance au droit de former un recours en révision? La jurisprudence considère généralement qu’une telle renonciation anticipée n’est pas valable, particulièrement en cas de fraude. Aucune des causes d’ouverture du recours en révision n’étant étrangère à la notion de fraude, toute renonciation préalable serait contraire au principe fondamental selon lequel « la fraude corrompt tout » (fraus omnia corrumpit).

Cette solution a été retenue par plusieurs juridictions qui ont écarté les clauses de renonciation à tout recours lorsqu’une fraude était établie. Ce principe protège les justiciables contre les manœuvres déloyales qui viseraient à les priver de cette ultime voie de recours.

Les causes permettant la révision d’un jugement

Pour être recevable, le recours en révision doit s’appuyer sur l’une des quatre causes limitativement énumérées par l’article 595 du Code de procédure civile:

  1. La fraude de la partie au profit de laquelle le jugement a été rendu
  2. Le recouvrement de pièces décisives retenues par une autre partie
  3. Le jugement rendu sur des pièces reconnues ou judiciairement déclarées fausses
  4. Le jugement rendu sur des attestations, témoignages ou serments judiciairement déclarés faux

Ces causes partagent une caractéristique commune: elles concernent toutes une erreur factuelle qui a trompé le juge et faussé son appréciation du litige.

Le demandeur doit prouver que cette cause n’a été découverte qu’après le prononcé du jugement et qu’il n’a pu, sans faute de sa part, la faire valoir avant que la décision ne soit passée en force de chose jugée.

La réussite du recours exige que la cause invoquée ait eu une influence décisive sur le jugement contesté. Autrement dit, le juge n’aurait pas rendu la même décision s’il avait eu connaissance de tous les éléments.

Notre cabinet observe que la fraude constitue la cause la plus fréquemment invoquée dans les recours en révision. Elle se caractérise par des agissements déloyaux visant à tromper le juge, comme la production de faux documents ou la dissimulation d’éléments déterminants.

Si vous pensez être victime d’un jugement rendu sur la base d’éléments erronés ou frauduleux, notre équipe d’avocats peut évaluer si votre situation correspond à l’une des causes légales de révision. Une analyse précise de votre dossier nous permettra de déterminer l’opportunité d’engager cette procédure exceptionnelle et de vous accompagner dans sa mise en œuvre.

Sources

  • Code de procédure civile, articles 593 à 603
  • Code de procédure civile, article 749 relatif au champ d’application
  • Civ. 1re, 5 janvier 1999, n° 96-22.914 (homologation de changement de régime matrimonial)
  • Civ. 2e, 27 avril 1988 (ordonnances de référé)
  • Civ. 3e, 12 juin 1991, n° 90-15.411 (arrêts de la Cour de cassation)
  • Crim. 19 janvier 1982 (décisions des juridictions pénales)

Vous souhaitez échanger ?

Notre équipe est à votre disposition et s’engage à vous répondre sous 24 à 48 heures.

07 45 89 90 90

Vous êtes avocat ?

Consultez notre offre éditoriale dédiée.

Dossiers

> La pratique de la saisie immobilière> Les axes de défense en matière de saisie immobilière

Formations professionnelles

> Catalogue> Programme

Poursuivre la lecture

fr_FRFR