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L’opposition dans la procédure d’injonction de payer : comment reprendre la main

Table des matières

L’injonction de payer permet à un créancier d’obtenir rapidement un titre exécutoire sans débat contradictoire initial. Cette procédure, efficace pour le recouvrement des créances, peut paraître déséquilibrée pour le débiteur. Le législateur a donc prévu un mécanisme essentiel : l’opposition.

Ce droit restaure l’équilibre procédural en permettant au débiteur de contester l’ordonnance et d’imposer un retour au débat contradictoire. Zoom sur ce mécanisme crucial qui transforme une procédure unilatérale en procès classique.

1. L’opposition à l’injonction de payer : délais et modalités

Pour une première approche rapide de l’opposition à injonction de payer, consultez notre synthèse dédiée.

Des délais variables selon le mode de signification

Le Code de procédure civile distingue deux situations pour former opposition :

  • Signification à personne : délai d’un mois à compter de la signification (art. 1416, al. 1 CPC)
  • Signification non personnelle : l’opposition reste recevable jusqu’à l’expiration d’un mois suivant le premier acte signifié à personne ou la première mesure d’exécution ayant rendu indisponible tout ou partie des biens du débiteur (art. 1416, al. 2 CPC)

La Cour de cassation a précisé qu’en cas de saisie-attribution, « le délai pour former opposition, en l’absence de signification de l’ordonnance à personne, court à compter de la dénonciation de la saisie au débiteur » (Cass., avis, 16 sept. 2002, n° 02-00.003).

Forme et contenu de l’opposition

L’opposition se forme de manière simple :

  • Par déclaration au greffe contre récépissé
  • Par lettre recommandée avec accusé de réception
  • Voire par lettre simple (Civ. 2e, 1er mars 1989, Bull. civ. II, n° 56)

Point capital : l’opposition n’a pas à être motivée. Cette absence d’obligation de motivation constitue une protection procédurale pour le débiteur qui peut simplement manifester son refus d’adhérer à la procédure d’injonction.

Qui peut former opposition ?

Peuvent former opposition :

  • Le débiteur lui-même
  • Son mandataire (art. 1415 CPC)

L’article 1415 du CPC, modifié par la loi du 13 décembre 2011, permet à tout mandataire du débiteur de former opposition devant toutes juridictions, indépendamment des règles habituelles de représentation. Ce mandataire doit néanmoins justifier d’un pouvoir spécial.

La jurisprudence a précisé que l’opposition formée par un prétendu gérant de société ne disposant pas de cette qualité est nulle (Civ. 2e, 18 nov. 1987, Bull. civ. II, n° 231).

2. Effets de l’opposition : basculement vers une procédure ordinaire

L’opposition régulièrement formée produit un effet radical : elle saisit le tribunal « de la demande initiale du créancier et de l’ensemble du litige » (art. 1417 CPC). Ce basculement est crucial, surtout en comparaison avec les implications d’une ordonnance non opposée revêtue de la formule exécutoire. Les réformes législatives et jurisprudentielles récentes ont d’ailleurs continué à préciser et moderniser cette procédure.

Saisine automatique du tribunal

Le simple fait de s’opposer à l’injonction de payer déclenche la procédure contradictoire. Le greffe convoque les parties à l’audience par lettre recommandée avec demande d’avis de réception (art. 1418 CPC). Cette convocation doit être adressée à toutes les parties, même celles n’ayant pas formé opposition.

La Cour de cassation a confirmé que « l’opposition à une injonction de payer, même irrégulière, qui saisit le tribunal de la demande initiale du créancier et de l’ensemble du litige, interrompt le délai d’opposition » (Civ. 2e, 18 janv. 2024, n° 21-23.033).

Une particularité importante : l’opposition et l’exécution en cours

Lorsque l’opposition intervient après que l’ordonnance a été revêtue de la formule exécutoire (possible si la signification n’a pas été faite à personne), la jurisprudence a dégagé une solution équilibrée :

« L’opposition à l’injonction de payer revêtue de la formule exécutoire ne conduit pas à ordonner la mainlevée de la saisie-attribution qui aurait été pratiquée ; elle fait, en revanche, obstacle au paiement au créancier des sommes rendues indisponibles jusqu’à ce qu’il soit statué sur l’opposition » (Cass., avis, 8 mars 1996, n° 09-60.002).

Cette solution permet de concilier les droits du créancier et du débiteur.

Incidents possibles

Le débiteur peut se désister de son opposition. Dans ce cas, le créancier dispose d’un délai d’un mois pour demander l’apposition de la formule exécutoire (art. 1423 CPC).

Si aucune des parties ne comparaît à l’audience, le tribunal constate l’extinction de l’instance, ce qui rend non avenue l’ordonnance d’injonction de payer (art. 1419 CPC).

3. L’audience suite à l’opposition : retour au droit commun

Une instance ordinaire

L’audience qui suit l’opposition obéit aux règles de droit commun applicables devant la juridiction saisie. Les particularités prévues pour l’injonction de payer s’effacent.

Comme l’a clarifié la Cour de cassation, « lorsqu’une opposition est régulièrement formée, le tribunal est saisi de l’ensemble du litige et le jugement se substitue à l’injonction de payer » (Civ. 2e, 19 sept. 2022, n° 20-18.772).

Charge de la preuve

L’opposition modifie les positions procédurales : le créancier devient demandeur et le débiteur défendeur.

En conséquence, c’est sur le créancier que pèse la charge de la preuve (Com. 18 juin 1991, n° 88-17.011). Il doit démontrer la réalité et l’étendue de sa créance. La Cour de cassation a écarté tout renversement du fardeau probatoire qui aurait pu résulter de l’ordonnance d’injonction de payer.

Demandes incidentes possibles

L’article 1417 du CPC prévoit que le tribunal connaît « de la demande initiale et de toutes les demandes incidentes et défenses au fond ».

  • Les demandes additionnelles
  • Les demandes reconventionnelles
  • Les demandes en intervention

Ces demandes doivent s’inscrire dans les limites de la compétence d’attribution de la juridiction saisie.

Jugement de substitution

Le jugement rendu suite à l’opposition « se substitue à l’ordonnance d’injonction de payer » (art. 1420 CPC). Ce principe a des conséquences importantes :

  1. L’ordonnance portant injonction de payer, qui n’est une décision qu’en l’absence d’opposition, ne peut reprendre ses effets (Civ. 2e, 23 mai 2024, n° 21-25.988)
  2. Le juge ne peut pas confirmer l’ordonnance d’injonction de payer
  3. Le juge doit statuer à nouveau sur tous les aspects du litige

Le tribunal peut rejeter l’opposition et condamner le débiteur au paiement, mais cette condamnation repose sur le jugement lui-même et non sur l’ordonnance initiale.

4. Voies de recours : un système complexe

Recours contre l’ordonnance revêtue de la formule exécutoire

L’ordonnance d’injonction de payer revêtue de la formule exécutoire :

  • N’est pas susceptible d’appel (art. 1422, al. 2 CPC)
  • Peut faire l’objet d’un pourvoi en cassation, mais seulement pour critiquer les conditions d’apposition de la formule exécutoire (Civ. 2e, 6 avr. 1987, Bull. civ. II, n° 84)

La jurisprudence a progressivement restreint les moyens de cassation recevables :

« Le pourvoi en cassation n’est recevable pour critiquer les conditions d’apposition sur l’ordonnance de la formule exécutoire que si l’opposition n’est plus recevable » (Civ. 2e, 2 avr. 1997, n° 95-16.305).

Recours contre le jugement rendu sur opposition

Le jugement sur opposition est soumis aux voies de recours ordinaires :

  • Appel : possible lorsque le montant de la demande excède le taux de compétence en dernier ressort (art. 1421 CPC)
  • Pourvoi en cassation : ouvert lorsque le jugement est rendu en dernier ressort

La tierce opposition reste également ouverte aux tiers concernés par la décision. Par exemple, une caution peut exercer ce recours contre une ordonnance rendue contre le débiteur principal qui n’aurait délibérément fait valoir aucun moyen de défense (Civ. 1re, 10 déc. 1991, n° 90-12.834).

Un point pratique à surveiller : la consignation au tribunal de commerce

Une particularité existe devant le tribunal de commerce : l’article 1425 du CPC prévoit que si l’opposition est reçue sans frais par le greffier, ce dernier invite le créancier à consigner les frais de l’opposition au greffe dans un délai de quinze jours, à peine de caducité de la demande.

Cette disposition, parfois méconnue, peut permettre à un débiteur de faire échouer la procédure si le créancier omet de consigner les frais dans le délai imparti.

La procédure d’opposition en matière d’injonction de payer constitue ainsi un véritable mécanisme de rééquilibrage. Pour autant, son efficacité repose sur la réactivité du débiteur et sa compréhension des enjeux procéduraux.

Les délais stricts d’opposition, les formalités à respecter et les conséquences parfois irréversibles d’une inaction justifient souvent le recours à un conseil juridique dès réception d’une ordonnance d’injonction de payer. Notre cabinet d’avocats peut vous accompagner pour analyser votre situation, former opposition si nécessaire et vous représenter lors de l’audience contradictoire. N’hésitez pas à nous contacter dès que vous recevez une signification d’ordonnance.

Sources

  • Code de procédure civile, articles 1405 à 1425 (procédure d’injonction de payer)
  • Cass., avis, 16 sept. 2002, n° 02-00.003 (délai d’opposition en cas de saisie-attribution)
  • Civ. 2e, 1er mars 1989, Bull. civ. II, n° 56 (forme de l’opposition)
  • Civ. 2e, 18 nov. 1987, Bull. civ. II, n° 231 (nullité de l’opposition)
  • Civ. 2e, 18 janv. 2024, n° 21-23.033 (interruption du délai par l’opposition)
  • Cass., avis, 8 mars 1996, n° 09-60.002 (effet de l’opposition sur une saisie)
  • Com. 18 juin 1991, n° 88-17.011 (charge de la preuve)
  • Civ. 2e, 19 sept. 2022, n° 20-18.772 (substitution du jugement)
  • Civ. 2e, 23 mai 2024, n° 21-25.988 (perte d’effet de l’ordonnance)
  • Civ. 2e, 6 avr. 1987, Bull. civ. II, n° 84 (pourvoi en cassation)
  • Civ. 2e, 2 avr. 1997, n° 95-16.305 (recevabilité du pourvoi)
  • Civ. 1re, 10 déc. 1991, n° 90-12.834 (tierce opposition)

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